Plus de 300 prisonniers de guerre au Yémen ont été libérés vendredi au premier jour d'un vaste échange entre camps ennemis, a annoncé le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), en pleines négociations sur une trêve dans le pays. Le Yémen est le théâtre d'un conflit opposant depuis 2014 le gouvernement, appuyé par l'Arabie saoudite, aux rebelles Houthis, soutenus par l'Iran, qui se sont emparés de vastes pans du territoire de ce pays, dont la capitale Sanaa. Fin mars, le gouvernement et les rebelles avaient conclu en Suisse un accord pour échanger près de 900 prisonniers, dont des Saoudiens, sur fond de réchauffement inattendu des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Soixante-neuf personnes ont pris vendredi un avion de Sanaa à Aden, la capitale provisoire du gouvernement dans le sud du pays, et 249 autres ont fait le trajet inverse au premier jour d'une opération devant s'achever dimanche, a indiqué le CICR dans un communiqué. L'échange se poursuivra tôt samedi avec au moins deux vols prévus entre l'Arabie saoudite et le Yémen, selon cette organisation. Au total, 16 prisonniers saoudiens, ainsi que trois soldats soudanais, sont attendus à Ryad samedi.
"Double fête"
A Sanaa, des dizaines de prisonniers sont descendus d'un avion, brandissant le poing en l'air en signe de victoire. Parmi les nombreuses personnes rassemblées, Yahia Abou Korra a dit avoir attendu le retour de son fils "depuis cinq ans". Et à l'approche des célébrations de la fin du ramadan la semaine prochaine, il se réjouit de cette "double fête". A Aden, des cris de joie ont retenti quand sont sortis d'un avion l'ancien ministre de la Défense, Mahmoud al-Subaihi, et le frère de l'ancien président, le général Nasser Mansour Hadi. Ce dernier s'est ensuite rendu à Ryad, où vit son frère. La dernière opération de cette ampleur remonte à octobre 2020, lorsque plus de 1.000 prisonniers avaient été libérés. L'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, a salué le début de l'échange tout en rappelant que "des milliers d'autres familles attendent toujours d'être réunies". La guerre au Yémen a provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde, avec des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés, dans un contexte d'épidémies, de manque d'eau potable et de faim aiguë. Plus des trois quarts de la population dépendent d'une aide internationale qui ne cesse pourtant de diminuer. "Des centaines de familles déchirées par le conflit seront réunies pour le ramadan, apportant une lueur d'espoir au milieu de grandes souffrances", a déclaré Fabrizio Carboni, directeur du CICR au Moyen-Orient. Cité dans le communiqué, il a émis l'espoir que "ces libérations donnent un élan pour une solution politique plus large". L'échange de prisonniers a aussi été salué par l'administration américaine. "Nous encourageons toutes les parties à consolider ces mesures positives et parvenir (...) à une solution diplomatique", a indiqué dans un communiqué Jake Sullivan, conseiller à la Sécurité nationale. Jeudi, une délégation saoudienne est repartie de Sanaa avec un "accord préliminaire" de trêve et la promesse de "nouveaux pourparlers", selon un responsable rebelle.
"Discussions positives"
Les discussions à Sanaa ont été "positives" avec des "progrès sur certaines questions", a assuré sur Twitter le négociateur en chef des Houthis, Mohammed Abdelsalam. Selon des sources du gouvernement yéménite, les discussions portent sur une trêve de six mois ouvrant la voie à une période de pourparlers de trois mois au sujet d'une transition qui durera deux ans, au cours de laquelle la solution finale sera négociée entre toutes les parties. La trêve doit permettre de répondre aux deux exigences principales des Houthis: le paiement par le gouvernement des salaires des fonctionnaires dans les zones rebelles et la réouverture de l'aéroport de Sanaa, contrôlé par l'aviation saoudienne. L'année dernière, les parties avaient observé une trêve de six mois. Si elle n'a pas été officiellement reconduite après son expiration début octobre, la situation est restée relativement calme sur le terrain. "Seule la libération, sans conditions, de tous les prisonniers civils et non civils par les parties montrera un sérieux engagement envers la paix", a estimé Nadwa Dawsari du centre de réflexion Middle East Institute. L'accord de mars avait été conclu après un réchauffement des relations entre les deux poids lourds du Golfe, l'Arabie saoudite et l'Iran, qui s'opposent sur divers dossiers, et parfois même par camps interposés comme au Yémen.