Une «erreur d’aiguillage» des bagages a fait que le batteur ne retrouve plus son instrument à la sortie d’avion le jour-même. Cette déconvenue a failli avoir comme conséquence l’annulation pure et simple du spectacle déjà annoncé depuis un moment.
Mais c’était sans compter sur la détermination des organisateurs dont le directeur du TRO, Mourad Senouci, qui les a convaincus de maintenir la programmation avec, en contrepartie, un accès gratuit au public amateur qui s’est déplacé.
Le manque de temps n’a pas permis de trouver une solution alternative fiable, par exemple se faire emprunter ou louer un instrument chez l’un des différents magasins de musique de la ville.
A défaut, on s’est attelé à improviser une section percussion faite de bric et de broc et ça a fonctionné grâce au talent du batteur Konstantin Kräutler, qui a finalement sauvé la mise avec, coïncidence liée à l’approche de l’aïd oblige, des baguettes à l’origine confectionnées spécialement pour dépouiller le mouton. Visuellement, on aurait aimé une meilleure image du groupe mais la magie sonore a quand même opéré et le public a finalement été séduit. Un bricolage qui a conféré à la soirée un certain cachet intime avec, annonce Ulrich Dreschler, «une prestation musicale entièrement improvisée et donc propre à la ville».
Une espèce de «Kohln Concert» (Keith Jarett) à l’oranaise, même si on sait d’avance, qu’ici, le succès populaire ne sera pas au rendez-vous. Peu importe, au-delà des sourires complices liés à la situation du moment, les musiciens se sont surpassés pour accomplir chacun sa part dans cette performance de jazz contemporain, relativement accessible.
Le défaut de batterie, malgré l’ingéniosité du «percussionniste» a conféré beaucoup plus de responsabilité au bassiste Oliver Steger (Basse électrique) qui s’est retrouvé mis beaucoup trop an avant, lui dont l’instrument habituel reste en plus la contrebasse.
«C’est un instrument énorme qui s’adapte mal aux voyages en avion», a prévenu le célèbre saxophoniste autrichien qui, lui par contre et pour l’occasion, est venu avec deux instruments en comptant en plus le saxophone soprano, un amour de jeunesse de l’artiste pour exprimer les passages les plus fougueux qui vont contraster avec les lignes mélodiques plutôt blues exécutés avec l’autre type de saxo permettant des intonations plus graves.
L’improvisation étant le propre du jazz, un genre qui ouvre la voie autant à l’expression du réel qu’aux émotions enfouies dans le plus profond des êtres, le sentiment lié à la déception vécue ce jour-là devait nécessairement avoir sa place dans la composition. Heureusement que le spectacle n’a pas été annulé, entend-on dire à la fin.
Le trio était programmé dans le cadre du Festival européen de musique qui se déroule cette année presque exclusivement à Alger (entre le 15 et le 21 juin), mais l’ambassadrice d’Autriche, Mme Christine Moser, présente à Oran, a tenu à ce qu’il y ait un spectacle en dehors d’Alger et le choix a été porté sur la capitale de l’Ouest, relève-t-on localement.
«L’Oran concert» a donc eu lieu avant le spectacle qui n’est prévu à Alger que le 21 juin. «Nous avons toujours participé à ce festival européen que l’Autriche a contribué à créer, mais, cette année, sans doute à cause de coupes budgétaires, il a dû être cantonné à Alger», a déploré la diplomate autrichienne à l’issue du spectacle.
Dans l’après-midi, en collaboration avec l’Institut Cervantès, un atelier sur l’improvisation prévu vers 14 heures a dû être décalé mais il a quand même eu lieu au bonheur des nombreux musiciens dont des jeunes femmes, à l’instar de cette saxophoniste, qui se sont déplacés et qui ont pu ainsi échanger des idées sur la manière d’aborder le jazz et les perspectives que ce genre ouvre bien au-delà de la formation académique et des techniques.
L’écoute, l’interconnexion de soi avec les autres, l’imprégnation pour se laisser habiter par le rythme et la mélodie, la nécessité d’essayer de développer son propre son, etc., sont autant d’indicateurs développés ensemble et mis en pratique. Une manière de contribuer à propager cette culture jazz universelle et qui peut s’adapter à toutes les situations et le spectacle donné ce soir-là l’a prouvé.