Suspension du corridor maritime céréalier : Les inquiétudes des uns, les assurances des autres

19/07/2023 mis à jour: 01:14
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Photo : D. R.

Au lendemain la suspension du corridor maritime céréalier, qui a permis de sortir 33 millions de tonnes de grains d’Ukraine en un an, place aux interrogations et aux inquiétudes sur l’impact d’une telle mesure sur le marché mondial des céréales.

Pour bon nombre d’analystes, une fermeture durable créera inévitablement des tensions inflationnistes à moyen terme. Si les volumes existent, les pays demandeurs pourront être fournis, mais à quel prix ? 

«Une fermeture durable du corridor aura un impact sur l’inflation alimentaire, qui jouera sur la sécurité alimentaire», préviennent les experts de la Fondation Farm, think tank dédiée aux questions agricoles mondiales.

Dans l’immédiat, l’impact  s’annonce faible surtout que l’hémisphère Nord est en pleine période de récolte. «Les besoins à venir se préciseront en fin de moisson. C’est une période calme sur les marchés, qui ont d’ailleurs très peu réagi à la suspension de l’accord», relève Gautier Le Molgat, analyste au cabinet Agritel pour souligner que la situation est moins tendue, Donc, à l’heure actuelle, le monde ne manque pas de blé.

Mais selon Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage cité par les agences, «l’essentiel du blé exportable est en Russie, avec environ 12,5 millions de tonnes de stocks, et c’est le blé le moins cher du monde».

La Russie pourrait donc pallier au moins une partie du manque ukrainien, tout comme l’UE, avec une récolte qui s’annonce très correcte. Cependant, cette situation risque d’intensifier la dépendance des pays tiers vis-à-vis de Moscou .Ce qui serait difficile à gérer en cas d’accident climatique majeur.

Et ce d’autant que l’ouverture du corridor le 1er août 2022 a permis de soulager les pays importateurs, notamment en Méditerranée et en Afrique, faisant refluer les prix mondiaux, qui avaient atteint en mai des niveaux inédits. Déjà, des États, comme l’Égypte récemment, ont du mal à honorer les paiements de certains appels d’offres.

Par ailleurs, l’aide alimentaire elle-même pourrait être fragilisée, car «l’Ukraine est fournisseur du Programme alimentaire mondial : environ 8 % des volumes de blé ukrainien exportés sont allés au PAM, à destination de pays comme le Yémen, l’Afghanistan et la Corne de l’Afrique», souligne-t-elle.

Pour rappel, en deux ans, l’Ukraine, avec sa volonté de continuer à exporter ses céréales par la mer Noire, avec ou sans l’accord de Moscou sur la sécurité des navires, a vu sa production de céréales diminuer pratiquement de moitié. Et ce, avec des prévisions de 25 millions de tonnes de maïs et 17,5 millions de tonnes de blé pour 2023-2024, contre respectivement 42 millions et 33 millions en 2021-2022, selon le dernier rapport du ministère américain de l’Agriculture.

«En 2023-2024, elle devrait exporter 6 millions de tonnes de blé et 10 millions de tonnes de maïs en moins, par rapport à la campagne précédente», selon les prévisions des experts. De son côté, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réagi à la décision russe, soulignant que «des centaines de millions de personnes font face à la faim» et qu’elles allaient en «payer le prix».

Pour les Américains, cette décision entraînerait une augmentation des prix de l’alimentation. Le choix de Moscou de se servir «de la nourriture comme d’une arme […] va compliquer l’acheminement d’aliments dans les endroits qui en ont désespérément besoin et entraîner une hausse des prix», a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken.

S. I. et agences

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