Comme chaque année, le 2 février est célébrée, depuis 1997, la Journée mondiale des zones humides. Elle a été récemment reconnue par l’ONU lors de son Assemblée générale du 30 août 2021, il y a moins d’un an. Elle est célébrée cette année sous le thème «Agir pour les zones humides, c’est agir pour la nature et les humains». En 2021 pour le 50e anniversaire de la création de la Convention de Ramsar, le thème était «Les zones humides et l’eau».
Les zones humides sont des milieux naturels beaucoup plus riches que les forêts tropicales, leur valeur économique leur est de 5 fois supérieure. Un septième de la population mondiale en dépend étroitement, alors que 40% des espèces y vivent ou s’y reproduisent. Beaucoup d’entre elles sont des frayères et zones de nourrissage pour des espèces de poisson qui fournissent le tiers des pêches mondiales.
Elles rendent des services inestimables et gratuits à l’humanité, comme la protection des littoraux, elles protègent les berges, les rivages de l’érosion, et les côtes des tempêtes. Elles rechargent des nappes souterraines, préviennent les crues rétention et retiennent des éléments nutritifs. Ce sont les meilleurs excréments productifs et des réservoirs de biodiversité. Ils sont au même titre que les forêts tropicales, des puits de carbone et elles jouent un rôle primordial dans le cycle de l’eau.
Selon la plateforme intergouvernementale politique et scientifique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, «87% des zones humides ont disparu dans le monde du XVIIIe siècle à 2000 et selon Ramsar, ce déclin s’est accéléré de -35 % entre 1970 et 2015», soit une perte trois fois plus rapide que pour les forêts et cela empire d’année en année. Les causes sont nombreuses, en plus des pertes anciennes des terres par le drainage, les barrages ou leur artificialisation, il faut compter les effets du changement climatique et la démographie qui s’accompagne du consumérisme et de l’urbanisation.
Selon un rapport de l’ONU sur la biodiversité (2019), plus d’un quart des espèces de zones humides sont en danger d’extinction et moins de 20% des zones humides mondiales sont protégées. 85% d’entre elles risquent de disparaître. La Convention de Ramsar sur les zones humides est un traité intergouvernemental qui fournit le cadre de l’action nationale et de la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Elle compte aujourd’hui 172 parties contractantes pour 2435 sites inscrits sur «La Liste» qui couvrent 254 685 425 ha .
L’Algérie qui, à ce jour inscrit à ce jour 50 sites, a adhéré à la convention en 1984 en inscrivant les lacs Tonga et Oubeïra du Parc national d’El Kala (El Tarf) respectivement en avril et novembre 1983. Les derniers, l’île de Rachgoun (Aïn Témouchent), le barrage de Boughzoul (Médéa) et l’aulnaie de Righia (El Tarf), l’ont été en juin 2011. Les 50 sites Ramsar algériens couvrent 3,032 813 millions hectares, soit près de 1,2 % des 2435 sites mondiaux et leurs 254, 685 425 millions hectares.
Mais contrairement à l’idée répandue et entretenue à dessein, la Convention de Ramsar et son label «La Liste» n’est pas une protection contre les atteintes, les altérations, les dégradations et la disparition des milieux exceptionnels. Ramsar ne donne pas un statut de protection contrairement à une aire protégée. Inscrire un site se doit qu’il réponde à des critères internationaux de valeurs, biologiques, écologiques, hydrologiques, d’utilisation durable et esthétiques pour qu’il soit reconnu «d’importance internationale».
En retour, les Etats qui demandent l’inscription doivent garantir de prendre toutes les mesures, logistiques, organisationnelles et juridiques, pour le maintien des critères qui ont contribué au classement. Ramsar apporte cependant l’assistance pour élaborer des plans, des programmes et une stratégie, l’organisation de formation pour la gestion, pour la production de supports pour la sensibilisation et l’information.
Mais comme on peut le constater, rien de concret en faveur de ces milieux très précieux dont la superficie totale est dix fois supérieure à celle du Domaine forestier national. Le label «Ramsar», avec les images de ces splendides plans d’eau qui scintillent au soleil, est exploité par les autorités et les médias pour cacher une situation désastreuse. Rares sont en effet les sites qui ont échappé à la dégradation.
Généralement situés dans le fond des dépressions, ils sont devenus le réceptacle des eaux usées et des décharges sauvages des agglomérations qui se sont implantées anarchiquement autour. On détourne leurs affluents et on pompe leurs eaux pour l’irrigation. On défriche, on laboure et on pâture à outrance les berges.
A cela il faut ajouter les sécheresses successives dues aux effets du réchauffement climatique. Le tout premier critère de classement «liste Ramsar» a été le nombre d’oiseaux d’eau qui utilisaient dans leur migration les zones humides algériennes. Plus de 1% de la population mondiale d’une espèce donnée suffisait à obtenir le label. Les migrateurs boudent de nombreuses de leurs étapes algériennes parce qu’ils ne trouvent pas la nourriture et le repos qu’il leur est nécessaire. Si on s’amusait à revoir uniquement ce critère, bien des sites seraient exclus de «l’importance internationale».
Il y en a une qui est cependant l’objet de toutes les attentions des autorités des médias, c’est le site Ramsar du lac de Réghaïa près de la capitale Alger. Une petite retenue d’une centaine d’hectares à l’embouche de l’oued Réghaïa qui est un véritable cloaque nauséabond qui reçoit les eaux usées de la région la plus industrialisée et la plus urbanisée du pays. Quasiment irrécupérable sans la mise en œuvre efficiente d’un plan Marshall pour épurer tous les affluents de l’oued Réghaïa qui irait jusqu’à la délocalisation des industries les plus polluantes. On peut toujours rêver.
Pour le 02/02/2022, la DGF, qui gère les zones humides, a déclaré que «la conservation, l’utilisation rationnelle et la restauration des zones humides sont possibles dans le cadre de la campagne 2022» et de «profiter de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes afin d’inverser le déclin des zones humides naturelles d’ici 2030». C’est comme les années précédentes mais avec une autre formulation.