Les dissensions au sein du gouvernement israélien persistent et il semble bien qu’il n’y a que la perpétuation des massacres contre la population de Ghaza et cet objectif irréalisé jusqu’à présent d’«anéantir» le Hamas pour encore souder ses rangs.
Benyamin Netanyahu, déjà en difficulté avant le séisme du 7 octobre 2023, a tiré profit du contexte de guerre pour repousser le plus possible l’heure d’assumer son bilan politique en tant que chef du Likoud et en tant que Premier ministre. L’homme s’est appuyé sur une inédite coalition d’extrême droite, la plus radicale depuis la fondation de l’entité sioniste en 1948, pour revenir au pouvoir en 2022.
Il s’appuie depuis 5 mois sur la même coalition d’illuminés pour mener la guerre la plus meurtrière contre la population palestinienne. Dès décembre dernier, le président américain, qui avait parié sur une guerre éclair à Ghaza et un conflit au risque de débordement régional plus maîtrisé, a dû perdre patience devant les agissements des ministres pyromanes du gouvernement Netanyahu et leur obsession messianique renouvelée de coloniser la totalité du territoire palestinien en forçant les populations arabes à l’exil définitif.
Parrain en chef de Tel-Aviv qui s’illustre depuis le début du conflit par un engagement inconditionnel sur ses options militaires et politiques, les Etats-Unis ne pouvaient pas ne pas réagir à des déclarations et prises de position qui vont ouvertement à l’encontre de leur doctrine diplomatique. Alors qu’il animait une rencontre de collecte de fonds pour sa campagne électorale, Joe Biden a estimé qu’Israël ne pouvait plus se dérober à la perspective de reconnaître un Etat palestinien.
Dans l’élan, il invitera le Premier ministre israélien à changer rapidement de gouvernement pour ne pas aggraver son cas en s’aliénant des soutiens occidentaux qui commençaient à s’épuiser à peine deux mois après le début du conflit.
Des déclarations auxquelles les ministres d’extrême droite israélienne ont vertement réagi, inaugurant un épisode de tension publique sans précédent avec Washington. Itamar Ben Gvir, ministre ouvertement raciste de la Sécurité intérieure, avait rétorqué que l’Etat hébreu n’était pas le 51e Etat américain, et qu’il ne devait pas, de ce fait, recevoir de directive de la Maison-Blanche. Son fils déclarera deux mois plus tard que Biden était atteint d’Alzheimer et que par conséquent, il ne devait pas être comptable de ses propos.
L’extrême droite danse sur les cadavres
Des écarts diplomatiques de ce genre sont légion depuis quelques mois et placent la Maison-Blanche dans une posture assez inédite de tuteur dépassé par l’insolence de son protégé. Itamar Ben Gvir, chef hyperactif du mouvement suprémaciste Otzma Yehoudit (Puissance juive) s’était déjà illustré par des profanations régulières de l’Esplanade de la mosquée à El Qods, par la distribution massive d’armes d’assaut aux colons israéliens avec permis ouvert de les utiliser contre les Palestiniens.
Il prône actuellement l’interdiction de toute prière musulmane à El Qods durant le mois du Ramadhan. Son cas n’est pas isolé. Fin janvier dernier, 12 ministres du gouvernement Netanyahu ont participé à un grand meeting célébrant «la recolonisation de Ghaza» et «l’enterrement des Accords d’Oslo».
Parmi les 12 ministres, plus de la moitié sont issus du parti du Likoud que préside Benyamin Netanyahu. Paris et Berlin, deux capitales qui ont largement soutenu l’Etat hébreu dans sa guerre contre Ghaza, avaient réagi en exigeant des «explications» des hautes autorités à Tel-Aviv.
Les explications ne sont pas venues et le Premier ministre israélien continue à ménager ses coalisés de l’extrême droite pour pouvoir prolonger le conflit et se maintenir au pouvoir. Selon un récent sondage de la Chaîne 13 israélienne, 53% de la population sont convaincus que le Premier ministre ferme la porte à toute solution négociée au conflit pour donner des sursis supplémentaires à sa carrière politique.
Quitte à sacrifier «les otage » entre les mains du Hamas, et mettre toute la région du Moyen-Orient sur la voie d’un conflit régional. Les boucheries commises contre plus de 30 000 Palestiniens de Ghaza depuis octobre dernier, dont la plupart sont des femmes et des enfants, n’est pas forcément un critère qui pèse dans ledit sondage, ce qui dénote du virage extrémiste que l’émergence des courants politiques de l’orthodoxie religieuse et le bloc de pression constitué par des centaines de milliers de colons, ont imprimé à la société.
Les désaccords apparus depuis le début du conflit, au sein même du Cabinet de guerre mis en place il y a 5 mois pour justement conférer un sceau d’unité à l’action du gouvernement de l’Etat hébreu, se sont accentués et peuvent à tout moment dégénérer en fractures.
C’est ce que prétendent nombreuses analyses spécialisées s’intéressant à l’équilibre des forces politiques à Tel-Aviv ces dernières semaines. La visite de Benny Gantz, ministre sans portefeuille et membre du cabinet de guerre, à Washington serait une des manifestations de la détérioration des relations avec le Premier ministre.
Rival déclaré de Netanyahu, Gantz devrait rencontrer Kamala Harris, la vice-présidente des Etats-Unis et le conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, dans le propos d’une initiative prise sans s’en référer au chef du gouvernement.
Ce dernier «est entré dans une colère noire» selon le Wall Street Journal, a instruit l’ambassade israélienne à Washington d’ignorer la visite de son ministre. La Maison-Blanche se cherche vraisemblablement un partenaire plus coopératif à Tel-Aviv et voudrait probablement voir finir rapidement l’ère Netanyahu.