Washington sourd à tous les appels : Extradition imminente de Julian Assange

12/07/2023 mis à jour: 08:03
2668

A moins d’un miracle, le journaliste australien Julian Assange sera extradé par les Etats-Unis dans les prochaines semaines. C’est ce qu’a déclaré son épouse Stella, lors d’une manifestation organisée récemment à Londres pour exiger sa libération. « Julian pourrait être extradé d’ici quelques semaines. 

Nous n’avons pas de calendrier précis, mais c’est vraiment la phase finale », a-t-elle déclaré aux journalistes présents. L’ordre d’extradition a été signé en juin dernier par la ministre britannique de l’Intérieur, alors que les appels introduits par les avocats de Julian Assange ont été rejetés par un juge de la Haute Cour. Si cette procédure aboutit, ce serait l’épilogue d’un long feuilleton judiciaire orchestré par la Maison-Blanche et la CIA depuis Donald Trump. Aux Etats-Unis, le lanceur d’alerte est poursuivi pour espionnage et encourt une peine de 175 ans de prison pour avoir publié en 2010 plus de 700 000 documents confidentiels dévoilant des activités militaires et diplomatiques américaines, notamment sur la guerre en Irak et en Afghanistan, ou encore le programme de cyberespionnage global mis en place par la CIA. 

C’est le crime absolu pour les gouvernements de la coalition occidentale. Un crime qu’il faut punir sévèrement pour éteindre, notamment, cette nouvelle forme de journalisme irrévérencieuse, et dangereuse pour la pérennité des «démocraties». Poursuivi en novembre 2010 par la justice suédoise et menacé d’extradition pour une affaire de viol, Assange se réfugie alors dans l’ambassade de l’Equateur à Londres et obtient le statut de réfugié politique et ensuite la nationalité grâce au président de gauche, Rafael Correa. Il passera sept ans entre les murs de l’ambassade jusqu’à l’avènement de Lenin Moreno à la tête de l’Equateur. Troquant les principes contre le pragmatisme, Moreno livre Assange aux Britanniques contre un chèque de 4,2 milliards de dollars signé par le FMI. Le 11 avril 2019, la police britannique pénètre dans l’ambassade et met les menottes aux mains du journaliste. Depuis, Assange est détenu dans l’isolement dans la prison de haute sécurité de Belmarch près de la capitale de Sa Majesté. 

En Suède, l’affaire de viol est classée sans suite, en revanche, la pression américaine fait plier la justice britannique malgré la résistance de la juge Vanessa Baraitserqui en janvier 2021, la demande d’extradition, estimant que les conditions d’incarcération aux Etats-Unis posent un risque de suicide. Après de longues années de privation de liberté et de mauvais traitement, Assange a la santé mentale fragilisée. En mai 2019, un rapporteur de l’ONU sur la torture, et après avoir rencontré Assange en prison, a déclaré que le journaliste présente « tous les symptômes de torture psychologique ». 

Dernier espoir

Un élan de solidarité est exprimé à travers le monde pour le lanceur d’alerte le plus célèbre, considéré comme un Robin des bois du journalisme. De nombreuses actions sont organisées par des collectifs autour de son épouse, l’avocate Stella Assange. Le gouvernement australien est intervenu pour libérer son ressortissant, mais juste assez pour sauver les apparences. Idem pour les médias qui ont pris part à la publication des câblesWikileaks en 2010, notamment Le New York Times, le Guardian, le Monde, Der Spiegel et El Pais. Le 28 novembre 2022, à l’occasion des douze ans de la publication collective de ce qui deviendra le «cablegate», ces cinq journaux internationaux ont publié une lettre ouverte adressée au gouvernement des Etats-Unis pour qu’il cesse ses poursuites contre Assange. 

Pas assez, notent des observateurs, pour qui le peu de solidarité montré par ces médias est un autre symptôme de la mort du journalisme ou du moins d’une certaine idée du journalisme. Désespérée et seule, Stella Assange, accompagnée de membres de sa famille, est allée rencontrer le pape François, le 30 juin dernier, pour plaider la cause de son mari et demander l’intervention du Vatican. Dans la bataille juridique et suite à la décision du ministre britannique de l’Intérieur et le rejet des demandes d’appel, les avocats d’Assange ont déposé une dernière demande d’appel devant les tribunaux britanniques. 

Si elle est acceptée, l’affaire pourrait faire l’objet d’une audience publique devant deux nouveaux juges de la Haute Cour. Dans le cas contraire, il ne restera qu’une option ultime pour bloquer l’extradition, à savoir une intervention de la Cour européenne des droits de l’homme.
 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.