Tunis abritera aujourd’hui la première réunion consultative des présidents de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye, pour concrétiser le souhait exprimé, début mars dernier, de mettre fin au «coma» institutionnel de la région du Maghreb en raison du gel de l’Union du Maghreb arabe (UMA).
Une rencontre inaugurale de ces pays a eu lieu le mois dernier à Alger en marge du 7e Sommet des pays exportateurs de gaz auquel la Tunisie a été invitée. Comme convenu à Alger, ces trois pays maghrébins se concerteront désormais chaque trimestre pour examiner l’harmonisation de leurs positions par rapport aux questions internationales et tracer les cadres de partenariat et de coopération entre eux.
Le premier round de concertation se tient donc à Tunis, alors que la prochaine réunion est prévue en Libye, à moins que les conditions de sécurité à Tripoli n’excluent provisoirement pareille rotation et la limitent à Alger et Tunis. Le communiqué émanant de la présidence tunisienne, pour annoncer la réunion, n’a pas été précis sur son ordre du jour.
Pour s’étendre sur la question, médias et commentateurs politiques sont revenus aux propos du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, lors de sa récente rencontre avec la presse, ainsi qu’aux diverses déclarations du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.
Le président Tebboune a insisté sur le besoin de faire accepter, par les pays voisins, l’idée de combler le vide créé par le gel pratique de l’Union du Maghreb (UMA). Le président algérien a souligné que «l’Afrique du Nord est l’unique région en Afrique et peut-être même dans le monde, qui n’a pas de cadre de discussions et n’a pas de position commune vis-à-vis des questions internationales».
Le ministre Attaf a déclaré que «l’UMA est dans le ‘coma’ et qu’elle ‘n’a aucune activité, ni même un secrétaire général’ avec les prérogatives d’un véritable secrétaire général». La réunion de Tunis vient, donc, sur les traces de celle du mois dernier d’Alger, pour lancer ce processus de concertation gelé de fait depuis 1994, date du dernier sommet de l’UMA.
Dessous
Il est utile de souligner que, lors de sa dernière rencontre avec les médias, le président Tebboune a indiqué que ce bloc n’est dirigé contre aucun autre Etat et la porte est ouverte aux pays de la région. «La porte reste ouverte à nos voisins de l’Ouest», a-t-il indiqué, en attirant l’attention sur le fait que «ces voisins ont fait d’autres choix sans nous consulter», citant la volonté du Maroc de rejoindre la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
C’est donc une attitude de protection des intérêts des pays de la région, en harmonisant leurs positions au sein d’un monde où dominent les alliances. Par ailleurs, et pour renforcer sa demande de rejoindre la Cédéao, le Maroc a été derrière «l’initiative atlantique pour le Sahel» visant à faciliter l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, lancée en décembre 2023 à Marrakech par le roi du Maroc. C’est dire que le Maroc est déjà allé chercher ses intérêts ailleurs que dans l’UMA.
C’est donc logique que les autres pays tentent de préserver leurs propres intérêts, tout en laissant les portes ouvertes à une éventuelle réconciliation. Et les relations algéro-tunisiennes ont toujours été au beau fixe. L’Algérie n’a d’ailleurs pas cessé de soutenir la Tunisie lors de sa crise économique et financière, aussi bien sur le plan sécuritaire que financier.
Par contre, la situation en Libye demeure confuse. L’Algérie et la Tunisie sont parmi les rares pays à soutenir une solution libyo-libyenne, sans l’intervention directe des puissances étrangères. La majorité des autres pays soutiennent l’un ou l’autre des multiples belligérants en Libye et y disposent d’intérêts particuliers.
Il est donc fort probable que la question libyenne soit l’un des sujets clés de cette réunion de Tunis, surtout après la démission de l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, Abdoulay Bathily. Alger et Tunis devraient redoubler d’efforts pour soutenir le retour à la normale en Libye.
Le sommet de Tunis essaiera sûrement d’avancer là-dessus, surtout que le président libyen, Mohamed Younès El Menfi, se prévaut d’être l’une des personnalités pouvant aller dans l’Est ou l’Ouest, comme il l’a montré avec sa présence à Derna, lors de la prière de l’Aïd, le 10 avril courant.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami