Quelle fabuleuse manière que de célébrer, la semaine dernière, la Journée nationale des personnes aux besoins spécifiques, que de faire monter sur les planches du Théâtre régional d’Oran des comédiens talentueux, non-voyants et malentendants, pour interpréter une pièce de haute facture, en l’occurrence l’Antigone de Sophocle.
Une pièce qui a laissé abasourdie l’assistance, la tenant en haleine du début jusqu’à la fin, tant la qualité du texte et surtout la performance des comédiens étaient au rendez-vous. Mise en scène par Sadek El Kebir, «Antigone (fille d’Œdipe)» a permis au public, assez nombreux dimanche dernier, de découvrir des comédiens de talent, ayant su transcender leur handicap et s’imposer par leur performance à couper le souffle, dans le Landerneau du 4e art algérien.
Romeissa Lahmar Belhadj, Abdessamie Bendada, Mounia Selaa, Hassen Farrouj, Houcine Farrouj, Mounir Seddouki Achraf Bouabdellah, Fatima Ham Cherif, Mehdi Benatia et Amine Bensafi sont les comédiens à avoir interprété avec brio, et pendant près d’une heure et demie, la pièce de Sophocle, racontant l’histoire d’Antigone et de ses deux frères Polynice et Etéocle qui s’échappent pour le pouvoir, alors qu’ils s’étaient entendus, après la mort de leur père Œdipe, roi de Thèbes, de se le partager à tour de rôle, par rotation d’un an chacun. Cela dit, à l’écoulement de la première année, Etécole refuse d’honorer ses engagements et rendre, de facto, le pouvoir à son frère Polynice, ce qui a pour conséquence l’éclatement d’une triste guerre fratricide qui a fini par avoir de leurs vies respectives.
Sur ces entrefaites, leur oncle Créon s’en mêle et parvient à s’emparer du pouvoir à lui seul. Il ordonne alors les funérailles en grande pompe d’Etéocle mort, selon lui, en héros, en défendant sa patrie, tout en abandonnant Polynice, considéré comme traître, au triste sort de la fausse commune. Antigone, depuis fiancée à son cousin Hémon (fils de Créon) que les odeurs putrides du corps en décomposition de son frère a fait réagir, décide de faire tout son possible afin d’extirper la dépouille en décomposition de Polynice de la fausse commune et lui rendre l’honneur funèbre qui lui est dû et en prenant le risque de commettre la lèse-majesté à l’endroit de son oncle. L’un des tours de force des comédiens est d’avoir réussi à lancer les diatribes et les répliques en chœur, en synchrone, notamment les deux frères jumeaux, Hassan et Houcine Ferrouj, à la manière des chœurs qui prévalaient dans la mythologie grecque, sans qu’on ne décèle, à aucun moment, une fausse note, un désaccord.
Cette pièce, une production du TNA, en collaboration avec le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, a été mise en scène, comme mentionné plus haut par Sadek El Kébir à qui on doit également le travail de la scénographie. L’adaptation du texte, par contre, est du ressort de Wissem Rahmani.
Il a fallu, nous explique-t-on, moins de trois mois de travail acharné pour que les comédiens, fins prêts, puissent la proposer à leur public. La générale, rappelons-le, a eu lieu à Alger, avant que la troupe ne s’envole à Oran puis d’autres wilayas encore.