En pratique, les deux banques vont continuer de fonctionner séparément jusqu’à leur intégration. Mais UBS annonce d’ores et déjà la mise en place d’un conseil d’administration pour certaines entités de Credit Suisse, en confiant la présidence à Lukas Gähwiler, l’actuel vice-président d’UBS.
Le rachat de Credit Suisse finalisé, UBS peut désormais lancer le grand chantier de l’intégration de sa rivale. La phase «la plus cruciale» pour cette opération qui met un terme aux 167 ans d’histoire de la deuxième plus grande banque de Suisse. Cet immense chantier s’annonce complexe et sera observé de près par les clients, employés et responsables politiques en Suisse.
Colm Kelleher, le président de la première banque du pays, s’est félicité que la transaction ait pu être finalisée «en moins de trois mois» pour donner naissance à un colosse bancaire, qui suscite de vives inquiétudes en Suisse, notamment à cause des milliers d’emplois qui risquent d’être supprimés.
Sergio Ermotti, le directeur général d’UBS veut créer une banque dont les «employés, investisseurs et la Suisse pourront être fiers», mais a prévenu que les mois à venir seront «cahoteux», car l’intégration va entraîner «des vagues» de décisions difficiles à prendre. «Environ 10% des effectifs sont déjà partis au cours des derniers mois, avant la fusion», a-t-il confié à la chaîne alémanique SRF, des employés de Credit Suisse inquiets pour leur emploi préférant prendre les devants.
Le 19 mars, UBS avait accepté de racheter Credit Suisse sous la pression des autorités pour 3 milliards de francs suisses (une somme équivalente en euros). La crise de confiance, après une série de scandales et de virulentes critiques sur la gestion des risques, avait poussé Credit Suisse au bord de la faillite. Dans une note interne adressée aux employés, vue par l’AFP, les dirigeants d’UBS ont souhaité la bienvenue aux employés de Credit Suisse, appelant tout le personnel à «la patience» alors que les détails concrets manquent.
«La phase la plus cruciale commence tout juste», écrivent MM. Kelleher et Ermotti. Selon le Financial Times, UBS va imposer des «lignes rouges» aux personnels de Credit Suisse sur le type d’affaires qu’ils pourront conclure en attendant la fin de l’intégration. Et les dirigeants d’UBS ont pris soin de mettre en avant leur approche «conservatrice» du risque, promettant que l’intégration se fera sans «compromis».
Un message clair en interne et en externe. En pratique, les deux banques vont continuer de fonctionner séparément jusqu’à leur intégration. Mais UBS annonce d’ores et déjà la mise en place d’un conseil d’administration pour certaines entités de Credit Suisse, en confiant la présidence à Lukas Gähwiler, l’actuel vice-président d’UBS.
La Finma, l’autorité suisse de surveillance des marchés, s’est félicitée de la réduction rapide des risques que prévoit UBS pour la banque d’investissement, précisant dans un communiqué qu’elle continuera de «surveiller de très près» l’intégration. Cette fusion est «une tâche massive, avec des risques substantiels de mise en œuvre», a averti Suvi Platerink Kosonen, analyste chez ING, dans une note de marché.
Ce rachat fait d’importants remous dans le monde politique en Suisse. Compte tenu des scandales accumulés par sa rivale, UBS a obtenu d’importantes garanties de la Confédération pour se prémunir contre d’éventuelles mauvaises surprises dans les comptes.
Pour faire toute la lumière sur ce sauvetage décidé dans l’urgence, le Parlement a créé une rare commission d’enquête parlementaire. Thomas Jordan, le patron de la Banque nationale suisse (BNS), a toutefois assuré qu’il n’y avait pas d’autre solution. S’il est «dommage» qu’il ne reste plus qu’une grande banque, «il y aurait eu une crise financière internationale» sans ce rachat, ce qui aurait été «bien pire pour la Suisse», a-t-il expliqué au journal dominical SonntagsZeitung.
Les investisseurs aimeraient, eux, en savoir davantage sur le processus d’intégration, les unités qui vont être absorbées ou encore sur le sort réservé à la branche suisse de Credit Suisse. Cette branche avait échappé aux scandales, mais les doublons risquent d’être nombreux au niveau des succursales et des emplois.
Fin 2022, les deux géants comptaient environ 120 000 collaborateurs dans le monde, dont 37 000 en Suisse. Parmi les grands défis, figurent également les mesures que pourraient imposer les régulateurs pour protéger la concurrence, ce qui pourrait nécessiter «d’éventuelles scissions» d’activités, selon Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote Bank.
Les investisseurs espèrent des réponses notamment lors de la publication des résultats du deuxième trimestre, repoussés au 31 août vu l’ampleur de la tâche qui attend UBS.