En tout cas, les doutes sur les intentions du pouvoir de lancer la révision de la loi sur les syndicats sont justifiés.
Les autorités insistent, depuis quelques jours, sur la révision de la loi sur l’exercice du droit syndical. Le sujet a été examiné, à deux reprises, en Conseil des ministres, lors desquels un seul point a attiré l’attention : l’interdiction de la connexion entre les organisations syndicales et les partis politiques.
Ce dernier est fortement vendu, via les communiqués diffusés par la présidence de la République repris largement par l’ensemble des médias nationaux, comme «le point nodal» de cette réforme d’une loi née avec l’avènement du pluralisme politique en Algérie et la fin du système du parti unique, après les événements d’Octobre 1988. Il s’agit de la loi 90-14 du 2 juin 1990 qui est l’un des rares textes de l’ouverture démocratique qui n’a pas été concerné par d’importants amendements durant les 30 dernières années. Cette focalisation sur la séparation du syndicalisme et de la politique intrigue plus d’un.
Et pour cause, le législateur algérien l’avait déjà prévue dans plusieurs textes en vigueur actuellement. En effet, la loi 90-14, elle-même, est très claire sur cette question. «Les organisations syndicales sont distinctes par leur objet, leur dénomination et leur fonctionnement de toutes associations à caractère politique et ne peuvent entretenir avec elles aucune relation, qu’elle soit organique ou structurelle, ni recevoir des subventions, dons ou legs sous quelque forme que ce soit de leur part, ni participer à leur financement», stipule l’article 5 de ce texte, qui souligne, toutefois logiquement, que «les membres de l’organisation syndicale sont libres d’adhérer individuellement aux associations à caractère politique». Cette loi n’est pas l’unique texte séparant l’exercice syndical de l’activité politique.
La loi sur les partis, amendée en 2012, est aussi claire à ce sujet. «Le parti politique ne peut avoir un lien organique de dépendance ou de contrôle avec un syndicat, une association ou toute autre organisation qui n’a pas de caractère politique», précise l’article 50 de ce texte. Qu’est-ce qu’il faut changer alors ? Quelle est l’arrière-pensée des promoteurs de cette révision de la loi sur les syndicats ?
«On ne peut pas parler des intentions, mais on juge sur les pratiques», souligne le sociologue et spécialiste du monde syndical, Nacer Djabi. Selon lui, la loi actuelle «est claire, concernant l’autonomie des syndicats et leur indépendance du monde politique». «Le premier à avoir violé la loi en la matière est le pouvoir, comme l’a montré l’histoire.
C’est bien lui qui a impliqué les syndicats, à l’image de l’UGTA, dans l’exercice politique en les mobilisant dans des opérations de soutien à ses démarches. Donc, c’est au pouvoir lui-même de donner l’exemple et de respecter l’autonomie des syndicats», explique-t-il. Pour notre interlocuteur, si les autorités en place «veulent développer une nouvelle expérience syndicale et aller vers une refonte de la pratique syndicale dans le pays, il y a des démarches à entreprendre».
«Il faut d’abord laisser les syndicats autonomes investirent les secteurs économiques, public et privé, et donner l’agrément à la Confédération des syndicats algériens (CSA). Il faut aussi faire en sorte que la justice respecte le droit à l’exercice syndical», soutient-il.
En tout cas, les doutes sur les intentions du pouvoir de lancer la révision de la loi sur les syndicats sont justifiés. Récemment, l’Association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) a été dissoute par la justice, suite à une plainte du ministère de l’Intérieur qui lui reproche, entre autres, «sa connexion avec des partis politiques». Des syndicats risquent-ils de connaître le même scénario ?