Terrorisme en Afrique : Inquiétante progression

21/06/2023 mis à jour: 06:38
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Photo : D. R.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, appelle à un «front commun» pour faire face à la progression du terrorisme dans le monde et plus particulièrement en Afrique. Selon Jihad Analytics, plus de la moitié des attentats revendiqués par le groupe Etat islamique en 2022 ont été commis dans dix pays africains.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, alerte sur le terrorisme qui continue de se développer et de gagner de nouveaux territoires, plus particulièrement en Afrique. S’exprimant à la troisième Conférence de haut niveau, organisée par le Bureau des Nations unies de la lutte contre le terrorisme (UNOCT), le chef de l’ONU affirme qu’«en dépit des nets progrès que nous avons enregistrés au fil des ans, le terrorisme et l’extrémisme violent continuent de s’enraciner et de se développer».

L’Afrique est la première victime de cette progression fulgurante du terrorisme. «Des groupes affiliés à Al Qaïda et Daech (groupe Etat islamique) en Afrique gagnent rapidement du terrain dans des régions, comme le Sahel, et se dirigent vers le sud en direction du golfe de Guinée», prévient M. Guterres, qui appelle à faire «front commun» face à cette menace sans frontières.

«Au nom de toutes celles et ceux qui ont souffert et continuent de souffrir et au nom de toutes les victimes et de tous les survivants, redoublons d’efforts pour bâtir un avenir sans terrorisme», insiste-t-il, tout en évoquant dans ce sillage d’autres extrémismes violents, à l’instar de l’inquiétante montée des «mouvements néonazis et suprémacistes blancs» dans un certain nombre de pays.

Approches transversales

Plaidant pour un «multilatéralisme renforcé», le chef de l’ONU estime qu’il ne faut pas limiter la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent aux aspects purement militaires. Pour lui, lutter efficacement contre ce «monstre» de nos jours, ce n’est pas uniquement déjouer les attentats et les complots terroristes, mais c’est aussi faire dans la prévention. M. Guterres appelle à privilégier les approches transversales qui prennent en compte les «causes profondes» de ce fléau transfrontalier qui affecte grandement l’Afrique.

Il s’agit donc de mener un combat plus large contre les crises multiples qui nourrissent le terrorisme, comme la pauvreté, la discrimination, l’instabilité des systèmes politique, économique et sécuritaire, l’exclusion sociale et l’atteinte aux droits humains. «Le travail de prévention consiste aussi à remédier aux causes profondes pouvant conduire au terrorisme, notamment la pauvreté, la discrimination, la désillusion, les carences en matière d’infrastructures et d’institutions et les violations flagrantes des droits humains», précise le chef de l’ONU, pour lequel la prévention demeure «l’approche la plus efficace pour juguler cette menace».

Combattre le terrorisme, c’est également s’attaquer à ses sources de financement. «Le terrorisme puise son financement dans des activités criminelles, telles que le blanchiment d’argent, l’exploitation minière illégale et le trafic d’armes, de stupéfiants, d’antiquités et d’êtres humains», relève M. Guterres, selon lequel l’ONU apporte un soutien pratique et coordonné aux Etats membres à travers la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale.

Cette stratégie repose, notamment, sur l’élimination des conditions propices à la propagation du terrorisme, l’appui des moyens des Etats pour prévenir et lutter contre ce fléau, le respect des droits de l’homme et le renforcement du rôle joué par le système de coordination mis en place par les Nations unies. «Nous travaillons en étroite collaboration avec la société civile, notamment les victimes du terrorisme, les chefs religieux, les femmes et les jeunes, afin d’élaborer des mesures, des politiques et des programmes de lutte contre le terrorisme», précise le chef de l’ONU.

Le nouveau bastion d’EI et d’Al Qaïda

Le secrétaire général adjoint du Bureau des Nations unies contre le terrorisme, Vladimir Ivanovich Voronkov, exprime, pour sa part, ses inquiétudes quant à l’expansion que connaît la menace terroriste dans le monde, appelant à «une réponse régionale et internationale solide et coordonnée». Selon lui, l’usage grandissant des nouvelles technologies, du cyberespace et des réseaux sociaux «a conféré une dimension plus complexe à cette menace dans plusieurs parties du monde, notamment en Afrique».

Aujourd’hui, l’Afrique est considérée comme l’épicentre du terrorisme international. Selon Jihad Analytics, une plateforme de collecte de données sur le terrorisme, plus de la moitié des attentats revendiqués par le groupe Etat islamique en 2022 ont été commis dans dix pays africains. Parmi eux, il y a le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad, qui sont la cible de Boko Haram. Depuis son allégeance à l’Etat islamique (EI), cette organisation terroriste élargit son champ d’actions au Bénin, au Burkina Faso et au Ghana.

Le Mali est aussi ciblé particulièrement par les groupes terroristes affiliés à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Selon l’Institut d’études stratégiques du Nigeria (ISS), l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) et le groupe terroriste Ansaru, qui a prêté allégeance en 2022 à AQMI, se sont établis dans d’autres régions du Nigeria. «La montée du banditisme et des enlèvements est le signe d’une aggravation de l’insécurité dans le bassin du lac Tchad. Le Nigeria en est actuellement l’épicentre, mais le phénomène prend de l’ampleur dans le nord du Cameroun. Les attaques de trains, les prises d’otages et les flux d’armes marquent de plus en plus cette région déjà vulnérable.

Les zones nord-ouest et nord-centre du Nigeria sont particulièrement touchées, avec une probable expansion par-delà les frontières du pays», précise l’ISS, selon lequel, «entre janvier et juin 2022, le Nigeria a été visé par 305 attentats de l’EI, devenant le deuxième pays le plus touché dans le monde par des attentats terroristes, après l’Irak». Les données sur le terrain confirme la volonté déjà affichée par l’EI de «rester et de s’étendre» en Afrique.

D’ailleurs, dans une publication en juin 2022, l’EI a ouvertement et clairement appelé ses «membres» à faire «Hijra al djihad» en allant s’installer dans les pays africains. Ce qui confirme la thèse selon laquelle EI et Al Qaïda veulent faire du continent africain leur bastion, après avoir subi d’importantes pertes en Irak et en Syrie. La progression de ces groupes terroristes en Afrique exige une réponse multilatérale rapide. Pour ce faire, l’ONU annonce la tenue en 2024 d’un Sommet africain sur la lutte contre le terrorisme au Nigeria. 

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