Transition politique en Syrie : Les recommandations de la Conférence de dialogue national

27/02/2025 mis à jour: 02:25
880

Le président du comité préparatoire, Maher Allouche, a affirmé qu’il y avait un «quasi-consensus parmi les Syriens sur six axes : la justice transitionnelle, la construction constitutionnelle, la réforme institutionnelle, les libertés publiques et la vie politique, les principes économiques généraux et le rôle des organisations de la société civile dans la reconstruction de l’Etat».
 

 

La Conférence de dialogue national promise par le président par intérim, Ahmed Al Charaa, s’est tenue ce mardi, au palais présidentiel, à Damas. La conférence a vu la participation de «600 personnalités, dont 25% de femmes», indique l’agence syrienne Sana. En outre, quelque 10 000 personnes, dont une bonne partie de Syriens établis à l’étranger, ont suivi les débats en ligne, affirme Sana. Le quotidien Le Monde, lui, rapportait dans son édition d’hier : «Neuf cents responsables d’ONG, universitaires, artistes et religieux ont participé mardi à la Conférence de dialogue national, organisée à Damas, sous les auspices du président par intérim, Ahmed Al Charaa. La journée de débat a conduit à l’élaboration d’une série de recommandations, destinée à guider la transition politique.» 

En amont de cette conférence, un comité préparatoire a été mis en place par décret le 12 février. La présidence de ce comité a été confiée à Maher Allouche, un éminent juriste et universitaire spécialiste de la justice transitionnelle. Dès le lendemain de sa nomination, le comité préparatoire a commencé à organiser des sessions de dialogue dans les différents gouvernorats, à Homs, Tartous, Lattaquié, Idleb, Hama, Al Soueida ou encore Deraa. 

«Un jour historique»

Maher Allouche expliquera, lors de son intervention au sein de la Conférence de dialogue national, comme le rapporte l’agence Sana, qu’il a mis un point d’honneur à recueillir les doléances du plus grand nombre de citoyens et leur vision de l’avenir de la Syrie. Des propositions qui ont été versées au débat lors du déroulement de la Conférence, a-t-il soutenu. «Nous avons écouté environ 4000 hommes et femmes de différentes composantes de la société, et nous avons tenu de nombreuses sessions de discussion, dans le but de recueillir les différentes opinions», a déclaré M. Allouche, selon Sana. «Nous avons également écouté plus de 2000 interventions, et reçu plus de 700 contributions écrites», a-t-il ajouté. C’est sur cette base qu’ont été dégagés les principaux axes autour desquels allaient être structurés les différentes sessions de concertation ainsi que les ateliers, sous les auspices du palais présidentiel, autrefois bunker doré de l’autocrate alaouite. 

Le président du comité préparatoire a affirmé qu’il y avait un «quasi-consensus parmi les Syriens sur six axes : la justice transitionnelle, la construction constitutionnelle, la réforme institutionnelle, les libertés publiques et la vie politique, les principes économiques généraux et le rôle des organisations de la société civile dans la reconstruction de l’Etat syrien». Houda Atassi, figure de proue d’une coalition d’organisations civiques et membre du comité préparatoire, a indiqué de son côté que «des délégations étaient venues de tous les gouvernorats» et qu’elles «ont toutes été reçues au Palais du peuple». Et de lancer d’un ton triomphal, selon un compte-rendu de l’agence Sana : «Aujourd’hui (mardi, ndlr) est le jour du dialogue national, un jour historique, celui où le peuple décide de l’avenir de la Syrie moderne.»

«La Syrie est indivisible» 

C’est le nouveau président syrien, Ahmad Al Charaa, qui a ouvert les travaux de la conférence tant attendue. «La Syrie a fait appel à vous aujourd’hui pour vous mettre d’accord et pour que vous vous entendiez sur l’avenir de votre pays et de votre nation», entonne l’ancien chef de Hayat Tahrir Al Sham (HTS). Et de marteler : «La Syrie est indivisible.» «La Syrie s’est libérée toute seule et elle est à même de se reconstruire toute seule», a-t-il insisté. «Nous sommes en train de restaurer l’Etat après toutes les dévastations et les destructions qu’a connues notre patrie.» Ahmad Al Charaa a réitéré la ferme intention des nouvelles autorités à Damas de démilitariser toutes les factions : «Le monopole des armes entre les mains de l’Etat est un devoir et une obligation.» 

Esquissant les contours du futur Etat syrien, selon sa philosophie politique, Al Charaa explique : «Nous devrions réparer ce que le régime précédent a détruit dans la structure morale et sociale de la société syrienne. Nous ne devrions pas importer des systèmes (politiques) qui ne sont pas adaptés à la situation du pays ou transformer la société en champ d’expérimentation pour mettre en œuvre des fantasmes politiques.» Peut-être fait-il allusion à ceux qui militent pour l’instauration d’une démocratie représentative à l’occidentale ? 

