Une rétrospective du décollage économique spectaculaire des pays du Sud-Est asiatique (2e partie et fin)

15/09/2024 mis à jour: 01:09
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Dans les PED en retard sur le plan scientifique et technologique, la partie d’origine externe (l’absorption de connaissances externes) est clairement dominante à cause de la faiblesse du niveau des compétences humaines et des efforts en matière de R&D qui limitent l’augmentation du stock de connaissances. 

En effet, les compétences scientifiques et technologiques sont devenues indispensables pour les la croissance et le développement. 


Dès lors, la construction de compétences et capacités constitue l’un des éléments majeurs et décisifs pour les performances économiques, à la fois les performances des entreprises et les performances macroéconomiques. 


Cette tendance est liée au rôle du développement de l’économie de la connaissance, où les institutions et les organisations en faveur l’éducation et la formation de compétences, le financement de la recherche et de l’innovation, la réglementation et les régimes de propriété intellectuelle constituent des éléments stratégiques pour promouvoir l’innovation et créer de la richesse. 


Ceci a affecté les domaines d’intervention des pouvoirs publics au sein des pays et le besoin d’instaurer des politiques d’innovation pour la construction d’une économie fondée sur la connaissance. 

Au plan micro-économique, ces bouleversements ont concerné également les entreprises et leur mode de fonctionnement, avec le développement d’entreprises innovantes pour la compétitivité économique. 

Ainsi, l’émergence économique est liée à l’amélioration des compétences de la main d’œuvre, à la production et la diffusion des connaissances dans les entreprises et l’économie en général, à la reproduction des pratiques efficaces, enfin, à l’amélioration de la qualité des produits et les processus de production.


Comme l’expliquent les deux économistes Haudeville et Younes Bouacida (2015), «leur mise en œuvre nécessite des capitaux importants destinés à l’investissement, à la formation, à la recherche. Ils résultent d’un véritable processus d’investissement, au même titre que celui qui permet la mise en valeur des ressources naturelles. Seul l’objet est différent, dans un cas il s’agit de mise en valeur de ressources naturelles, dans l’autre, la mise en valeur des capacités humaines». Enfin, l’émergence économique est attachée à la culture de développement et les valeurs collectives au sein de la société. 


En effet, il semble désormais dans les pays en développement, de plus en plus clairement que le développement ne dépend plus uniquement de paramètres économiques ou politiques, mais aussi des valeurs collectives et de la culture de développement de la population et de la société, en général. L’expérience des pays asiatiques, qui ont pu sortir durablement du sous-développement, a montré qu’ils n’ont pu arriver à ce résultat qu’avec la seule capacité de travail de leur population. 


En effet, ces populations étaient disciplinées et animées d’un sens de l’intérêt national. Les traits culturels de ces sociétés étaient l’optimisme envers l’avenir et l’enthousiasme pour le développement. Comme le souligne l’économiste Casson (1993), les valeurs collectives influent aussi sur les performances économiques d’une société parce qu’elles créent une cohésion morale. 


Cela suppose donc le travail, le sérieux dans le travail, le respect de la dignité de la personne humaine qui permet une plus grande harmonie dans la société, et enfin, le respect des lois et des règles en vigueur et l’action pour l’intérêt général. En définitive, l’émergence est considérée comme une étape essentielle dans la trajectoire qui conduit un pays en développement vers le développement économique. 

L’exemple des pays du Sud-Est asiatique, ou celui de la Chine aujourd’hui, illustre, à juste titre ce phénomène. Ces pays ont su adapter les variables formations de compétences et capacités, innovation et progrès à leur contexte et réussit à assurer une bonne politique de développement. 


Favoriser par la culture de développement et les valeurs collectives de leurs populations et l’ensemble de la société, ils ont pu remonter sur quelques décennies le chemin qui les séparait des frontières technologiques et s’y positionner durablement au même titre que les pays développés. Ces exemples permettent ainsi de dégager des règles universellement valables pour passer du sous-développement au développement. 


En comparaison avec d’autres pays en développement, l’Algérie est assez favorisée en ce qui concerne les préconditions du décollage économique et de l’émergence. Le rapport de la Banque mondiale de 2024 sur la situation économique de l’Algérie a souligné les efforts du pays qui ont été déployés pour une croissance durable et diversifiée, l’importance des réformes récentes, le processus de numérisation et les solides performances des secteurs hors hydrocarbures et des hydrocarbures. 

En effet, «la loi relative à l’investissement de 2022, la loi monétaire et bancaire de 2023, l’adhésion formelle à l’accord de libre-échange continental africain, la loi sur le foncier économique de 2023 et le lancement des réformes des banques publiques visent à stimuler l’investissement privé pour favoriser la diversification» (Banque mondiale, 2024).

 Aussi, la politique de promotion de l’université «entrepreneuriale» et de création d’incubateurs au sein des institutions universitaires en faveur de l’innovation et la création d’entreprises et de start-ups a pour objectif de rendre l’université une locomotive de la croissance et du développement économique et social durables. 


Ce modèle d’Etat constitue le pivot de la stratégie de rattrapage économique de l’Algérie. Avec des ressources naturelles abondantes, une population jeune, un formidable réservoir de compétences humaines et de bon marché, la proximité du marché européen et africain, l’Algérie possède un énorme potentiel pour devenir, dans un futur très proche, un grand pays émergent pour rejoindre rapidement le rang des pays développés.  

 

Par Pr Rédha Younes Bouacida , Docteur en sciences économiques 
d’Aix Marseille Université, France

 

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