Vente de parrainages à des postulants à la candidature : La justice enquête sur trois candidats

03/08/2024 mis à jour: 09:14
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Lotfi Boudjemaa, procureur général près la cour d’Alger

L’intrusion de l’argent sale dans le jeu électoral et la jonction entre l’argent et le politique ont pris des dimensions alarmantes cette dernière décennie. En dépit de l’arsenal juridique mis en place par le législateur algérien, ce phénomène revient à chaque échéance électorale.

 Preuve en est ce jeudi et c’est une première dans les annales de la justice. Le parquet a ordonné aux services de la police judiciaire de diligenter une enquête préliminaire approfondie sur une affaire «d’achat de parrainages d’élus» par certains prétendants à la candidature à l’élection présidentielle anticipée du 7 septembre prochain. Trois postulants, dont les dossiers ont été rejetés par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), seraient impliqués dans cette affaire de vente de signatures. 

Ainsi, les rumeurs qui ont circulé sur l’octroi des parrainages des élus au profit des candidats moyennant des sommes d’argent ont poussé la justice à ouvrir une enquête. Lotfi Boudjemaa, procureur général près la cour d’Alger, a révélé ce jeudi, lors d’une conférence de presse animée au siège de la cour d’Alger, avoir agi sur la base «d’informations fiables» faisant état de la vente par des élus de leurs parrainages aux postulants à la candidature au prochain scrutin présidentiel. 

«Dans le cadre des prérogatives de la justice, représentée par le parquet, d’autant que le pôle pénal et financer jouit d’une compétence nationale quant aux affaires de corruption, le parquet a ordonné aux services de la police judiciaire des investigations approfondies sur ces graves faits de corruption politique», a-t-il expliqué. L’enquête préliminaire, confiée aux services de l’enquête judiciaire de le Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), a révélé trois niveaux se rapportant chacun à une catégorie spécifique. 

Selon M. Boudjemaa, les investigations ont permis l’audition de plus de 50 élus sur procès-verbal. Ces derniers ont tous reconnu avoir reçu «des sommes d’argent allant de 20 000 à 30 000 DA» en contrepartie de parrainages de formulaires au profit de candidats à la candidature. 


Arrestations 

Le deuxième niveau de cette pratique condamnable par la loi concerne les intermédiaires. Aussi, 10 personnes qui ont servi d’intermédiaires entre les élus et les prétendants ont été entendues. Ces personnes ont avoué avoir collecté des fonds puis remis l’argent aux élus. Pour ce qui est du troisième niveau, les premiers éléments de cette enquête préliminaire ont fait ressortir, d’après le représentant du ministère public, l’implication dans ces pratiques de «trois personnes ayant exprimé leur intention de se porter candidat à la candidature». 

Le procureur n’a pas révélé les noms de ces postulants. Mais il a soutenu que «des procédures légale pourraient être appliquées contre ses individus». Il a, toutefois, promis que toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans cette affaire de corruption seront «arrêtées et poursuivies». 

Dans son intervention M. Boudjemaa a déploré le recours à ce phénomène qui vise à entacher la crédibilité du scrutin. Il a relevé que malgré «l’arsenal juridique important et développé mis en place par le législateur algérien en vue de garantir la régularité des élections, des dépassements et un recours à l’argent sale et à la corruption ont été relevés». 

Le but visé est de porter atteinte à la régularité et à la crédibilité du scrutin du 7 septembre, qui constitue une étape cruciale pour les Algériens. Il a rappelé, dans ce sens, ce que prévoit la loi relative au régime électoral en matière de lutte contre la corruption. Un code qui criminalise «la manipulation des voix, l’octroi des dons et avantages en argent, ou en nature, de services et des promesses». 

Par ailleurs, à rappeler que sur les 16 candidats ayant déposé leur dossier de candidature auprès de l’ANIE,  seulement trois ont été sélectionnés pour la course au Palais d’El Mouradia. Il s’agit de Youcef Aouchiche, premier secrétaire national du Front des forces socialistes (FFS), Abdelaali Hassani Cherif, président du Mouvement pour la société et la paix (MSP), et enfin le président sortant Abdelmadjid Tebboune. Cinq candidats ont introduit des recours auprès de la Cour constitutionnelle, mais cette dernière les a rejetés confirmant ainsi le verdict de l’ANIE. Les trois candidats retenus s’attellent à peaufiner leur stratégie de campagne électorale qui débutera le 15 du mois courant.
 

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