Younes Zebbiche. Maître de conférences en toxicologie et chef de département de pharmacie industrielle à la faculté de pharmacie d’Alger : «Le terme ‘‘bio’’ ne garantit pas toujours une sécurité absolue ni une qualité incontestable»

14/08/2023 mis à jour: 03:37
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La garantie «bio» s’affiche, de plus en plus, sur les emballages des produits de beauté, notamment ceux fabriqués de manière artisanale. Mais le bio est-il gage de qualité ? Utiliser des cosmétiques «bio», est-ce réellement sans danger ? Dans cet entretien, Younes Zebbiche, pharmacien toxicologue, revient sur le processus d’évaluation de ces produits, les ingrédients à éviter et délivre, aux consommateurs, des conseils pour bien choisir leurs produits.

- Les réseaux sociaux sont inondés par la publicité pour de nouveaux produits cosmétiques dits «bio», fabriqués de manière artisanale. Pensez-vous qu’il est raisonnable d’avoir confiance en ces produits ?

Tout d’abord, il est important de reconnaître que le terme «bio» ne garantit pas toujours une sécurité absolue ni une qualité incontestable. Lorsqu’il s’agit de produits cosmétiques, la confiance doit être fondée sur des preuves tangibles et une transparence totale en ce qui concerne les ingrédients et les méthodes de fabrication. Il est essentiel pour les consommateurs de rechercher les autorisations de mise sur le marché qui attestent de la qualité et de la sécurité des produits.

Il est important de noter que le simple fait qu’un produit soit fabriqué de manière artisanale et étiqueté «bio» ne suffit pas à garantir sa sécurité. Les consommateurs doivent rester vigilants et ne pas hésiter à poser des questions, à rechercher des informations et à privilégier des sources fiables lorsqu’il s’agit de leur santé et de leur bien-être.

- Comment se fait l’évaluation des produits cosmétiques ?

Les produits cosmétiques sont destinés à une large gamme de consommateurs, de tous âges, des nouveau-nés aux personnes âgées. Leur utilisation concerne tant les individus en bonne santé que ceux souffrant de diverses affections.

Chaque produit cosmétique renferme en général une multitude d’ingrédients. L’exposition quotidienne à une variété aussi large, comportant potentiellement des dizaines, voire des centaines d’ingrédients, suscite une préoccupation réelle quant aux risques associés.

Il y a donc deux aspects importants à considérer. Tout d’abord, l’exposition considérable à de multiples ingrédients cosmétiques au cours d’une journée peut engendrer des préoccupations quant à l’évaluation des risques. 

Deuxièmement, les effets nocifs des produits cosmétiques peuvent se manifester de manière aiguë, avec des réactions, telles que des irritations cutanées et des allergies. Cependant, ces dangers peuvent également être plus insidieux et se développer à long terme.

Certains ingrédients, tels que les perturbateurs endocriniens, peuvent influencer de manière négative la santé au fil du temps, allant des perturbations hormonales jusqu’à des conséquences plus graves. Il est donc essentiel de mener une évaluation rigoureuse du risque associé à l’utilisation quotidienne de produits cosmétiques.

Cette évaluation tient en compte des ingrédients individuels, de leur concentration et de leurs interactions potentielles. Il est impératif d’assurer que les produits cosmétiques disponibles sur le marché soient sécuritaires pour tous les consommateurs, qu’ils soient en bonne santé ou souffrant de conditions médicales spécifiques.

- Les ministères du Commerce et de l’Industrie ont fixé, il y a quelques années, les règles de conformité et de contrôle de la qualité des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, afin de protéger le consommateur des différents risques. Quel avis portez-vous sur cette décision ?

L’évaluation des produits cosmétiques constitue une étape vitale pour garantir leur sécurité et leur efficacité. En Algérie, le ministère du Commerce et de la Promotion de l’exportation a adopté une approche proactive visant à assurer la qualité des produits cosmétiques disponibles sur le marché.

A l’instar de nombreux pays à travers le monde, l’Algérie a mis en place une procédure de contrôle minutieuse pour évaluer ces produits avant leur mise en circulation.

Cette démarche implique une évaluation minutieuse des produits cosmétiques avant même qu’ils ne soient autorisés à être commercialisés.

Ce processus inclut une analyse approfondie des ingrédients et des tests en laboratoire, visant à vérifier à la fois l’innocuité et la qualité  des produits. Cependant, l’engagement envers la qualité ne s’arrête pas là. Le ministère du Commerce en Algérie a également mis en place des mécanismes de suivi et de contrôle continu après la mise sur le marché.

Cette approche a pour objectif de détecter toute tentative de fraude, de contrefaçon ou de non-conformité, garantissant ainsi que les produits autorisés et en circulation respectant les normes établies. Il est essentiel de souligner que la «cosmétovigilance» joue un rôle fondamental dans ce processus.

