Réunis en sommet depuis hier à Vilnius, en Lituanie, les dirigeants des pays membres de l’Otan ont convenu d’inviter l’Ukraine à rejoindre l’Alliance «quand les conditions seront réunies», a affirmé le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, Jens Stoltenberg. «Nous avons clairement indiqué que nous inviterons l’Ukraine à rejoindre l’Otan quand les alliés seront d’accord et quand les conditions seront réunies», a-t-il déclaré lors d’un point de presse. Il a, par ailleurs, précisé que les alliés se sont engagés à consacrer «au moins 2%» de leur PIB aux dépenses militaires.
«Onze alliés ont désormais atteint ou dépassé ce cap. Nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente de manière significative l’année prochaine», a-t-il ajouté. Plus tôt, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a dénoncé les hésitations des pays membres de l’Otan à trouver une formulation sur la future adhésion de Kiev à l’Alliance, et leur refus d’évoquer un calendrier. «Il semble qu’il n’y ait aucune volonté ni de donner à l’Ukraine une invitation à l’Otan ni d’en faire un membre de l’Alliance», a indiqué le président Zelensky dans un tweet, qui doit participer à ce sommet de deux jours. Jugeant «absurde» que son pays n’ait pas de calendrier d’adhésion, il a estimé que cela encourageait Moscou à «continuer sa terreur» en Ukraine. «L’indécision est une faiblesse», a-t-il observé.
L’Otan va tracer une «voie de réformes» pour l’Ukraine, afin que le pays puisse rejoindre l’Alliance, mais sans «calendrier», a affirmé auparavant le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan. Il a aussi annoncé une rencontre aujourd’hui entre le président américain, Joe Biden, et son homologue.
A la veille de cette réunion, les alliés ont débloqué l’opposition de la Turquie à l’intégration de la Suède à l’Otan : le président Recep Tayyip Erdogan a finalement accepté de lever son veto à cette candidature, après plus d’un an d’obstruction.
En parallèle, des pays membres reconnaissent que l’adhésion de Kiev à l’Otan n’est pas envisageable tant que la guerre dure. Elle serait de fait synonyme de conflit mondial : l’article 5 de l’Alliance stipule qu’«une attaque contre un membre est une attaque contre tous les membres».
Longtemps réclamée, toujours repoussée, la candidature de l’Ukraine à l’Alliance est loin d’être résolue.
Indépendante depuis fin 1991, l’Ukraine adhère le 8 février 1994 au «Partenariat pour la paix» proposé par l’Otan, qui offre une collaboration militaire aux anciens pays du bloc de l’Est.
Une longue attente
En décembre, elle renonce à son statut nucléaire en signant le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). En contrepartie, les Etats-Unis, la Russie et la Grande-Bretagne lui accordent des garanties de sécurité, dont le respect de son intégrité territoriale. L’Ukraine et l’Otan renforcent leurs relations le 9 juillet 1997 par une «charte de partenariat spécifique», prévoyant une collaboration technique et militaire accrue. Le 23 mai 2002, l’Ukraine annonce entamer le processus «historique» de son adhésion à l’Otan, qui requiert patience et poursuite des réformes. Sans s’y opposer frontalement, le président russe, Vladimir Poutine, réitère son hostilité à l’expansion de l’Alliance vers l’Est.
Dès 1999, trois anciens membres du Pacte de Varsovie (Pologne, Hongrie et République tchèque) ont rejoint l’Otan, suivis par sept autres en 2004. Au sommet de Bucarest en avril 2008, les dirigeants des pays de l’Otan refusent à l’Ukraine et à la Géorgie le statut de candidat officiel, malgré un «soutien ferme» du président américain, George W. Bush. L’organisation s’engage toutefois à les accueillir à plus long terme. Le 18 mars 2014, le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, fustige l’annexion «illégale et illégitime» de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie, avertissant que «les alliés de l’Otan ne la reconnaîtront pas».
Face à la «plus grave menace à la sécurité et à la stabilité de l’Europe depuis la fin de la guerre froide», l’Otan renforce sa coopération avec l’Ukraine. A l’été 2014, Kiev relance le processus d’adhésion interrompu en 2010 par le gouvernement pro-russe de l’époque et que Moscou considère comme inacceptable. Rasmussen laisse la porte ouverte, mais sans calendrier clair.
Après l’intervention russe en Ukraine en février 2022, Kiev réclame une «aide militaire sans restriction» aux pays de l’Otan, qui lui envoient armement et munitions. Le 30 septembre, après l’annexion revendiquée par Moscou de quatre régions ukrainiennes, le président Zelensky demande une adhésion «accélérée» à l’Otan. Il admet en mai 2023 que cette étape est «impossible» avant la fin du conflit mais demande un «signal clair» pour rejoindre l’alliance ensuite.
Dimanche, le président américain Joe Biden s’est montré réticent à l’idée d’aller beaucoup plus loin qu’une promesse sans précision de calendrier. «Je ne pense pas qu’elle (l’Ukraine, ndlr) soit prête à faire partie de l’Otan», a déclaré le président américain, Joe Biden, dans une interview diffusée par la chaîne américaine CNN, relevant qu’il n’y a pas d’unanimité parmi les alliés sur la perspectives de faire entrer Kiev «au beau milieu d’une guerre». Et d’ajouter : «Nous serions en guerre contre la Russie, si c’était le cas.»