Des «défaillances» de la justice et de la police kényanes ont permis à Paul Nthenge Mackenzie de prêcher un jeûne extrême, malgré plusieurs alertes sur ce pasteur accusé de la mort d’au moins 428 personnes, affirme une commission d’enquête dans un rapport consulté samedi par l’AFP.
Le «pasteur» Mackenzie est en détention depuis le 14 avril, au lendemain de la découverte de premières victimes dans la forêt de Shakahola, où se réunissaient les adeptes de son Eglise internationale de Bonne Nouvelle (Good News International Church), à qui il prêchait de jeûner jusqu’à la mort pour «rencontrer Jésus», avant la fin du monde prévue pour août 2023.
Depuis, 428 corps ont été déterrés dans cette vaste zone de «bush» du sud-est du Kenya où les recherches sont toujours en cours. Un des coaccusés est, par ailleurs, mort en détention. Baptisé «massacre de Shakahola», ce scandale a suscité stupeur et indignation au Kenya, pays majoritairement chrétien comptant 4000 «églises» officielles. Né en 1976, chauffeur de taxi avant de se proclamer pasteur, Mackenzie avait été confronté à la justice dès 2017 pour ses prêches extrêmes, souligne ce rapport d’une commission d’enquête sénatoriale.
Mais «le système de justice pénale n’a pas réussi à empêcher les atroces activités de Paul Mackenzie à Shakahola», affirme-t-elle, évoquant quatre affaires en 2017 et 2019. En 2017, il a notamment été acquitté d’accusations de radicalisation, alors qu’il dispensait illégalement un enseignement scolaire. Il rejetait, en effet, le système éducatif traditionnel qu’il disait non conforme à la Bible.
En 2019, il a été accusé d’être lié à la mort de deux enfants ayant «succombé à la faim et à la suffocation et enterrés dans la forêt de Shakahola». Il avait été libéré sous caution, dans l’attente d’un procès. La commission relève, par ailleurs, la responsabilité de la police locale qui avait enregistré «des plaintes récurrentes de chefs religieux et de la communauté locale contre ses activités dès 2017». Ces plaintes dénonçaient notamment l’opposition du «pasteur» aux systèmes éducatif et médical, mais aussi «la radicalisation d’adultes pour qu’ils démissionnent de leur travail et rejoignent l’église» ou le fait de «retenir des gens en otage», détaille le rapport.
Il souligne également «l’inaction» du Comité de sécurité du comté de Kilifi qui, lui aussi saisi de plaintes, «a convoqué Paul Mackenzie et l’a mis en garde contre ses enseignements radicaux et le fait de soumettre ses adeptes à des conditions inhumaines». Les recherches de corps et l’enquête sont toujours en cours à Shakahola. Une fois terminées, Mackenzie et 29 coaccusés seront formellement mis en accusation. Le «pasteur» sera notamment poursuivi pour «terrorisme», ont annoncé en mai les procureurs.