La Fondation culturelle Asselah accueille une expo photo : Focus sur l’ancienne médina

26/01/2023 mis à jour: 12:09
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Lieu de mémoire, d’histoire et zone de hauts faits d’armes pendant la guerre de Libération, l’ancienne médina Beni Mezghenna reste encore et pour toujours cette entité urbaine traditionnelle qui ne laisse pas indifférents aussi bien le visiteur lambda de passage, l’archéologue, l’urbaniste que l’artiste plasticien. Trimbalant son focus dans les venelles et ruelles de La Casbah d’Alger, la photographe Fatima-Zohra Hadj Ahmed part sur les traces d’une mémoire vive de La Casbah où les venelles content chacune une histoire. Elle se saisit de son objectif pour aller arpenter le dédale de la mythique cité, El Mahroussa pour décliner une collection de photos présentées dans l’espace de la Fondation culturelle Ahmed et Rabah Asselah en deux situations : des vues panoramiques avec le beau patrimoine architectural et l’envers du décor qui donne, malheureusement le haut-le-corps et le haut-le-cœur tant la désolation qui lacère certains endroits est on ne peut plus criante, dont les monticules de gravats qui jonchent l’ex-rue Porte-neuve, les ruelles «dépavées» non sans obstruer le passage ainsi que les places vides et non moins crades qui donnent plein la vue aux touristes en quête de découverte et de curiosité. L’usure du temps, conjuguée à l’incurie de l’homme, a fini par faire son œuvre, sommes-nous tenus de dire. N’est-ce pas que «visiter Alger et ne pas fouler les coins et recoins de la Casbah,  c’est comme se rendre à Venise et ne pas emprunter ses gondoles», dira à juste titre un vieux Casbadji. Mais entre l’espoir de voir la cité – classée faut-il rappeler dans les tablettes de l’Unesco depuis 1992 – renaître de ses cendres et la réalité, l’image ne prête guère à l’optimisme. Même les corps de métier, autrefois installés en enfilade le long de certaines ruelles, n’ont plus pignon sur rue. A peine deux ou trois échoppes d’artisans qui font montre de résistance, en faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Cela vaut le détour toutefois, à la galerie de la Fondation sus nommée pour apprécier la vingtaine de photos prises dans le vif par la plasticienne qui, portée, passionnément, sur les scènes de vie de La Casbah, nous propose des pauses au cœur du tissu urbanistique conçu et érigé à l’ère de Bologhine Menad Ibn Ziri. L’artiste, qui est à sa troisième exposition, ouvre le champ focal de son appareil pour dévoiler et zoomer des terrasses surplombant la baie d’Alger, des mosquées, des femmes emmitouflées dans leur haïk et portant le voile à la fine broderie. Dans un autre espace de la galerie, des corridors gagnés par la pénombre font ressortir la dimension discrète ou intime des douérate les unes adossées aux autres, les encorbellements soutenant les auvents, des fontaines, lieu sociétal comme Ain Bir Chebana, des pans de murs lézardés que l’artiste-photographe capte dans son objectif comme un témoignage qui renseigne sur l’outrage du temps… L’artiste tient à jouer aussi sur le noir et blanc, l’image morose ou «inéclairée», la perspective sépulcrale de certaines ruelles que déserte l’animation de la cité est patente, l’élément humain est absent, sinon ne paraît sur les œuvres photographiques que très peu, comme pour dire que la cité millénaire agonise. La vieille médina est-elle en train de mourir de sa belle mort ? Elle périt en tout cas sous nos yeux chaque jour que Dieu fait. «Il ne s’agit pas de faire disparaitre le patrimoine en le détruisant, mais en l’abandonnant tout simplement», tient à souligner un natif de l’ancienne médina. Des propos on ne peut plus appropriés a fortiori lorsque la volonté de réhabiliter ce patrimoine fait défaut aussi bien des pouvoirs publics dont la politique de restaurer ce legs ancestral montre des signes d’essoufflement que pour les pensionnaires de la cité dont le seul souci – du moins pour une bonne partie des locataires – est de bénéficier, le moins qu’on puisse dire, d’un logement «outside the city».  D’autres tableaux arborent dans un coin de la galerie des morceaux de tissu urbain où le clair obscur suggère le relief et la profondeur, des œuvres qui nous font rappeler peu ou prou ces paysages sur fond d’ombre, volés au détour de La Casbah par l’artiste peintre orientaliste Eugène Fromentin, lorsque ce dernier posait son chevalet au Carrefour éponyme.  Rappelons que l’exposition est ouverte au public dans les locaux de la Fondation culturelle Ahmed et Rabah Asselah sise 29, boulevard  Zighout Youcef, et ce, jusqu’au 25 février prochain.

Farouk Baba-Hadji

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