Son dernier album est consacré au grand maître du chaâbi : Ali Amran revisite Cheikh El Hasnaoui

30/10/2023 mis à jour: 21:04
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Excellente nouvelle pour ses nombreux fans qui attendent du nouveau, avec impatience ; la star du pop-rock kabyle, Ali Amran, nous revient avec un album inédit de 12 reprises (et quelles reprises !) du grand maître de chaâbi, l’incomparable Cheikh El Hasnaoui, fondateur de la chanson kabyle «moderne». 

Ali Amran voit en lui, à juste titre d’ailleurs, «le pionnier et précurseur d’un courant musical qui a posé les bases de la chanson kabyle telles que nous la connaissons aujourd’hui». 

L’album Cheikh El Hasnaoui S tamyafit se veut donc un retour aux sources-mêmes de la musique kabyle moderne afin d’affiner au mieux cette vision et cette approche d’une harmonie d’une tradition musicale ancrée dans la modernité. 

Parlant des chansons du maître, enregistrées et diffusées à partir de 1946 en France, Ali estime qu’elles représentent «les plus anciennes chansons encore vivantes dans le répertoire kabyle». 

En kabyle ou en arabe populaire algérien, elles sont encore et toujours reprises dans les fêtes, les soirées musicales et accompagnent au quotidien les fans dans leurs joies comme dans leurs peines. «Mieux encore, nombre d’entre elles sont réenregistrées dans des versions plus ou moins fidèles par des musiciens et chanteurs de tous horizons, dont les plus illustres, à l’instar de Matoub Lounès et Kamel Messaoudi», estime Ali Amran. 

Dans le texte de présentation de son nouvel opus, Ali Amran affirme que c’est Cheikh El Hasnaoui qui a inauguré l’ère des chanteurs auteurs compositeurs, ces mélodistes qui s’accompagnaient d’un instrument à cordes pincées à l’aide d’un plectre, «rrica». Il a été par la suite suivi par Allaoua Zerrouki et Slimane Azem, tel que raconté par ce dernier dans une interview de 1977. 

Selon les divers témoignages recueillis par les uns et les autres, aux tout débuts, il n’y avait que Cheikh Nordine, créateur de la chaîne kabyle de la radio et d’un style de chanson personnel. Les autres sont arrivés progressivement : Cheikh El Hasnaoui, Allaoua Zerrouki et Slimane Azem. Ces artistes sont arrivés avec un genre musical novateur et inconnu. 

Pour Ali Amran, le passage du chant populaire traditionnel à la chanson d’auteur a constitué une véritable révolution qui a permis «l’émergence d’une nouvelle expression artistique qui combine musique et poésie d’auteur, et qui a fini par devenir le vecteur le plus puissant de la culture kabyle». 

Ainsi, pour Ali Amran, c’est le répertoire fondateur du Cheikh qui a défini les ingrédients de base de la chanson kabyle «classique» : une mélodie et un texte structurés en refrain/couplets, un passage instrumental consistant généralement à rejouer le refrain avant de chanter le couplet ou à jouer celui-ci avant de le chanter. Le tout sur une rythmique à base de percussions telles que la derbouka, le tar ou abendayer. Le répertoire de Cheikh El Hasnaoui constitue donc la base sur laquelle s’est construite la chanson kabyle contemporaine. 

«C’est à partir de ce premier modèle que se sont déployés les différents genres en branches plus ou moins autonomes ; et c’est pour cette raison qu’il était essentiel de s’y appuyer pour l’élaboration de Tamyafit. Tamyafit ?» C’est le nouveau concept proposé par Ali Amran pour qualifier la musique kabyle harmonique. Les vocables Af/myaf/tamyafit renvoient au fait de s’accorder et de constituer un ensemble harmonieux. 
 

«Tamayfit»

Le chanteur explique que lorsqu’on analyse les mélodies du point de vue de la musique harmonique, en faisant abstraction de la rythmique de percussions qui les accompagnent et les structurent, on peut percevoir une autre division métrique qui s’articule de manière plus adéquate avec la logique de la musique harmonique. Cette nouvelle métrique permet de définir des mesures puis de poser des accords et d’utiliser les instruments harmoniques avec leurs techniques de jeu habituelles dans la musique occidentale. 

«C’est cette façon de faire, et la musique qui en résulte que j’appelle Tamyafit. Ccix Lhesnawi s Temyafit est un hommage à ce grand maître (Ccix ameqqran) de la chanson kabyle qu’est Cheikh El Hasnaoui», explique Ali Amran. L’album est donc l’aboutissement d’une longue réflexion, d’une vision, d’une approche que le chanteur propose depuis ses premiers pas dans la chanson à travers des reprises comme, par exemple, Tabalizt de Hsisen (1929-1959). Par ailleurs, il se veut «un hommage tourné vers l’avenir pour porter plus loin l’héritage qu’il nous a laissé en l’arrimant à la musique actuelle tout en préservant son authenticité». 

«Puissent ces 12 titres que je reprends ici en Tamyafit, version folk-rock-pop, lui être agréables s’il les entend de là où il se repose pour l’éternité», conclut Ali Amran. Ainsi, Ali Amran n’est pas seulement l’auteur compositeur interprète talentueux que le grand public aime et apprécie depuis des années. Au-delà du superbe travail artistique qu’il nous propose dans cet opus, il se veut aussi intellectuel théoricien et pédagogue qui réfléchit et pense sa musique afin de proposer une nouvelle approche rationnelle qui pourrait servir à tous les artistes qui ont choisi cette voie. 
 

Ce n’est pas très évident de s’attaquer à un monstre sacré comme Cheikh El Hasnoui adulé par des générations de mélomanes de tout âge mais on peut dire que Ali Amran a réussi son coup. L’album en entier est très bien élaboré, bien ficelé dans ses moindres détails : son, voix, instruments, mixages et arrangements choisis. Cette plongée dans l’univers du plus grand des cheikhs dégage une belle harmonie et vous fait ressentir de belles vibrations. 

Certains des titres tels que  A Ccix Ameqqran,  Ayen Ayen,  A Tinna Hemlagh, Ala Ala, Anad’ara tt-afegh, Lkas n Lkas, M-Ddhuh ou encore Bnat Ssehba sont de vrais chefs d’œuvre, dont on ne se lasse pas. Ainsi, avec cet album, dont la sortie est prévue pour le 10 novembre en CD Vinyle et sur toutes les plateformes de streaming, Ali Amran fait coup double. Il rend un bel hommage au maître et démontre qu’on peut, en musique, en architecture, en écriture et en culture, en général, on peut puiser dans ses racines pour se projeter dans la modernité et l’universalité. 
 

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