Une enquête menée par deux médias de la gauche israélienne, le magazine Local Call et le site +972, confirme l’utilisation, par l’armée d’occupation, de l’intelligence artificielle pour «cibler délibérément et massivement» des civils palestiniens à Ghaza. Basée sur plusieurs entretiens obtenus auprès de nombreux officiers du renseignement, de personnes travaillant pour le compte de l’aviation mais aussi sur des témoignages de victimes palestiniennes, les investigations lèvent le voile sur «l’usine d’assassinats de masse» à Ghaza.
Deux médias de la gauche israélienne, le magazine Local Call et le site +972, ont publié, une enquête exclusive sur l’utilisation par l’armée d’occupation de l’intelligence artificielle qui lui permet «de gérer une usine d’assassinats de masse, dans laquelle l’accent est mis sur la quantité et non sur la qualité».
Les auteurs commencent par révéler : «L’autorisation élargie de l’armée israélienne pour bombarder des cibles non militaires, l’assouplissement des contraintes concernant les pertes civiles attendues et l’utilisation d’un système d’intelligence artificielle pour générer plus de cibles potentielles que jamais auparavant semblent avoir contribué au caractère destructeur des premières étapes de la guerre actuelle menée par Israël dans la Bande de Ghaza.»
Et de souligner : «Ces facteurs, tels que décrits par les membres actuels et anciens des services de renseignement israéliens, ont probablement joué un rôle dans la production de ce qui a été l’une des campagnes militaires les plus meurtrières contre les Palestiniens depuis la Nakba de 1948.»
Les bases de données sur lesquelles reposent les révélations sur «des conversations» de membres «actuels et anciens» du renseignement israélien, y compris militaire, et de l’armée de l’air impliqués dans «les opérations israéliennes dans la Bande assiégée, en plus des témoignages, des données et des informations palestiniennes, des documents de la Bande de Ghaza et des déclarations officielles du porte-parole de l’armée et d’autres institutions de l’Etat israélien».
Baptisée «Opération épées de fer», l’armée sioniste a « étendu considérablement ses bombardements sur Ghaza, à des cibles qui ne sont pas clairement de nature militaire». Il s’agit notamment de résidences privées ainsi que de bâtiments publics, d’infrastructures et d’immeubles de grande hauteur, que l’armée définit, selon des sources, comme des «cibles du pouvoir».
Le bombardement de cibles énergétiques (…) vise principalement à nuire à la société civile palestinienne, «à créer un choc» qui, entre autres choses, aura des répercussions puissantes et «amènera les civils à faire pression sur le Hamas».
De nombreuses sources, affirment les deux médias, «ont confirmé que l’armée israélienne dispose de fichiers sur la grande majorité des cibles potentielles à Ghaza, y compris les maisons, qui stipulent le nombre de civils susceptibles d’être capturés ou tués lors d’une attaque contre une cible particulière. Ce nombre est calculé et connu à l’avance des unités de renseignement de l’armée, qui savent également, peu avant de lancer une attaque, combien de civils sont susceptibles d’être tués».
Evoquant, certains cas, les deux médias affirment que «le commandement militaire israélien a sciemment approuvé le meurtre de centaines de civils palestiniens dans le but d’assassiner un seul haut commandant militaire du Hamas. Les chiffres sont passés de dizaines de morts de civils déclarés comme dommages collatéraux dans le cadre d’une attaque contre un haut responsable lors d’opérations précédentes, à des centaines de morts civils comme dommages collatéraux » (...).
«Rien n’arrive par hasard»
«Rien n’arrive par hasard», affirment des sources aux deux médias, ajoutant : «Lorsqu’une fillette de 3 ans est tuée dans une maison à Ghaza, c’est parce que quelqu’un dans l’armée a décidé que ce n’était pas grave qu’elle soit tuée, que c’était un prix qui valait la peine d’être payé pour frapper ‘‘une autre’’ cible (…) Ce ne sont pas des fusées aléatoires.
Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison (…) la raison du grand nombre de cibles et les dommages considérables causés à la vie civile à Ghaza est l’utilisation généralisée d’un système appelé ‘‘Habsora’’ (l’Evangile), qui repose en grande partie sur l’IA (intelligence artificielle) et peut ‘‘générer’’ des cibles presque automatiquement à un rythme qui dépasse de loin ce qui était auparavant possible. Ce système est une usine d’assassinats de masse.
Son utilisation croissante permet de mener des frappes massives contre des résidences où vit un seul membre du Hamas, même s’il s’agit de jeunes membres du Hamas.» Les rédacteurs, relèvent, en outre, les témoignages de Palestiniens à Ghaza qui affirment que depuis le 7 octobre, «l’armée a également attaqué de nombreuses résidences privées où ne résidait aucun membre connu ou apparent du Hamas ou de tout autre groupe militant.
De telles frappes, ont confirmé des sources, peuvent délibérément tuer des familles entières (…) Le résultat de ces politiques est la perte stupéfiante de vies humaines à Ghaza depuis le 7 octobre. Plus de 300 familles ont perdu 10 membres ou plus dans les bombardements israéliens au cours des deux derniers mois, un nombre qui est 15 fois plus élevé que le chiffre qui avait été annoncé (…) Pour l’état-major de l’armée, toutes ces attaques visaient une cible militaire légitime, mais des quartiers entiers avaient été attaqués à grande échelle et non de manière chirurgicale».
Pourtant, «malgré les bombardements israéliens effrénés, les dégâts causés à l’infrastructure militaire du Hamas dans le nord de Ghaza au cours des premiers jours de la guerre semblent avoir été très minimes (…) les cibles militaires qui faisaient partie des cibles du pouvoir ont déjà été utilisées à plusieurs reprises comme une feuille de vigne pour nuire à la population civile.
Le Hamas est partout à Ghaza ; il n’y a aucun bâtiment qui n’ait quelque chose du Hamas, donc si vous voulez trouver un moyen de transformer un gratte-ciel en une cible, vous pourrez le faire», écrivent les deux médias ajoutant : «Ils voulaient donner aux citoyens de Ghaza le sentiment que le Hamas ne contrôle pas la situation.
De telles attaques aboutissent très souvent au meurtre de familles entières (…) des éléments de preuve provenant de Ghaza suggèrent que certains gratte-ciels – dont nous supposons qu’ils étaient des cibles du pouvoir – ont été renversés sans avertissement préalable. Pourquoi, alors, après presque deux mois, l’armée israélienne n’a-t-elle pas encore manqué de cibles ?
La réponse réside dans une déclaration du porte-parole de l’armée, le 2 novembre, selon lequel l’armée utilise le système d’intelligence artificielle (l’Evangile) qui lui ‘‘permet de gérer une usine d’assassinats de masse, dans laquelle l’accent est mis sur la quantité et non sur la qualité (…) Étant donné qu’Israël estime qu’il y a environ 30 000 membres du Hamas à Ghaza et qu’ils sont tous condamnés à mort, le nombre de cibles potentielles est énorme’’.»
Cette politique meurtrière, notent les rédacteurs, se poursuit aujourd’hui, «en partie grâce à l’utilisation d’armes destructrices et de technologies sophistiquées comme l’Evangile, mais aussi grâce à un establishment politique et sécuritaire qui a relâché les rênes de la machine militaire israélienne.
Quinze ans après avoir insisté sur le fait que l’armée s’efforçait de minimiser les dommages causés aux civils, Gallant, aujourd’hui ministre de la Défense, a clairement changé de ton : ‘‘Nous combattons les animaux humains et nous agissons en conséquence’’», a-t-il déclaré après le 7 octobre», concluent les rédacteurs de l’enquête. Un aveu cinglant qui explique toute cette machine dévastatrice lancée contre la population civile de Ghaza.