Suspension des partis, renvoi des élections, pressions sur la presse et simulacre de dialogue : La dérive autoritaire de la junte malienne

16/04/2024 mis à jour: 04:10
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Le colonel Assimi Goïta et ses acolytes ne cherchent qu’à se maintenir au pouvoir

Suspension des partis et des associations, restrictions de la liberté de la presse, renvoie sine die des élections présidentielles et engagement d’un simulacre de dialogue… La junte militaire au pouvoir au Mali va de dérive en dérive. 

Auteur d’un coup d’Etat en 2020, le colonel Assimi Goïta semble vouloir prolonger indéfiniment son règne sur un pays qui patauge dans une crise politique complexe. Pour ce faire, le chef de la junte malienne renie, un à un, ses engagements de restaurer l’ordre constitutionnel, dans un délai de 24 mois. Il choisit, au contraire, de jeter les bases à un régime autoritaire. Ses dernières décisions le prouvent, en tout cas. 

En effet, après avoir dénoncé l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger et (re)lancé, par conséquent, sa guerre contre les mouvements de l’Azawad dans le nord du pays, le colonel Goïta passe à une nouvelle étape. Il vient d’annoncer indirectement l’ajournement des élections présidentielles devant permettre la fin de la transition et l’intronisation d’un civil à la tête de l’Etat malien. La décision a été dévoilée, il y a quelques jours, par le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga. Selon lui, «les élections qui permettraient un retour des civils au pouvoir ne sauront se tenir sans une stabilisation définitive du pays». «La phase de stabilisation doit atteindre un point de non-retour, un point suffisamment stable pour pouvoir organiser des élections», lance-t-il, dans une déclaration reprise par de nombreux médias africains. 

 Cette annonce a été précédée par celle concernant la suspension «jusqu’à nouvel ordre» des activités des partis politiques et des associations à caractère politique sur toute l’étendue du territoire. «Cette mesure participe substantiellement à créer les conditions pré-requises devant être réalisées pour mener des activités majeures de la transition, en particulier le dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale initié par le colonel Assimi Goïta, président de la Transition», a expliqué, le 10 avril dernier, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement lors d’un point de presse organisé à Bamako.


Le Mali dans une phase critique

Ce dernier qualifie cette décision «d’exercice salvateur» qui vise, entre autres, «à recoudre le tissu social et à renforcer la cohésion nationale affaiblie par une décennie d’insécurité multidimensionnelle, et qui doit se dérouler dans un climat de sérénité et non de cacophonie». 

Pour imposer encore sa mesure, controversée et contestée par les forces politiques du pays, le pouvoir militaire interdit aux médias locaux de reprendre les déclarations des partis et des acteurs politiques. Ces derniers dénoncent la décision et rappellent que «la durée de la transition au Mali est fixée à 24 mois, à compter du 26 mars 2022, conformément à l’article 22 de la loi n°2022-001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de la transition». Conséquence également de cette décision, le dialogue lancé par les autorités maliennes est «boiteux». Alors que les mouvements du Nord sont exclus de fait, le processus est aussi boycotté par plusieurs partis qui contestent les mesures dictatoriales du pouvoir. 

Ce dernier semble être dans une impasse. «C’est une espèce d’aveu d’impuissance. C’est l’aveu qu’il n’y a pas de perspectives politiques et qu’on tient à garder le pouvoir par la force. Il me semble que ça ne va pas marcher, connaissant le Mali qui a connu la dictature avec Moussa Traoré. Ça s’est terminé par une tragédie, que le mémorial des Martyrs continue de rappeler aux Maliens», estime Alioune Tine, fondateur du groupe de réflexion Afrikajom qui était mandaté par les Nations unies comme expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali.  

Dans une déclaration à la presse, il prévient encore que la politique de la junte au pouvoir qui cherche «un bouc-émissaire en accusant les partis de subversion ne passe plus». «Maintenant, c’est l’effondrement économique du Mali et puis il n’y a pas d’amélioration de la situation sécuritaire. 

Donc, je pense que le moment est venu pour eux, militaires, de faire ce qu’ils savent faire : la guerre contre le terrorisme. Et puis il y a l’effondrement du capital de sympathie dont ils jouissaient au Mali et ailleurs. Là, c’est fini. La légitimité, ça se mérite, en passant par les urnes», conclut-il.  
 

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