Souhil Meddah. Expert financier : «Il est important de choisir le timing optimal pour l’ouverture du capital de la BDL»

24/03/2024 mis à jour: 18:36
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Photo : D. R.

De l’avis de l’expert financier Souhil Meddah, pour toute opération d’ouverture de capital, il est important de miser sur trois conditions importantes. Il s’agit d’abord du choix du timing précis afin d’éviter l’effet d’assèchement et d’éviter aussi de se croiser avec les périodes de mobilisation creuses. Ensuite, miser sur un niveau d’augmentation ou d’ouverture du capital qui soit théoriquement ou potentiellement soutenable par l’état du marché de l’épargne à la date de son lancement, l’observation des transactions annoncées sur le marché secondaire pendant la période avant introduction est également nécessaire. Et cela pour bien mesurer les capacités potentielles de recyclage des ressources tirées à partir des valeurs à la cote pour revenir vers le marché primaire, notamment par les investisseurs qualifiés.

  • Comment s’annonce le marché boursier après la révision du cadre réglementaire ?

La révision du cadre réglementaire intervient dans une phase d’harmonisation et de mutation avec les perspectives des ouvertures vers un modèle business impliquant une diversité d’acteurs économiques, opérateurs, professionnels des marchés financier et bancaire, investisseurs qualifiés notamment et investisseurs de couches occasionnelles.

Rappelant qu’une telle révision qui se caractérise par des critères opératoires, portant conditions spécifiques d’admission, de transition ou le cas échéant de retrait en fonction de ses différents compartiments de marché restructurés ou naissants parallèlement dans le but de répondre à plusieurs besoins constatés sur les sphères réelles, qui veulent ou peuvent faire appel à la sphère financière, que ce soit pour l’approvisionnement en ressources financières, en recyclage des ressources ou en combinaison avec les opportunités de dégager des revenus ou des plus-values sur les titres divers de participation ou de créance.

En ordre de grandeur, il s’agit notamment d’un réaménagement et d’une clarification de la qualité des émetteurs, par rapport à des critères d’admission plus clairs pour les compartiments des marchés de titres de capital principal et de croissance avec celui des créances en Premium ou émergent, qui pourraient entraîner une sélection et une affectation plus économique des sociétés émettrices, basées sur leurs valeurs à la cote au lieu qu’elles soient sur des critères de la capitalisation sociale statutaire et ouvrant les portes aux sociétés de moyenne taille de diversifier leurs choix en ressources de financement (par le capital ou par l’endettement direct).

Cela peut permettre, entre autres, une diversification raisonnable et réaliste des opportunités d’investissement vis-à-vis de la nouvelle restructuration des compartiments à la cote officielle, tout en incluant les investisseurs professionnels institutionnels et qualifiés qui auront leur espace de transaction dédié à la fois aux marchés primaire et secondaire.

Hormis les opérations en OAT (obligations assimilables au Trésor), un aménagement structurel d’un marché des organismes de placement collectif (OPC), qui sera directement réservé aux actions, parts ou Sukuks émis par ses organismes de placement et permettra aussi de concilier indirectement entre les valeurs capitalisables avec les autres mouvements en quasi-capitalisation, telles que les différents fonds de pension ou autres bénéficiant des opportunités de gains et des plus-values pour servir l’ajustement ou la rémunération de leurs propres ressources ou actifs financiers latents.

Enfin, cette révision du cadre réglementaire vise à renforcer la qualité et la diversité de la nature des émetteurs, à améliorer la transparence et l’information, et à stimuler l’activité et l’intérêt des investisseurs sur le marché boursier, mais surtout de permettre aux émetteurs du segment croissance de recourir aux marchés de la dette ou des titres de créance.

  • Pensez-vous que la prochaine ouverture du capital du CPA pourrait booster le marché en donnant l’exemple ?

