La Tunisie a organisé, hier, des élections locales dont l’objectif est la mise en place d’une deuxième chambre au Parlement, dernière pierre de l’édifice «autoritaire» du président Kais Saied, selon l’opposition, rapporte l’AFP.Environ 9 millions de Tunisiens (sur 12 millions) sont appelés à élire plus de 2000 conseillers locaux sur environ 7000 candidats, selon l’autorité électorale Isie.
Elu démocratiquement en octobre 2019, le président Saied s’est emparé de tous les pouvoirs depuis le 25 juillet 2021. La Constitution qu’il a fait modifier par référendum, à l’été 2022, institue un Parlement de deux chambres : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et un Conseil national des régions et des districts. L’ARP, aux pouvoirs très limités, a pris ses fonctions au printemps 2023, après des législatives boycottées par l’opposition et massivement boudées par les électeurs (11% de participation). L’investiture de la deuxième chambre est prévue en juin 2024, au terme d’un processus complexe de scrutins locaux et tirages au sort. Ce Conseil se prononcera sur le budget de l’Etat et des projets de développement régional.
Aux 2155 conseillers élus (dont certains après un deuxième tour début 2024), s’ajouteront 279 porteurs de handicap, tirés au sort sur un millier de candidats. Des conseillers régionaux seront ensuite tirés au sort parmi les conseillers locaux puis voteront en leur sein pour désigner des conseillers de districts. En haut de la pyramide, les 77 membres de la deuxième chambre au Parlement seront choisis par des votes des conseillers régionaux et de districts. L’Isie annoncera les résultats préliminaires du premier tour le 27 décembre. Le second tour est prévu en février. L’opposition a appelé à boycotter un vote «illégal» et «imposé», selon elle, par le président Saied pour parachever son processus «autoritaire».
Depuis février, les autorités ont incarcéré plus d’une vingtaine d’opposants, dont le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi et le cofondateur du Front de salut national, principale coalition d’opposants, Jawhar Ben Mbarek,
ainsi que d’anciens ministres et hommes d’affaires. Plus de 260 personnalités tunisiennes ont signé une pétition nationale pour s’opposer au scrutin. «Le pouvoir en place continue de mettre en œuvre son projet politique imposé aux Tunisiens sans que ces conseils aient une loi fondamentale définissant leurs rôles et pouvoirs, ce qui est sans précédent dans l’histoire des nations et des peuples», ont-ils affirmé dans leur texte. Et d’observer : «La Constitution de 2022 a mis fin à la transition démocratique, conférant au président de la République tous les pouvoirs et le plaçant au-dessus de tout contrôle, transformant le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire en simples fonctions sous l’autorité exécutive. La concentration sur les conseils locaux vise à affaiblir le pouvoir local, à le disperser et à en faire un autre instrument docile entre les mains du pouvoir exécutif».
Depuis février, plus d’une vingtaine d’opposants, d’hommes d’affaires et d’autres personnalités, qualifiés de « terroristes » par K. Saïed, sont emprisonnés sous l’accusation de «complot contre la sécurité intérieure».
Le 13 décembre, l’opposante Chaïma Issa a été condamnée à un an de prison avec sursis par un tribunal militaire qui l’a notamment reconnue coupable d’«offense» au président Saïed sur la base de déclarations faites dans les médias, selon ses avocats.
«La justice militaire condamne la militante politique Chaïma Issa à un an de prison avec sursis», a écrit sur Facebook l’une de ses avocates, Islem Hamza. Une autre membre de son équipe de défense, l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek a précisé, également sur Facebook, que Mme Issa a été condamnée à six mois de prison pour «incitation» aux militaires à désobéir aux ordres, à quatre mois pour «offense» au chef de l’Etat et à deux mois pour «propagation de rumeurs», dans le but de nuire à la sécurité publique.