L’association des Amis de Miliana arts et culture organise une rencontre avec l’écrivaine Aïcha Kassoul suivie d’une vente-dédicace de son nouveau roman Belvédère, aujourd’hui à partir de 14h au théâtre communal Mahfoud Touahri, à Miliana.
Publié en octobre 2023 aux éditions Casbah, le nouveau roman Belvédère, de Aïcha Kassoul de 142 pages, est une histoire poignante où les souvenirs se bousculent pêle- mêle. «La seconde lecture, dans le désordre des pages amputées et de mes nuits blanches, je me suis mis à écrire.
A remonter le temps en compagnie de ma mère qui préférait à tout ce qu’elle racontait l’histoire de la louve qui regarde le chasseur droit dans les yeux, ses petits derrière elle, tombe sur eux quand la balle touche son front. Elle est contente. Elle croit que ses enfants sont malins, qu’ils vont se sauver, mais ils restent ses petits. Le chasseur recharge son arme, un deux trois, c’est ton tour, ma beauté, descends et ne te retourne pas, jamais, m’man, je reste avec toi, c’est comme ça. Force de l’animal. De mère en fille. En fils», lit-on en quatrième de couverture.
Comme à son accoutumée, dans un style d’écriture des plus soutenus et des plus exquis, l’universitaire Aïcha Kassoul choisit un personnage central - qui n’est autre que le «je» du narrateur - pour raconter des tranches de sa vie. La maman occupe une place de choix avec à l’appui des témoignages pleins de nostalgie et de tendresse. Aïcha Kassoul, dont elle seule détient le secret, laisse défiler dans le désordre des souvenirs intimistes et si familier pour tous. Ainsi, le lecteur est invité à pénétrer dans les coulisses de l’auteur.
Plusieurs séquences de vie sont évoquées avec une pointe d’émotion et beaucoup de fierté, à l’image de sa maman, de son enfance, de ses études supérieures à Paris en France, de son métier d’enseignante, de sa vie diplomatique en tant que consul à Besançon. Elle revient également sur sa douloureuse et traumatisante prise d’otages lors du détournement de l’Airbus Alger-Paris en décembre 1994.
Pour rappel, elle y a consacré un roman intitulé Chroniques de l’impure, publié par les éditions Marsa à Paris en 1996. Aïcha Kassoul écrit en page 59 : «Le film aurait pu s’appeler comme ça. Tu lui as préféré le trop littéraire Chroniques de l’impure. Prétentieux et compassé. Rien qui te ressemble, mais je sais maintenant, trop tard, que ton mal était profond.
Tandis que tu te forçais à la légèreté parmi nous, la nuit te réveillait dans ton silence, hurlant seule la secousse dans tes os, dans ton Belvédère 58, cerveau qui t’échappait, tu l’avais vu flotter au plafond de ta chambre à minuit. Tu entendais, tech tech train, le chef du commando purifier l’air avec un spray locomotive après chaque exécution, trois à Alger, tech tech tech, et puis encore lui, un deux trois, il comptait les passagers autorisés à sortir à Alger, des femmes, des enfants, en commençant par l’avant, tu comptais avec lui, un deux trois, ta fille une rangée devant toi, quand ce sera ton tour, sors et ne te retourne pas, jamais sans toi, m’man, nous irons au bois toi et moi, un deux trois, la ritournelle tournait dans le fracas.
A l’aube, les mots ne suivaient pas. Suspendus à ta peur. Pauvre m’man. Je lisais du bout des lèvres, en taisant les réserves que j’aurais pu faire. A qui ? Pas de prof à qui m’en prendre, n’écoutant que d’un œil, l’autre fixé sur le cadran de ma montre. Un point de lumière jaune et pointue éclairait mon réveil sur ma table de nuit. Je ne dormais pas. Je lisais.»
Au fil des pages égrenées du roman Belvédère, qui se lit d’un seul trait d’ailleurs, on retrouve d’autres thèmes importants, dont, entre autres, l’assassinat du défunt président Mohamed Boudiaf, le hirak, le cinquième mandat présidentiel et d’autres sujets d’actualités. Pour rappel, Aïcha Kassoul est à la fois enseignante-chercheuse, écrivaine, romancière et scénariste.
Titulaire d’un doctorat en lettres, elle a enseigné à la faculté des lettres d’Alger. Elle a eu à diriger plusieurs travaux doctoraux. Elle a écrit plusieurs livres dont entre autres Devoirs d’histoire et pouvoirs d’écriture chez Marguerite Yourcenar, une lecture critique et académique de L’Œuvre au noir, OPU Alger, 1988, « Souci de soi dans le labyrinthe de l’histoire à travers quatre œuvres de Marguerite Yourcenar (thèse de doctorat d’Etat - Alger 1998), Chroniques de l’Impure, roman cathartique sur le détournement de l’Airbus Alger-Paris en décembre 1994, éditions Marsa, Paris, 1996, Le pied de Hanane, récit cathartique romancé d’une femme algérienne dans la tourmente des attentats «kamikaze», Casbah édition, Alger 2009, Alger en toutes lettres, éditions RSM, 2003 et La Colombe de Kant, roman, éditions Casbah, 2017, couronné le 11 octobre 2018 du prix Escale littéraire d’Alger.
Aïcha Kassoul, Belvédère
Edition Casbah, octobre 2023
144 pages
Prix public : 900 pages.