Même s’il s’agit d’une adaptation d’une nouvelle de Tchekhov (La choriste), la pièce de théâtre Lailatkoum saiida, du théâtre national égyptien présentée au TRO dans le cadre des journées du théâtre méditerranéen, organisé à l’occasion des JM, reste très banale et sans aucune profondeur, y compris dans son registre, c’est-à-dire la comédie.
Les situations sont tellement prévisibles que même l’adhésion à l’intrigue se rompt très vite. Alors que Farid se prétendant riche courtise chez elle Dourriya, une chanteuse réellement fortunée, des personnages frappent à la porte pour exiger de l’argent en présentant la situation comme étant compromettante.
Au milieu de la pièce, le spectateur lambda sait déjà de quoi il s’agit. Pour preuve, dans cette histoire de chantage à un pseudo-adultère orchestré sciemment par une famille pauvre, c’est un spectateur dans la salle qui lance «c’est la fille (lbent) !» lorsque ce personnage encore invisible frappe à la porte à l’improviste comme l’avaient fait les précédents, un prétendu détective privé, une prétendue couturière, etc.
Cette annonce venant du public précédant la même annonce sur scène démontre la fragilité de la construction faisant que la scène finale, en guise de prologue, devienne franchement inutile malgré toute la pause qu’elle a nécessitée pour changer le décor et évidemment les costumes.
Justement, ces derniers sont parmi les marqueurs qui renvoient à une époque donnée mais pas que. Le turban turc (tarbouche), le costume, etc. portés par les personnages masculins renvoient à un certain classicisme justifiant la période Tchekhov (fin XIXe) mais aussi à une classe sociale privilégiée, comme objet de convoitise accentué par la couleur dorée de la robe de la riche demoiselle courtisée qu’on a planifié de dépouiller.
Avec des rires arrachés ça et là et de temps à autre, Ce n’est pas à proprement parler un vaudeville avec des quiproquos et des retournements de situations qui déclencheraient à coup sur des rires interminables et ce n’est pas non plus un classique comme le laisserait voir la séquence d’ouverture avec un décor à l’occidental truffé de quelques touches orientales car la pièce reste fermée sur elle-même en ne renvoyant à rien d’autre que le fait divers lui-même. Une escroquerie qui mène ses auteurs en prison.
Le théâtre égyptien regorge de comédies légères qui traduisent ouvertement ou en filigrane, les mœurs, les préoccupations et les aspirations d’une époque ou d’une génération mais ce n’est pas le cas ici. Un théâtre pour endormir comme spécifié dans le titre.
Le seul intérêt réside sans doute dans le jeu des comédiens qui maîtrisent leur art, le résultat du travail des établissements et des instances de formation (il en existe énormément dans les universités) mais aussi du dynamisme du théâtre égyptien toujours subventionné par l’Etat mais en réelle concurrence avec le privé.