Trump, Musk, Durov et les autres

29/08/2024 mis à jour: 00:01
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Avec l’affaire Pavel Durov, revoilà les réseaux sociaux, les plateformes qui mobilisent des milliards de personnes, au cœur de l’actualité. C’est dire l’enjeu que ces réseaux suscitent au sein des utilisateurs, qui peuvent se permettre une information horizontale, de citoyen à citoyen, sans barrière, ni censure ni pression. De sorte que les gouvernements sont impuissants à intervenir, car toute tentative de leur part est souvent vouée à l'échec, sauf à couper l’accès global à internet. Mais il y a les plateformes fourre-tout. Il y a les autres, les mastodontes infranchissables, choyées et bénies par le dieu argent, qui ont aussi, contrairement aux premières citées, pour effet de renfermer l’information, de la répartir intra-muros, entre elles, selon les connivences.

Si les plateformes les plus connues s’identifient à leurs propriétaires, Telegram, qui s’invite malgré lui cette semaine et compte quand même dans ce paysage, l’est un peu moins, notamment son jeune patron Pavel Durov, discret et peu médiatisé, et qui présente un profil atypique.  Qui est-il ? C’est un Franco-Russe âgé de 39 ans, qui a été arrêté samedi au Bourget (Paris) à la descente de son jet privé. C’est un libertaire de Russie post-soviétique, né à Leningrad, devenue Saint-Pétersbourg, où il y fonde en 2006 VKontakte, l’équivalent russe de Facebook. En 2012, sa plateforme est utilisée par des manifestants anti-Poutine. On l’écarte de sa propre entreprise, il en perd le contrôle avant de la vendre. En 2013, il cofonde avec son frère Telegram. Il quitte la Russie l’année d’après. Sa fortune est déjà estimée à 13 milliards de dollars par Forbes. Signe particulier, il est toujours vêtu de noir. On lui connaît quatre nationalités, la russe, celle de Saint-Christophe-et-Niévès, paradis fiscal des Antilles, celle des Emirats où il vit, et enfin française, obtenue en 2021. Telegram brasse presque un milliard d’utilisateurs de par le monde. Certains l’ont taxée de plateforme de l’illicite,  tant les interdits se côtoient : drogue, cybercriminalité, pédophilie, pornographie… Sans modération, puisqu’elle ne possède pas de modérateur, justifient ses détracteurs. De plus les plateformes occidentales l’accusent de désinformation, de déstabilisation et de fournir à son pays natal des infos top secret, militaires, notamment sur l’Ukraine.

Musk, le patron de Twitter (X), défend «ce citoyen du monde, libertaire» et stigmatise la France, «qui doit le protéger, puisqu'elle lui a accordé la nationalité», martèle-t-il. D’autres estiment que Durov coopère avec Moscou, dans une relation ambivalente, dès lors qu’il ne  lui a pas donné toutes les clés. Toujours selon eux, Poutine aurait instruit ses lieutenants d'effacer toutes leurs applications de Telegram. Alors que des analystes suspects, car trop visibles dans les médias bien connus de propagande, affirment mordicus que cette arrestation a été  actée pour arracher des informations secret défense à Durov. Pour ses proches, plus réalistes, le jeune manager  serait devenu plus visible, exposé et donc dangereux dès  2023, lorsqu’il a adopté la cryptomonnaie, actif numérique virtuel qui ne nécessite pas le passage par les banques, en utilisant ce procédé pour l’achat et la vente d’armement lourd sophistiqué. Sans que nul ne puisse contrôler ni arrêter ces transactions illicites.

A propos de cette arrestation, prudent, le sulfureux Trump, habitué des harangues sur les réseaux, échaudé par ses sanctions passées sur Twitter à propos de l'assaut par ses partisans du Capitole, et conscient des enjeux de sa prochaine présidentielle dans deux mois, a apporté timidement son soutien au jeune Russe. Lors de l’affaire qui a secoué la Maison-Blanche le 6 janvier 2021, il s’est rappelé avoir été coupé de ses relais et de ses soutiens. Même momentanément, cette pause forcée lui a paru une éternité. Il en a terriblement souffert.

Il avait vécu cette «punition» comme une «infâme défiance». Parvenir à fermer le clapet de l’homme le plus puissant de la planète. Le monde change de cap, avec cette inversion des rôles, avait-il grommelé entre ses dents. Il avait admis la puissance de ces médias un peu singuliers. Avant, regrette-t-il, c’était le politique qui interdisait un moyen de communication... Désormais, c’est le moyen de communication qui interdit un politique. Autres temps, autres mœurs… Cela pose, bien sûr et surtout, d’immenses questions, d’ordre moral, démocratique et éthique sur ces plateformes et sur les réseaux défouloirs et leurs utilisateurs... qui ont bien abîmé les mœurs, les valeurs démocratiques et la déontologie... 

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