HISTOIRE DU VIZIR DU ROI IOUNANE ET DU MÉDECIN ROUIANE Q uand donc le roi vint le matin et s’assit sur son trône, les chefs de la nation se tinrent debout entre ses mains, et les émirs et les vizirs s’assirent à sa droite et à sa gauche. Il fit alors demander le médecin Rouiane qui vint et baisa la terre entre ses mains. Alors, le roi se leva pour lui, le fit asseoir à ses côtés, mangea avec lui, lui souhaita une longue vie et lui donna des robes d’honneur et d’autres choses encore. Puis il ne cessa de s’entretenir avec lui qu’à l’approche de la nuit ; et il lui fit donner, comme rémunération, cinq robes d’honneur et mille dinars. Et c’est ainsi que retourna le médecin à sa maison en faisant des vœux pour le roi.
A ces paroles, je fus fort stupéfait, et je la remerciais pour son acte, et je lui dis : «Quant à la perte de mes frères, vraiment il ne faut pas !» Puis je lui racontais ce qui m’était advenu avec eux depuis le commencement jusqu’à la fin. Lors- qu’elle eut entendu mes paroles, elle dit : «Moi, cette nuit, je m’envolerai vers eux et je ferais sombrer leur navire : et ils périront !» Je lui dis : «Par Allah sur toi ! ne le fais point, car le Maître des Proverbes dit : Ô bienfaiteur d’un homme indigne, sache que le criminel est puni suffisamment par son crime même ! Or, quoi qu’il en soit, ils sont tout de même mes frères !»
Mais, de nouveau, mes frères résolurent de partir, et ils voulurent me faire partir avec eux. Mais je n’acceptais point, et leur dis : «Qu’avez-vous donc gagné, vous autres, à voya ger, pour que je sois tenté de vous imiter ?» Alors ils se mirent à me faire des reproches ; mais sans fruit, car je ne leur obéis point.
HISTOIRE DU ROI SCHAHRIAR ET DE SON FRÈRE, LE ROI SCHAHZAMAN Quand le roi Schahriar entra dans son palais, il fit couper le cou à son épouse, et de la même façon le cou des esclaves femmes et des esclaves hommes. Puis il ordonna à son vizir de lui amener chaque nuit une jeune fille vierge. Et chaque nuit, il prenait une jeune fille vierge et lui ravissait sa virginité. Et la nuit écoulée, il la tuait. Et il ne cessa d’agir de la sorte durant la longueur de trois années. Aussi, les humains furent dans les cris de douleur et le tumulte de la terreur, et ils s’enfuirent avec ce qui leur restait de filles. Et il ne resta dans la ville aucune fille en état de servir à l’assaut du monteur.