Grâce à la vigilance de l’Afrique du Sud, de l’Algérie et d'autres délégations africaines, la tentative d’infiltration israélienne a été déjouée. En même temps au sein de la réunion s'est développée une nouvelle prise de conscience sur le rôle néfaste de Tel-Aviv dans le continent. Ainsi est fortement contestée la décision prise en juillet 2021 d’octroi du statut d’observateur à Israël au sein de l’Union africaine. Après cet incident, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Mahamat Moussa Faki, a annoncé l'ouverture d'une enquête, réaffirmant n'avoir invité aucun officiel israélien à cette conférence. «Nous avons constaté qu’il y a eu une personnalité qui est entrée dans la salle (de la conférence) avec un badge et naturellement nous lui avons demandé de quitter le lieu», a affirmé M. Faki. «Nous sommes en train de faire les investigations nécessaires parce que c’est une personnalité qui ne réside pas ici (Ethiopie). Nous ferons les investigations nécessaires», a-t-il souligné, précisant que «le président de la Commission de l’UA est la seule personne habilitée à inviter les participants» au Sommet de l’UA. Par ailleurs, Moussa Faki a tenu à rappeler que la question du statut de l’entité sioniste au sein de l’UA «est suspendue à la décision souveraine du comité des chefs d’Etat, qui a été mis en place par la Conférence de chefs d’Etat» l’année dernière.
A rappeler que le président de la Commission de l’UA avait pris une décision unilatérale en juillet 2021 concernant l’octroi à l’entité sioniste du statut d’observateur au niveau de l’UA, décision qui s’est heurtée à une forte opposition au sein de l’organisation continentale, notamment par des pays qui soutiennent le droit constant du peuple palestinien à la liberté et à l’indépendance. Lors des travaux de la précédente session ordinaire du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA, la décision de suspendre l’octroi du statut d’observateur à l’entité sioniste a été adoptée à l’unanimité, avec la formation d’un comité de sept chefs d’Etat, dont celui de l’Algérie, pour soumettre une recommandation au Sommet de l’Union sur cette question. Dans sa déclaration, l’Union africaine a déploré la persistance de l’intransigeance israélienne et des gouvernements successifs à rejeter les initiatives et les appels répétés des dirigeants palestiniens et de la communauté internationale à engager des négociations pacifiques. Il a souligné son soutien à la demande du président de l’Etat de Palestine, Mahmoud Abbas, au secrétaire général des Nations unies de travailler pour élaborer un plan international visant à mettre fin à l’occupation de la terre de l’Etat de Palestine. Le Sommet a affirmé le statut et la centralité de la juste cause de la Palestine, et la fermeté de la position en faveur de celle-ci et de ses décisions dans les forums internationaux, exhortant tous les Etats membres à continuer de soutenir la cause palestinienne. Le Sommet a renouvelé son soutien à l’initiative de paix du président Mahmoud Abbas et ses appels répétés, dont son dernier discours devant l’Assemblée générale des Nations unies le 23 septembre 2022. Il a appelé tous les Etats membres à respecter la situation historique de la ville d’Al Qods et la nécessité de préserver le statu quo, considérant toute action ou décision coloniale israélienne d’imposer des lois ou une juridiction judiciaire et administrative nulle, non avenue et contraire au droit international. L’Union africaine a également condamné l’interdiction par Israël des travaux des comités internationaux et des rapporteurs spéciaux, empêchant les membres du Haut-Commissariat d’entrer dans l’Etat de Palestine et mettant fin aux travaux de la mission de présence internationale à Al Khalil. Il a souligné enfin son rejet de l’agression barbare et continue de l’entité sioniste contre la bande de Ghaza, exprimant sa profonde préoccupation face à la détérioration des conditions économiques et humanitaires à Ghaza.
