Gagner n’est pas la chose la plus importante. Le football est un art, et il devrait montrer de la créativité. Les titres, c’est pour quoi faire ? Tu en as besoin pour ton CV ? Eh bien, tu peux le mettre dans ta poche, le plier, le déchirer. Bien sûr, quand tu participes à une grande compétition, le plus important, c’est le succès.
Sócrates Brasileiro (Shea 2010)
Je continue mes idées par les paroles de M. Miljanic, entraîneur de l’équipe de Yougoslavie. En décembre 1996, la Yougoslavie fut de nouveau autorisée à participer à des compétitions.
L’équipe se rend au Brésil pour y effectuer son premier match de football. Les joueurs demandent à l’entraîneur : «Que représente ce match pour le foot yougoslave ?» M. Miljanic répond : «Il a une grande valeur politique pour notre pays et il représente un grand soulagement pour notre football. On revient, et il faut désormais oublier le passé. Nous avons été victimes d’un terrorisme politique contre les joueurs, le football et le jeu. Nous étions des otages, désormais c’est fini. On a le sentiment d’être sauvés». Djamel Belmadi peut dire la même chose aux jeunes Algériens qui le soutiennent.
Le football est le phénomène le plus mondialisé, beaucoup plus que la démocratie ou l’économie de marché, dont on dit pourtant qu’elles n’ont ni limites ni bornages. Une équipe nationale de football devient l’image symbolique de sa nation quand cette dernière excelle sur le terrain vert.
Qui ne connaît pas le Brésil et qui ne connaît pas son roi Pelé ? Chez nous, Riyad Mahrez, Youcef Belaili et Rais M’Bolhi sont plus connus que n’importe quel ambassadeur qui représente notre nation. Pour clarifier les choses, le slogan «One, two three, viva l’Algérie» est devenu international. On reconnaît un citoyen algérien dans le monde par ce slogan.
Si vous demandez au cours d’une allocution ou un discours quelle que soit l’origine de l’auditoire : «Est-ce que quelqu’un connaît António Guterres et Qu Dongyu ?», il y a très peu de chances que des mains se lèvent. Mais si vous remplacez ces deux noms par Riyad Mahrez ou Lionel Messi, c’est l’inverse qui se produira. Peu de bras resteront collés aux genoux.
Les deux premiers sont des politiciens qui gèrent le monde. António Guterres est le neuvième secrétaire général de l’Organisation des Nations unies. Il a pris ses fonctions le 1er janvier 2017. Qu Dongyu est le l’actuel directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, FAO. Les seconds sont de «simples» sportifs mais, en réalité, des stars internationalisées qui assurent à leur pays un surcroît de popularité.
Grâce à la couverture planétaire que lui assure la télévision et les réseaux sociaux, le football est devenu un symbole de culture et de civilisation. Politiquement parlant, le football est l’image du pays au même titre que la diplomatie.
Le football est un élément caractéristique des relations internationales modernes que l’on ne peut plus restreindre aux seules relations diplomatiques entre Etats. Le sport en général et plus spécialement le football n’est, en effet, pas d’apparence desdites relations diplomatiques qui ne puisse être appliqué au football.
Dans notre histoire, le football a joué un grand rôle dans la diplomatie algérienne. En 1958, l’équipe du Front de libération nationale (FLN), composée de joueurs, Rachid Makhloufi, Mustapha Zitouni et d’autres Algériens ayant acquis une célébrité en France, s’est lancée dans une grande tournée mondiale qui devança la reconnaissance diplomatique de l’Algérie.
De la même façon, en décembre 1995, un match opposait une sélection palestinienne à l’équipe du Variété Football-Club français. Le célèbre footballeur Platini faisait partie de cette équipe. Aux yeux des Palestiniens, la rencontre représentait un jalon de plus dans le chemin qui les conduit vers la reconnaissance et vers l’indépendance.
Certains se demandent si la diplomatie est influencée par le sport. La réponse est oui. Une fois encore, l’histoire nous fait leçon. La diplomatie du ping-pong fait référence aux échanges de joueurs de ping-pong entre les Etats-Unis et la Chine dans les années 1970.
