«Les influences de l’Espagne musulmane sur les habits de la ville d’Alger à l’époque ottomane», tel est le thème de la conférence animée par la Pr Benmesbah Malika, au niveau de l’ENSCRBC, à Tipasa. Une manifestation purement culturelle inscrite dans le cadre de l’animation de la célébration du mois du patrimoine.
Le lieu de la conférence s’est avéré exigu, compte tenu de la forte affluence. En effet, la salle de conférences était bondée de femmes venues de plusieurs wilayas du pays, en quête de connaissance de surcroît de la richesse du patrimoine des familles morisques, venues s’installer en Algérie, après avoir été chassées violemment d’Andalousie (Espagne), à la suite de la chute de Grenade en 1492.
Les Espagnoles avaient donné l’appellation de morisques à leurs compatriotes, qui signifient les petits musulmans. La cohabitation entre les chrétiens et les musulmans étaient impossible en Espagne.
Les hautes autorités espagnoles ; après avoir constaté l’échec de leur politique d’assimilation d’évangélisation de cette population minoritaire, ces Espagnols musulmans apparaissaient réfractaires au changement d’identité, inassimilables ; les considérant comme étant un danger pour la société, avaient décidé de chasser les Espagnols musulmans qui avaient vécu huit siècles en Espagne. Les familles espagnoles musulmanes avaient traversé la Méditerranée pour se rendre en Afrique du Nord.
Pour continuer à vivre en Andalousie, il fallait se faire passer pour des chrétiens, tout en pratiquant sa religion discrètement, afin de pouvoir vivre en Espagne. La loi de l’inquisition. L’expulsion des morisques depuis l’Espagne a commencé en 1609. L’enfant d’Oran, El-Maghraoui, évoque dans son ouvrage le cas des Andalous exilés, intitulé Les colonies portuaires au Maghreb du XVIe au XXe siècle.
L’écrivain turc, Piri Reis (1480-1554), un capitaine puis Amiral ottoman au XVIe siècle avait défini le parcours des morisques qui sont partis s’installer dans des villes côtières ou proches du littoral. Les chercheurs algériens, selon notre interlocutrice, la Pr Benmesbah Malika, rencontraient des difficultés quand il s’agit de séparer le patrimoine andalou à celui des Ottomans, car l’Algérie était sous le règne des Ottomans.
«Dans le domaine de la recherche sur les Andalous, on se rend compte que notre pays accuse un grand retard. Les voisins marocains et tunisiens disposent des laboratoires de recherches sur ces morisques venus en Afrique du Nord après avoir été expulsés de Grenade.» La Pr Benmesbah Malika reconnaît que c’est grâce à la documentation du centre national des archives (CNA, ndlr) de Birkhadem (Alger), qu’elle est arrivée à recueillir beaucoup d’informations sur toutes les activités et les richesses des Andalous, à travers les actes notariés du XVIe au XVIIIe siècle.
Les archives détenues au niveau du CNA de Birkhadem permettent aux étudiants et aux chercheurs de mettre à niveau leurs données sur les morisques, à l’instar des recherches des Marocains et des Tunisiens. Les informations délivrées depuis la documentation du CNA rendent les recherches crédibles. «Je souhaite que nos étudiants s’intéressent à ce pan de l’histoire de notre pays consacré aux Andalous», dit- elle.
Les Andalous étaient des personnes raffinées. Ils avaient un goût dans leurs activités diverses, dans les secteurs de l’habitat, de l’artisanat, de l’agriculture, du commerce, du vêtement, de l’art culinaire et musical. D’ailleurs selon la conférencière, c’est à travers eux que notre pays a eu une influence des civilisations des Abbassides et des Omeyyades. Si les Andalous n’étaient pas intéressés à la politique en Algérie, en revanche ce fût le contraire au Maroc.
Ils étaient confrontés à des problèmes avec les responsables du Royaume, car ils voulaient intégrer la vie politique, compte tenu de leur nombre trop élevé, une force. Le nombre des Andalous installés en Algérie s’élevait à 30 000 personnes, en Tunisie plus élevé, car il atteint 80 000 morisques. L’intervention de l’enseignante à l’ESBA (école supérieure des beaux-arts) d’Alger était «croustillante».
Ce fût une heureuse découverte des richesses du patrimoine au pluriel des andalous, des morisques, alors que dans leurs esprits, ils étaient venus en Afrique du Nord temporairement et retourner ensuite à leurs maisons en Espagne, après un changement de politique dans leur pays, l’Espagne. Leurs patrimoines demeurent encore présents dans les villes côtières, notamment Oran, Tlemcen, Mostaganem, Ténès, Breshk (actuellement, Gouraya, wilaya de Tipasa), Alger, Miliana, Constantine.
La Pr Benmesbah Malika a fondé ses recherches dans les ouvrages des auteurs universitaires, historiens, Georges Alfred Marçais (1876-1962), Louis Cardaillac (1492-1640) et les informations recueillies dans les revues internationales inhérentes aux morisques, aux Andalous et leurs influences dans les pays de la rive sud de la Méditerranée. La pomme de terre a été introduite en Algérie par les morisques.
La manière de mettre le haïk et les techniques de broderie apportées par les femmes andalouses. L’assistance n’a pas caché sa détermination à connaître encore plus le savoir-faire des morisques. Par conséquent, les secrets des patrimoines des Andalous légués en Algérie sont appelés à être déterrés par les universitaires et chercheurs, compte tenu de leur importance.
La Pr Benmesbah Malika avait donné un avant-goût lors de son intervention, en ce mois du patrimoine. Invitée par des membres de l’assistance, la conférencière a donné son accord pour programmer des rendez- vous dans les villes où s’étaient installés les morisques. Ces andalous qui avaient enrichi le patrimoine culturel, architectural, artistique et artisanal algérien, que chacun devra le découvrir.