Dans la précipitation, afin d’être au rendez-vous, la wilaya de Tipasa a entamé des travaux d’une manière éparse, pour permettre aux membres des délégations officielles participantes à ce sommet de la ligue arabe, de visiter les sites culturels de Tipasa classés sur la liste du patrimoine archéologique mondial par l’Unesco.
Selon une source de l’administration de la wilaya, la réception du projet de la piétonnière devait avoir avant la fin du mois de février.
L’agression, contre les sites archéologiques, allant jusqu’à la disparition de certains monuments, au niveau du chef-lieu de la wilaya et autres localités au riche passé historique. Contactée par nos soins, Mme Tahrat, directrice de la culture de la wilaya répond à nos interrogations, «en effet, dès ma reprise après mon congé de maladie, j’ai constaté ces travaux d’assainissement et de dallage qui sont décidés par le wali uniquement.
Ce projet avait été entamé sans que notre direction ne soit avisée. D’ailleurs, je vais saisir dès maintenant par écrit notre wali et notre tutelle. Il faut que nos autorités soient averties. Notre responsabilité n’est pas engagée dans cette situation. Néanmoins, sachez que rien n’a été découvert quand les ouvriers de l’entreprise avaient creusé la piétonnière. J’ignore le délai d’achèvement de ce chantier. Notre direction de la culture n’a pas été intégrée dans aucune commission inhérente à ce projet. Je dois préciser que pour creuser dans cette zone, il fallait obligatoirement avoir une autorisation du ministère de la Culture et des Arts, malheureusement cela n’a pas été le cas», conclut-elle.
Archéologue-chercheur, auteure en retraite, une scientifique a réagi à ces travaux entrepris dans la piétonnière en ce début du mois de février 2022, «durant le mandat du wali Lahouel Kaddour, le dallage et l’assainissement au niveau de la rue piétonne avait été scrupuleusement étudié juste après la création de la wilaya de Tipasa, afin de rappeler aux visiteurs, que le dallage ressemble à celui de la période antique.
L’architecte très réputé venu d’Alger s’est occupé de la mission, il s’agit d’une piétonnière indique notre interlocutrice, des pierres, deux colonnes, chapiteaux, objets de poterie des anciennes civilisations avaient été récupérés lors des travaux de creusement de la rue piétonne. Une fontaine avait été érigée à l’entrée du parc national archéologique avec des pierres récupérées.
Tavernes en tuiles
L’architecte a d’ailleurs suivi la réalisation de tavernes construites en tuiles, afin d’animer les activités commerciales allant dans le sens de l’objet de la visite au niveau du site archéologique classé par l’Unesco. Les autorités locales de l’époque avaient fermé les yeux face aux acquéreurs de ces locaux, quand ils ont démoli leurs tavernes et ont procédé à l’extension illégale de leurs locaux, alors que l’architecte voulait créer une rue piétonne semblable à celle qui existe à Pompei qui se trouve au pied du Vésuve (Naples, ndlr), comment les décideurs actuels de la wilaya de Tipasa sont arrivés à creuser sans l’autorisation du ministère de la Culture, selon les propos de la directrice de la culture, la rue piétonne, située dans le périmètre de visibilité, il aura suffi pour eux de consulter le PPMVSA, qui est opposable au tiers, c’est ce document qui dicte les types d’aménagement à engager, la piétonnière se trouve dans la zone tampon, donc dans le périmètre de visibilité du patrimoine mondial archéologique classé par l’Unesco.
Maintenant, je dirai que le site doit être sérieusement protégé en appliquant les lois, autrement l’Unesco déclasse le site archéologique de Tipasa et les responsables locaux seront libres d’engager des travaux librement, sans contraintes», conclut notre interlocutrice, archéologue. Le Dr Youcef Chennaoui, expert, conférencier international, chercheur et enseignant universitaire, concepteur du PPMVSA (Plan de protection et de mise en valeur du Site archéologique) de Tipasa, contacté par nos soins, a expliqué et a réagi à son tour à ces travaux entrepris au niveau de la rue piétonne à Tipasa. «La piétonnière se situe en dehors du site classé, mais elle se trouve à l’intérieur de la zone de protection.
