Lors du Conseil des ministres en date du 20 mars 2023, je cite le communiqué officiel, «le président de la République a mis en garde les ministres contre toute promesse infondée faite aux citoyens dans des délais déraisonnables et selon des mécanismes irréfléchis.
En outre, il a enjoint de s’abstenir définitivement de toute utilisation exagérée d’expressions politiques stéréotypées glorifiant les personnalités, à travers tous supports médiatiques, et sous-entendant que toute activité du gouvernement, quelle qu’en soit la nature, est menée sur instruction du président de la République...»
Il a ordonné au gouvernement de se concentrer sur la mise en œuvre de programmes et projets, de tenir les réunions que si nécessaire, et d’orienter tous les efforts vers le travail sur le terrain, l’Algérie n’ayant pas besoin, aujourd’hui, de promulguer des lois susceptibles de perturber la vie des citoyens, mais plutôt d’en annuler certaines, devenues caduques.
1. Dans l’ouvrage sous ma direction, paru en deux tomes (520 pages) à Casbah Editions en 2005, auquel ont participé des politologues, sociologues, anthropologues, juristes et économistes, où nous avons plaidé pour un système de communication transparent, adapté à la réalité de la société algérienne et au nouveau monde en mutation avec pour objectif redonner confiance aux Algériens, les mobiliser pour les réformes dont le pays a besoin.
Le rôle de l’intellectuel, ou de tout cadre de la nation crédible, n’est pas de faire des louanges en contrepartie d’une rente contre-productive pour le pouvoir lui-même, mais d’émettre des propositions opérationnelles privilégiant les intérêts supérieurs de la nation.
Dans le contexte d’aujourd’hui, avec le nouveau système de communication où tout est enregistré, un politique doit être réservé, ne jamais s’aventurer à faire des promesses qu’il ne pourra pas tenir, s’il veut conserver sa crédibilité auprès de la population qui a une mémoire. Car avec les nouvelles technologies qui révolutionnent le système d’information, sa maîtrise est primordiale.
Elle peut être profitable pour dynamiser la société, mais préjudiciable lors de la manipulation de certains réseaux, avec des rumeurs dévastatrices à des fins de déstabilisation. La communication reste une affaire de terrain et non de bureaux feutrés, sa sémantique, sa sémiologie, sa stratégie et ses cibles ne pouvant relever de l’amateurisme, devant être élaborées à partir de travaux d’enquêtes ciblées.
2. Le retour à la confiance, fondée sur une communication crédible, transparente est fondamental pour le redressement national. La communication politique doit éviter l’essoufflement et la monotonie, et que les déclarations et les gestes de responsables ne soient un objet de caricatures ou de plaisanteries, tant dans la presse que dans les espaces publics. Les Algériens souhaitent que leurs responsables leur ressemblent ; ces derniers doivent éviter d’essayer que ce soit au peuple de leur ressembler.
Pour une mobilisation citoyenne, il y a lieu d’éviter des discours contradictoires, déconnectés des réalités internes et mondiales de la part de différents responsables ministériels supposant une visibilité et cohérence dans la démarche de la gouvernance, rendant urgente une planification stratégique au plus haut niveau. Il faut que les responsables politiques à tous les niveaux se présentent avec la modestie qu’exigent l’imaginaire et le mental algériens sans tomber dans le populisme médiatique qui serait alors contre-productif.
Car la fonction ne doit pas être un privilège pour se servir, mais une lourde mission pour servir la nation. L’opinion publique nationale se ligue normalement autour de la femme ou de l’homme rassembleur, capable de réaliser un certain accomplissement pour le pays.
-Le patriotisme, à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste, peut féconder la matrice qui forge la mobilisation populaire, sous réserve toujours de la moralité, car en dépit des apparences, les Algériens sont attachés à leur passé et aux défis de leur présent. Dans ce cadre, le renouveau du système culturel s’adaptant à notre anthropologique culturelle est fondamental pour une bonne communication et réaliser la symbiose Etat citoyen.
Pour cela, il y a lieu de tenir compte que la société algérienne, comme toutes les sociétés humaines, est structurée en fonction de plusieurs paramètres sociologiques : catégories d’âge, profession, sexes, statut social, statut religieux, statut politique devant sensibiliser la population sur l’importance de la pression démographique sur les futurs besoins sociaux. -La culture est le segment vital du XXIe siècle, tant pour le développement que pour les futurs comportements.
3.-Au vu des expériences récentes, avec les impacts du réchauffement climatique, l’épidémie de coronavirus, les tensions en Ukraine, les innovations technologiques en perpétuelle évolution avec la transition numérique et énergétique, influant sur la nouvelle structure des taux de croissance et d’emplois, tout cela nécessite à la fois une haute qualification adaptée, une bonne communication et des réalisations concrètes sur le terrain loin des discours utopiques.
Le concept de crise que traverse l’Algérie doit se hisser au niveau de la crise du monde et ne pas rester une crise de société bloquée, faute de perspectives pour l’avenir d’une population et surtout d’une jeunesse angoissée et même très angoissée par les assauts de la nature, par la violence humaine et les déchéances sociales et économiques. La communication rénovée doit trouver des réponses réelles qui répondent en priorité à ces angoisses.
Cependant, sous réserve d’une nouvelle gouvernance, l’exploitation de la crise économique peut être salutaire si elle est perçue comme un demi-mal, et si elle permet un sursaut national en faveur des réformes, créant une dynamique qui impliquerait les citoyens, afin de faire face aux grands défis.
Les expériences historiques montrent que les populations fondent leur adhésion à un projet de société clairement défini, fondé sur la tolérance, personne n’ayant le monopole du patriotisme, la diversité sociale et culturelle.
Cela renvoie au concept de la citoyenneté qui ne doit pas rester aux yeux de la population comme un modèle importable, existant un lien dialectique entre la tradition et la modernité, ne devant jamais renier notre riche patrimoine historique et culturel (voir expérience des pays de l’Asie, comme le Japon, la Malaisie ou la Chine), mais adapter nos politiques économiques, sociales, culturelles, sécuritaires et militaires au mouvement du monde nouveau.
La rationalité, comme l’ont montré les deux grands philosophes allemands Hegel et Kant, est relative et historiquement datée. Et pour reprendre les propos de l’économiste indien et prix Nobel A. K. Sen, toute action démocratique doit tenir compte des anthropologies culturelles spécifiques à chaque société.