Le Centre national de toxicologie et les Centres antipoison et le Centre national de pharmacovigilance et materiovigilance jouent un rôle crucial dans la détection des éléments indésirables de tout produit mis sur le marché. Ces organismes jouent un rôle majeur dans la surveillance continue des produits cosmétiques, détectant et signalant rapidement tout effet indésirable ou problème de sécurité.

- Quels sont les ingrédients à éviter absolument dans les cosmétiques ?

Les ingrédients à éviter absolument dans les cosmétiques sont une préoccupation majeure pour la santé et le bien-être des consommateurs. En Algérie, cette question est prise au sérieux et est régie par une réglementation stricte.

Différents arrêtés définissent une liste de substances interdites, reconnues comme nocives pour la santé humaine, ainsi qu’une liste d’ingrédients autorisés, mais avec des seuils de sécurité spécifiques.

Lors de l’élaboration de l’autorisation préalable pour l’utilisation de ces ingrédients, ces listes jouent un rôle crucial dans le processus de formulation des produits cosmétiques. 
Les autorités prennent en compte ces directives strictes pour assurer que les produits mis sur le marché répondent aux normes de sécurité et de qualité requises.

Il est important de souligner que ces listes ne sont pas statiques, mais plutôt dynamiques. Elles sont mises à jour régulièrement en fonction des avancées scientifiques et des nouvelles connaissances en matière de sécurité des ingrédients cosmétiques.

- Malgré la présence d’étiquettes sur les produits, celles-ci restent floues, surtout lorsqu’on ne connaît pas du tout le nom scientifique de chaque ingrédient. Quels sont vos conseils dans en cas de doute ?

Face aux interrogations suscitées par les étiquettes de produits cosmétiques, en particulier lorsque les noms scientifiques des ingrédients demeurent mystérieux, quelques astuces peuvent éclairer le choix des consommateurs soucieux de leur bien-être.

Tout d’abord, il est recommandé de vérifier avec attention l’emballage du produit à la recherche d’un numéro d’autorisation. Ce numéro témoigne d’une évaluation préalable par une commission d’experts, garantissant ainsi la qualité et la sécurité du produit.

Une démarche prudente consiste également à privilégier des points de vente officiels et bien établis, tels que les pharmacies reconnues et les supermarchés renommés, plutôt que de s’aventurer sur des produits cosmétiques provenant de sources non réglementées.

Une telle précaution permet de minimiser les risques liés à la qualité et à la conformité des produits. Pour obtenir des conseils éclairés, il est judicieux de s’adresser à des professionnels qualifiés, notamment les pharmaciens du quartier.

Leurs compétences leur permettent de répondre aux questions relatives à l’utilisation appropriée, aux modes d’emploi et à la qualité des produits cosmétiques. Ces experts peuvent offrir des recommandations avisées pour une utilisation en toute confiance.

- Quel avenir pour l’industrie cosmétique en Algérie ?

L’Algérie aborde la question des produits cosmétiques avec une approche visant à protéger la santé et le bien-être des consommateurs.

Plusieurs perspectives prometteuses se profilent pour l’avenir de l’industrie cosmétique dans le pays. Tout d’abord, l’augmentation de la qualification des responsables de fabrication ou des directeurs techniques de production de produits cosmétiques, tant au niveau national qu’à travers l’importation, joue un rôle-clé dans l’assurance de produits de haute qualité.

La création d’un master en cosmétologie à la faculté de pharmacie de l’université d’Alger 1 en est un exemple concret. Cette initiative vise à former des professionnels hautement qualifiés dans divers aspects de l’industrie cosmétique, allant de la formulation à l’évaluation de la sécurité microbiologique et toxicologique.

Deuxièmement, l’introduction actuelle de la digitalisation et de l’informatisation dans le processus d’autorisation préalable des produits cosmétiques représente une perspective prometteuse.

Cette modernisation des démarches administratives va certainement accélérer les processus et répondre plus efficacement aux besoins des consommateurs en quête de produits de qualité. Enfin, encourager les travaux scientifiques et la recherche dans le domaine de la cosmétologie se révèle crucial pour l’évolution continue de l’industrie.

Ces avancées pourraient englober des aspects, tels que la fabrication, le contrôle qualité et l’évaluation de sécurité. En favorisant la recherche, l’Algérie peut contribuer à l’émergence de nouvelles connaissances et de meilleures pratiques, garantissant ainsi la pérennité et la qualité de l’industrie cosmétique nationale.

Dans l’ensemble, ces perspectives prometteuses, associées à une réglementation rigoureuse, peuvent contribuer à façonner un avenir où les produits cosmétiques algériens sont reconnus pour leur qualité, leur sécurité et leur excellence. Une approche proactive et éclairée peut ainsi favoriser la confiance des consommateurs et renforcer l’essor de l’industrie cosmétique en Algérie. 

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