Néanmoins, toutes les formes d’intervention sont soumises à une autorisation préalable du ministère de la Culture. Le PPMVSA a été approuvé par la wilaya, document publié faut-il le rappeler dans le J. O. (Journal officiel) le 25 mars 2012. Il y a un règlement de servitude. Je précise que le wali de Tipasa est le garant de l’application des textes du PPMVSA, à présent dit-il, le fait que la directrice de la culture déclare qu’elle n’a été consultée, je trouve cela anormal. Mais, il n’est pas interdit de procéder à des aménagements au niveau de cette zone qui se trouve en dehors du site archéologique protégé. Il faut prendre les précautions, en se référant aux règlements de servitude inscrits dans le PPMVSA.
Le wali a-t-il suivi les procédures ?
Le règlement permet aux décideurs locaux de faire appel à un bureau d’étude spécialisé pourvu de l’un des 90 architectes agréés par l’Etat d’intervenir sur les sites culturels classés», conclut le Dr Chennaoui Youcef.
En présence de l’ex-directrice générale de l’Unesco, Mme Irina Bokova, l’ex-ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, affirmait : «le PPMVSA de Tipasa couvre une superficie de 176 ha, il aura valeur d’instrument d’urbanisme opposable au tiers.» Le PPMVSA de Tipasa avait été lancé en 2004, en collaboration avec les experts de l’Unesco pour protéger la partie historique de la ville ainsi que sa zone tampon.
Contacté par nos soins, Aboubakr Seddik Boucetta, wali de Tipasa a tenu à répondre à notre question, afin de mieux informer l’opinion sur l’objectif recherché à travers les travaux engagés au niveau de la rue piétonne de Tipasa.
«Effectivement, nous avons voulu donner un visage meilleur pour cette rue piétonne, dans le respect de la réglementation. Le réseau d’assainissement est totalement obstrué, le problème des inondations est récurrent dans cette zone en période hivernale, car il s’agit du point le plus bas qui se trouve justement là-bas, par ailleurs le réseau de l’alimentation en potable (AEP,ndlr) est totalement corrodé. Il fallait réagir pour redonner un nouveau look pour cette rue piétonne qui accueille de très nombreux visiteurs, n’oubliez pas qu’elle se trouve à l’extérieur du parc national archéologique. En outre, dans cet élan nous avons démoli toutes les extensions illégales des magasins le long de cette rue.
Nous avons respecté les textes de lois qui interdisent l’empiétement sur le site archéologique classé par l’Unesco. Les travaux que nous avons engagés en sous terrains faut-il le préciser, ne dérangent sans aucune manière la visibilité. C’est une zone tampon. Après la pose des réseaux d’assainissement et de l’AEP, nous allons procéder à la pose d’un nouveau dallage qui s’adaptera à la philosophie de la rue piétonne et de son environnement.
Aucun objet archéologique n’a été trouvé durant les travaux. D’ailleurs, pendant les travaux de creusement, les agents du secteur de la culture étaient présents sur le site. Si c’est interdit d’engager les travaux dans cette rue piétonne en 2022 comme certains le déclarent, pourquoi avaient-t-ils été autorisés dans ce même endroit durant les années 80 ?
Sachez que j’avais pris contact personnellement avec les commerçants de la rue piétonne sur le site, afin de les informer du début imminent des travaux et notre objectif. Je reconnais que c’était contraignant pour leurs activités. Les commerçants avaient accueilli favorablement notre idée, car nous allons les épargner des problèmes d’évacuation des eaux pluviales et de l’assainissement, dans cette zone très fréquentée par nos compatriotes visiteurs et les touristes étrangers.
Si vous m’avez donné cette opportunité pour réagir, c’est surtout pour expliquer que nous sommes chargés de faire rayonner cette zone mitoyenne du parc national archéologique, l’un des sites de Tipasa classés par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial enchaîne-t-il, nous sommes tous impliqués par la mise en valeur des sites et monuments culturels et historiques dans la wilaya de Tipasa, par conséquent il n’y a pas lieu de s’inquiéter sur les travaux engagés le long de cet axe routier qui mène vers le site archéologique.
Avant de terminer, avez-vous vu dans quel état se trouvait cette rue piétonne avant que je ne décide d’engager les travaux», conclut Aboubakr Seddik Boucetta, wali de Tipasa.