Cette question se pose sur deux fronts. D’abord sur le plan de la capacité de l’épargne à répondre à l’offre de cession des actions, sans que ce niveau se heurte à un risque d’assèchement temporaire ou glissant sur les autres valeurs, qui actuellement transigent sur le marché secondaire de la Bourse d’Alger ou sur d’autres APE ou OPV qui vont suivre après.

Egalement, il est question de savoir si les valeurs qui seront admises à la première séance de négociation ou de cotation à la fin de l’OPV du CPA sauront se maintenir dans une fourchette progressive inférieure ou égale à 5% d’évolution par séance, sachant que les volumes de demandes après cette première cotation doivent se manifester continuellement afin d’entretenir la valeur à la cote du titre CPA.

Rappelant par ailleurs qu’ à la dernière IPO du titre Biopharm en mai 2016, son seuil maximal était quantifié sur cinq millions d’actions à plus de six milliards de dinars de valeurs cédées et admises à la cote, qui a tout de même enregistré des transactions importantes avec une constante évolution durant les premières semaines de son admission.

Notons aussi que l’offre publique de vente du CPA est repartie en quatre segments : des personnes physiques, des salariés de la banque, des spécialistes institutionnels ou qualifiés et des opérateurs et passe sur 60 millions d’actions avec un seuil de près de 140 milliards de dinars équivalent presque au tiers du capital social de la banque (en nombre de titres), ce qui théoriquement dépasse le niveau des valeurs transigées à ce jour sur la place des deux compartiments, le principal et celui des PME.

  • Le CPA s’engage à distribuer les dividendes de 2023 pour les nouveaux actionnaires. Quel serait l’impact sur le processus d’ouverture du capital ?

Cette option permettra de soutenir la valeur du titre CPA dans le court terme, car il sera porteur d’un revenu imminent, probablement pour le début du deuxième semestre 2024, sachant que le ROE (Return On Enquity) et très important, notamment pour les banques en général et plus particulièrement pour le CPA.

  • Qu’en est-il du dossier de la BDL ? Lancer deux opérations d’ouverture en l’espace de quelques mois aura-t-il les résultats escomptés ?

Ce qui est important pour la BDL, c’est le choix du timing optimal et du calendrier de préparation et d’introduction afin de profiter de l’effet recyclage des ressources pour diversifier les titres chez les investisseurs potentiels, notamment pour les investisseurs institutionnels et les qualifiés.

Cependant, le dossier de la BDL n’étant pas diffusé publiquement, nous ne pouvons conclure ou donner des commentaires précis sur les hypothèses qui concernent l’opération de l’introduction de la BDL, sachant que ni les valeurs ni les formes ne peuvent être forcément les mêmes. Chaque dossier a ses particularités et chaque dossier a ses propres modes d’approche.

  • Quelles sont les leçons à tirer des premières opérations d’introduction en Bourse pour éviter les échecs, comme ce fut le cas pour la cimenterie de Aïn El Kebira ?

L’opération de la SCAEK coïncidait avec la fin de l’OPV de Biopharm et l’annonce du lancement imminent de l’emprunt national garanti par l’Etat, qui avec sa nature sans risque attirait l’intérêt d’une grande partie des offreurs de financement potentiels au sein du grand public, notamment ceux qui détenaient des valeurs mobilisables potentiellement sur des placements à long terme, notamment les personnes morales et quelques autres catégories de personnes physiques. C’est pour cette raison, qu’il est important de miser sur trois conditions importantes.

D’abord sur le choix du timing précis afin d’éviter l’effet d’assèchement et d’éviter aussi de se croiser avec les périodes de mobilisation creuses. Ensuite, miser sur un niveau d’augmentation ou d’ouverture du capital qui soit théoriquement ou potentiellement soutenable par l’état du marché de l’épargne à la date de son lancement.

Et enfin, observer les transactions annoncées sur le marché secondaire pendant la période avant introduction pour bien mesurer les capacités potentielles de recyclage des ressources tirées à partir des valeurs à la cote, pour revenir vers le marché primaire, notamment par les investisseurs qualifiés.
 

 

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