Auquel cas son discours risque de gonfler les rangs des déçus et aggraver le scepticisme de ceux qui le soupçonnent de conserver intact son logiciel islamiste sous ses dehors de doux barbu en civil.  Houda Atassi s’est chargée de lire la déclaration finale de la Conférence de dialogue national. Le texte a appelé d’emblée à «préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie sur l’ensemble de son territoire et à rejeter la fragmentation». Dans ce sens, la Conférence a tenu à «condamner l’incursion israélienne en territoire syrien» et à «exiger le retrait immédiat» de l’armée sioniste de la zone tampon autour du Golan occupé. 

Les factions armées kurdes exclues de la Conférence

Emboîtant le pas au président Al Charaa, les participants ont validé le principe du désarmement de toutes les milices. «Toute faction armée est considérée comme un groupe hors la loi», dit clairement le document. La déclaration finale a appelé également à hâter la mise en œuvre d’une «Déclaration constitutionnelle» et à «former un Conseil législatif provisoire». 

En outre, les personnalités réunies ont recommandé de «former un comité constitutionnel pour rédiger une nouvelle Constitution (...), qui consacre les valeurs de justice, de liberté, d’égalité et fonde un Etat de droit». Le texte a insisté aussi sur le rejet de toute forme de discrimination «fondée sur la race, la religion ou l’appartenance à une communauté». 

Dans le même esprit, on a mis en avant le «principe de la coexistence pacifique entre les composantes du peuple syrien» et plaidé pour une gouvernance inclusive «qui garantisse la participation de tous les segments de la société» syrienne. Autre recommandation forte : «la mise en œuvre d’une justice transitionnelle» ainsi que «la réforme du système judiciaire». 

La Conférence a appelé, par ailleurs, à la «levée des sanctions internationales contre la Syrie». Et le texte de conclure : «Notre déclaration est un pacte national et une charte que toutes les forces vives s’engagent à respecter.» A noter que les organisations kurdes n’ont pas pris part à cette conférence, ce qui gâche déjà cette belle dynamique et constitue un casse-tête pour Ahmad Al Charaa. Le fait est que les Forces démocratiques syriennes (FDS), principale formation politico-militaire kurde en Syrie, n’ont pas été conviées à ce conclave. 

«Selon les organisateurs, ni les FDS ni l’administration autonome n’avaient été invitées, en raison de l’exclusion de toute entité armée de la conférence», indique l’AFP. En guise de riposte, les FDS ont fait savoir qu’elles ne seraient «pas partie prenante dans la mise en œuvre» des recommandations de la Conférence de dialogue national. Pour elles, «cette conférence ne représente pas le peuple syrien». Mustapha Benfodil
 

 

 

Proposition de diriger Ghaza : C’est «inacceptable», selon le Caire

L’Egypte a rejeté hier la proposition du chef de l’opposition israélienne de prendre en charge l’administration de la bande de Ghaza, qualifiant l’idée d’«inacceptable» et contraire à la position égyptienne et arabe sur la cause palestinienne. «Toute idée ou proposition qui contourne les constantes de la position égyptienne et arabe (sur GHaza, ndlr) (...) est rejetée et inacceptable», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Tamim Khalaf, cité par l’agence de presse officielle égyptienne MENA. Le chef de l’opposition israélienne, Yaïr Lapid, a proposé mardi que l’Egypte assume la responsabilité de la bande de Ghaza en échange d’un allégement massif de sa dette. M. Khallaf a ajouté que toute proposition contournant les principes du retrait israélien des territoires palestiniens et de la création d’un Etat palestinien indépendant ne serait qu’une «demi-solution» risquant de prolonger le conflit plutôt que de le résoudre. Il a également souligné le «lien indissociable» entre la bande de Ghaza et la Cisjordanie - occupée par Israël depuis 1967 - Jérusalem-Est incluse, occupée et annexée dès 1967, en tant que parties intégrantes des territoires palestiniens qui doivent être sous «pleine souveraineté et gestion palestiniennes». L’Egypte a rejeté à plusieurs reprises les projets de déplacement des Palestiniens de la bande de Ghaza, qualifiant une telle option de «ligne rouge». Elle a pris la tête des efforts diplomatiques lancés ce mois-ci contre la proposition du président américain Donald Trump d’une prise de contrôle américaine de la bande de Ghaza et du déplacement de sa population vers l’Egypte et la Jordanie.

 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.