C’est bel et bien un concert de rentrée que le théâtre d’Oran a abrité, jeudi dernier, à la grande joie des mélomanes. Un fabuleux concert d’opéra a mis sous le feu des projecteurs deux chanteurs lyriques de grands talents : la cantatrice Aurore Ugolin et le ténor Phillipe Do.
Invités par l’Institut français d’Oran, ces deux chanteurs ont émerveillé l’assistance en reprenant les grands classiques de l’Opéra, de Bizet à Berlioz, en passant par Saint-Saens et Purcell, et même en allant piocher dans le répertoire américain, en reprenant les œuvres de Bernstein, Copland et Georges Gershwin.
Au départ, ils devaient être trois sur scène, mais la pianiste, devant accompagner Phillipe Do et Aurore Ugolin, n’a pu venir en Algérie, ce qui a poussé Phillipe Do, plutôt que d’annuler tout bonnement la soirée, de la remplacer au pied levé, même si, pour cela, il a dû renoncer à chanter autant que c’était prévu.
Il a néanmoins assuré certains duos en se livrant au chant (tout en jouant au piano), ce qui est, certes, «peu orthodoxe», mais après tout, signale-t-il, «l’idée est quand même de garder un esprit festif d’un concert de musique classique tel qu’il doit être».
La première partie de la soirée a donc été spécifiquement consacrée à l’opéra classique, où les deux chanteurs ont choisi trois grands groupes, en premier lieu Carmen de Bizet, certainement l’opéra le plus joué au monde. Phillipe Do a rappelé à ce propos que Bizet était un passionné du monde arabe, l’ayant découvert grâce à un poème aux «adieux de l’hôtesse arabe», un poème de Victor Hugo datant de 1867 et à partir duquel «Bizet s’était inspiré des musiques traditionnelles arabes pour composer des musiques vocales pour Carmen avec des mélismes, des harmonies propres à la musique arabe».
S’en est suivi un extrait d’opéra de Berlioz, consacré à une héroïne, la reine de Carthage, et enfin Sanson et Dalila du compositeur français Saint-Saens, qui est venu, précise Phillipe Do, «19 fois à Alger à partir de 1873» et a même habité la Pointe Pescade, dans la banlieue algéroise, où il s’est imprégné des musiques entendues à La Casbah pour composer justement Sanson et Dalila.
West Side Story
Arabesque de Debussy a ensuite été interprétée par le duo lyrique, Debussy, précise-t-on, qui a failli, à son époque «wagnérienne» (il se trouvait alors à Bayreuth) de venir à Biskra, tanné par son ami le poète Paul Louÿs, qui n’a eu de cesse à lui vanter «les lumières extraordinaires» baignant sur cette ville et qui, à coup sûr, l’inspireront pour l’écriture de nouvelles harmonies.
Deux extraits de West Side Story («Tonight» et «Maria») du compositeur américain Bernstein ont été joués et la soirée s’est clôturée par deux autres morceaux de Georges Gershwin, ce musicien américain de génie, peut-être popularisé à travers le monde grâce au film Manhattan de Woody Allen en 1979, et dont les deux extraits joués jeudi dernier, Summertime et Bess you is my woman appartiennent à l’Opéra Porgy and Bess. Aurore Ugolin est une cantatrice qui a étudié le chant, d’abord aux Etats-Unis puis au Conservatoire national supérieur de musique de Paris.
Ce n’est qu’après qu’elle a interprété un rôle qui l’a mené sur les grandes scènes lyriques internationales : Didon dans Didon et Enée de Purcell. Elle a participé aux reprises de cette production, d’abord en France puis dans les villes européennes, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Asie et même en Australie.
Elle est connue également pour avoir chanté le rôle de Carmen à Erfurt puis à Nice et Antibes. La saison dernière (2022-2023), elle a participé à la création du spectacle musical L’amour telle une cathédrale ensevelie au théâtre de la Tempête de Paris.
Le ténor Phillipe Do, d’origine vietnamienne, né en France, a commencé sa carrière à l’opéra national de Lyon, avant de se produire sur les scènes des plus prestigieuses salles du monde : Opéra national de Paris, Scala de Milan, Royal Opéra House Couvent Garden de Londres, Bolchoï de Moscou, Théâtre Marinsky de Saint-Petersbourg etc.
Interprète très apprécié pour «la beauté de son timbre de ténor lyrique, ses demi-teintes raffinées et la pureté de son style» (selon Alain Blyth de la revue «Opéra»), il a, ces dernières saisons, exploré tour à tour le répertoire français puis les grands rôles du répertoire romantique italien, qu’il a chantés avec brio.