Ce 36e Sommet marque un tournant historique dans les relations entre Israël et l’Afrique, continent longtemps convoité et courtisé par Tel-Aviv. De plus en plus d’Etats africains n’admettent plus l’arrogance israélienne dans les territoires occupés, accompagnée de vagues répressives de plus en plus intenses contre les Palestiniens. Beaucoup d’Etats africains commencent à réexaminer leurs positions, ce qui n’est pas le cas de quelques capitales, la plus impliquée étant incontestablement Rabat. Après des décennies de «double jeu», le Maroc a officialisé ses relations avec Israël en décembre 2020, suivant l’exemple de plusieurs pays arabes : Egypte (1967), Jordanie (1994), Emirats arabes unis, Bahreïn, Soudan (2020). Le reconnaissance s’est faite à la demande du gouvernement américain de Donald Trump, qui s’engage en contrepartie à reconnaître l’occupation du Maroc sur le Sahara occidental. Dans la foulée, le Maroc rejoint un groupe de pays conduisant des exercices militaires avec l’armée israélienne. Des accords bilatéraux sont signés tandis que Mohammed VI et Benyamin Netanyahu se félicitent de la reprise des contacts réguliers entre leurs pays. Le 5 mai 2021, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, avait déclaré que «depuis plusieurs décennies, nos pays ont toujours eu des contacts directs qui se sont vraiment formalisés en 1994, soit au lendemain de la signature des Accords d’Oslo. Après, il y a eu une rupture des relations, mais en réalité, les contacts ne se sont pas interrompus». En août 2021, le chef de la diplomatie israélienne se rend au Maroc, marquant la première visite dans le royaume d’un haut responsable de l’Etat sioniste, sept mois après la normalisation des relations entre les deux pays. En mars 2022, Le Maroc ouvre sa première liaison aérienne directe avec Israël. Le Soudan est, depuis son indépendance en 1956, hostile à Israël et considéré par Tel-Aviv comme faisant partie de la «galaxie de ses ennemis». Mais durant la guerre civile, Israël apporte un soutien matériel et financier aux rebelles du Darfour et aux rebelles chrétiens au sud du pays, dont l’action armée mènera à l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, dont Israël est allié depuis sa création. Le Soudan, de son côté, soutient plusieurs mouvements en guerre contre Israël, ce qui pousse l’Etat sioniste à mener plusieurs frappes aériennes au Soudan en 2009 et 2012 pour détruire des convois destinés à la bande de Ghaza. A partir de 2016, la détente entre les Etats-Unis et le Soudan favorise un nouveau rapprochement de ce pays avec Israël. Le 23 octobre 2020 Israël et le Soudan annoncent la normalisation de leurs relations diplomatiques. La junte au pouvoir depuis octobre 2021 espère obtenir le soutien de la communauté internationale, en particulier celui des Etats-Unis pour qui le Soudan n’est pas une priorité, par le biais d'Israël qui a un fort pouvoir de lobbying dans ce pays. En février 2023, le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, se rend à Khartoum, marquant la première visite au Soudan d’un tel ministre dans l’histoire des deux pays. Un traité de paix entre le Soudan et Israël sera signé après le transfert du pouvoir au Soudan à un gouvernement civil, qui sera établi dans le cadre du processus de transition en cours dans le pays.
La Libye, sous le régime de Mouammar El Gueddafi, était l’un des pires ennemis d’Israël. Pendant la deuxième guerre civile libyenne (2014-2020), Israël apporte une aide secrète au maréchal Khalifa Haftar soutenu par l’Egypte de Abdelfattah Al Sissi, grand allié d’Israël dans la région. Sur le plan diplomatique en Tunisie, après l’accession au pouvoir en 2019 de Kaïs Saïed, les relations entre les deux pays sont inexistantes, ce dernier assimilant la normalisation avec Israël à de la haute trahison. L’Algérie et Israël n’ont pas de relations diplomatiques officielles, le gouvernement algérien ne reconnaissant pas l’Etat d’Israël, et interdisant aux ressortissants israéliens toute entrée sur son territoire. En décembre 2020, l’Algérie condamne la normalisation des relations entre Israël et le Maroc, celle-ci étant liée à une aide militaire apportée par Israël à l’armée marocaine pour contrôler le Sahara occidental, dont l’Algérie soutient l’indépendance.