Quand le département chinois des affaires étrangères apprit que l’équipe américaine de ping-pong souhaitait être invitée à visiter la Chine, il nia ce souhait. Mais quand Mao Zedong vit l’information dans le Dacankao, un journal d’information destiné aux hauts dignitaires du gouvernement, il décida d’inviter l’équipe américaine. Il aurait alors dit : ce joueur de ping-pong, Zedong Zhuang ne joue pas seulement bien au tennis de table, mais il est doué aux Affaires étrangères, et il a un fin esprit politique.
Pour Mao Zedong, cette invitation est conforme à l’habitude de la République populaire de Chine de considérer le sport comme faisant partie intégrante de la diplomatie, à l’instar du slogan «L’amitié d’abord, la compétition après».
Cet événement historique a ouvert la voie à un renouveau dans les relations sino-américaines à l’occasion de la visite du président américain Richard Nixon en 1972 en Chine.
D’autres se demandent si la diplomate est bien footue chez nous. La réponse est oui. Les commentaires politiques sur les réseaux sociaux après le match Algérie-Maroc au Qatar sont de très bons. Aucun Algériens ne peut nier que le football et la politique se confondent sur un champ de bataille vert.
Les supporters dans les tribunes chantent leurs slogans de mécontentements ou satisfactions politiques. En Algérie ou dans n’importe quel pays du monde, les stades sont devenus des lieux de liberté et de défoulement mental.
En Yougoslavie, le 13 mars 1990, les premières fractures de la Fédération ont pu être perçues à l’occasion d’un match opposant le Dynamo de Zagreb à l’Etoile rouge de Belgrade. Des bagarres graves opposent les supporters des deux clubs croate et serbe. Dans ces combats, il y a plus de 61 blessés graves. L’Etat commun est mort symboliquement le 26 septembre 1990 à Split quand les supporters croates criaient dans le stade lors des matches opposant les clubs croates aux clubs serbes : «Slobodan Milosevic (le Président) !
Tu n’échapperas pas au couteau.» Les supporters ont investi le terrain et brûlé le drapeau yougoslave. Cet événement a montré que les supporters serbes et croates ne pouvaient plus partager le même stade ou le même Etat.
Depuis ce match, l’Etat yougoslave n’avait plus d’autorité sur une bonne partie de son territoire. De la même façon, chez nous dans les stades, les chahuts sont lancés contre Ouyahia et Sellal qui étaient pour le cinquième mandat.
Tout récemment, chez nous Youcef Belaili a réussi à rendre la joie à 40 millions d’Algériens. Youcef Belaili est arrivé à faire sortir les mécontents de Tizi Ouzou et Béjaïa pour exprimer leur joie sincère et leur amour pour l’Algérie.
Ces chahuts ont donné naissance au hirak. Le hirak, contre la prolongation du mandat du président Abdelaziz Bouteflika, a développé ses racines dans les stades de football. Les slogans du groupe de supporters de l’USMA «Ouled el-Bahdja» et sa chanson La Casa del Mouradia est devenue l’un des hymnes préférés dans toute contestation du hirak.
En contraste, dans le monde, certains footballeurs ont bénéficié d’une certaine sympathie populaire et sont devenus de icônes dans leurs pays. Zinedine Zidane en 1998 était plus aimé que président de la France de cette époque. Tout le monde se souvient du slogan «Zizou Président !» qui était projeté par la firme Adidas sur l’Arc de Triomphe le 12 juillet, puis repris lors de la garden-party à l’Elysée consécutive à la victoire française.
Tout récemment, chez nous, Youcef Belaili a réussi de rendre la joie à quarante millions d’Algériens. Youcef Belaili est arrivé à faire sortir les mécontents de Tizi Ouzou et Béjaïa pour exprimer leur joie sincère et leur amour pour l’Algérie. Nous pouvons dire que Riyad Mahrez et Youcef Belaili ont réussi là où nos politiciens ont récolté les choux. Le verbe échouer politiquement à sa racine dans le chou.
Le président Tebboune a bien compris le rôle du sport dans la diplomatie quand il a annoncé : «Plus aucune distinction ne sera faite entre les athlètes algériens.» Le président de la République a réservé un accueil officiel à la sélection nationale A’ de football après son couronnement historique dans la Coupe arabe 2021 de la Fifa. Les victoires des Verts sont un bon signe.
Elles nous annoncent un futur florissant dans une Algérie puissante. Le sérieux du coach Djamel Belmadi et la volonté de fer des jeunes joueurs doivent être pris comme exemple dans l’administration si vous voulons vivre avec dignité dans une Algérie forte et libre.
Saïd Ait Ali Slimane