Dans les années 1960 et 1970, la pression des nations arabes musulmanes, accentuée par les guerres israélo-arabes de 1967 et de 1973, conduit 22 Etats d’Afrique subsaharienne à rompre leurs relations avec l’Etat hébreu. Paradoxalement, entre 1973 et 1979, les exportations israéliennes en Afrique passent de 30 à 75 millions de dollars, témoignant d’un développement des échanges commerciaux malgré les ruptures diplomatiques. Avec l’Afrique du Sud, les relations diplomatiques avec Israël sont officiellement établies en 1949, mais depuis les années 1990 et la fin du régime ségrégationniste en Afrique du Sud, leurs relations se sont fortement détériorées, et la position de l’Afrique du Sud penche résolument en faveur de la Palestine. Le régime de ségrégation pratiqué entre les juifs et les Arabes en Israël fait régulièrement l’objet de comparaisons avec l’ancien régime de ségrégation en Afrique du Sud. En avril 2019, la ministre des Affaires étrangères sud-africaine, Lindiwe Sisulu, annoncé l’abaissement du niveau de représentation diplomatique entre l’Afrique du Sud et Israël, après la mort de 52 Palestiniens lors de manifestations contre le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. L’ambassade d’Afrique du Sud en Israël devient un simple bureau de liaison, sans mandat politique ou commercial. L’Angola dispose d’une ambassade à Tel-Aviv, tandis qu’Israël possède une ambassade à Luanda, ouverte en 1995. En 1973, à la suite de la guerre israélo-arabe, le Cameroun rompt ses relations diplomatiques avec l’Etat israélien à l’instar de la majorité de pays africains. Elles seront rétablies en 1986. La Côte d’Ivoire noue rapidement des relations avec Israël, quelques années après son indépendance en 1960, et ouvre une ambassade à Al Qods, fermée en 1973. En juin 2012, le président ivoirien Alassane Ouattara se rend à Al Qods pour y établir une coopération économique et sécuritaire. En Ethiopie, en 2016, Benyamin Netanyahu effectue la première visite d’un chef de gouvernement israélien. Début septembre 2019, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, se rend à Jérusalem et rencontre son homologue Benyamin Netanyahu, pour une visite axée sur le renforcement des liens économiques bilatéraux. Le Ghana, sous la présidence de Nana Akufo-Addo, au pouvoir depuis janvier 2017, est l’un des plus fervents défenseurs d’Israël au sein de l’Union africaine et a exercé une forte pression pour qu’Israël obtienne le statut d’observateur. La Guinée a renoué ses relations en juin 2016. Le Kenya installe son ambassade à Jérusalem mais la ferme en 1973. Cela n’empêche pas le Kenya et Israël de continuer d’entretenir une coopération dans les domaines économique et sécuritaire. En 2013, des experts israéliens au Kenya appuient l’assaut des forces de sécurité contre les shebab lors de l’attaque du centre commercial Westgate. En 1983, le Liberia est le deuxième pays africain, après le Zaïre de Mobutu, à rétablir ses relations avec Israël, rompues au début des années 1970. De son côté, le Malawi est l’un des seuls pays africains dont les liens avec Israël sont restés continus, malgré les guerres israélo-arabes de 1967 et 1973. En 1973, à l’instar de la majorité des pays africains ayant reconnu l’Etat hébreu, le Zaïre décide de rompre ses relations avec Israël mais les rétablit rapidement, contrairement aux autres pays africains, au début des années 1980. En mars 2020, le président congolais annonce son intention de nommer un ambassadeur en Israël. En 2018, le Rwanda a été l’un des rares pays africains à inaugurer la nouvelle ambassade américaine transférée à Al Qods. Le 2 février 2023, le Premier ministre Benyamin Netanyahu et le président tchadien inaugurent la première ambassade du Tchad en Israël. Le Togo est le deuxième partenaire commercial d’Israël sur le continent africain et le seul pays africain à soutenir la décision du président américain Donald Trump de transférer l’ambassade américaine en Israël à Al Qods. Israël établit ses relations diplomatiques avec la Zambie en 2015.