Situation inquiétante en Syrie : Des groupes armés prennent le contrôle d’Alep

02/12/2024 mis à jour: 04:28
1725
Des opposants ont lancé une offensive de choc contre les troupes du régime syrien et ont déclenché une bataille meurtrière

Depuis mercredi dernier, la Syrie est en proie à de graves troubles qui rappellent les premières années post-Printemps arabe, au plus fort de la crise de 2011. En effet, une coalition de groupes armés dominés par Hayat Tahrir al Sham (l’Organisation de libération de la Syrie), un avatar de la branche syrienne d’Al Qaïda, mène une vaste offensive militaire au nord-ouest du pays. 

Cette offensive-éclair a permis à ces groupes hostiles au régime de Bachar Al Assad de prendre quasiment le contrôle de la ville d’Alep, la deuxième plus importante ville syrienne après la capitale Damas. Ces groupes, majoritairement islamistes, ont réussi également à prendre possession de l’aéroport d’Alep et de plusieurs localités près d’Alep et de Hama, en plus de la région d’Idleb, leur principal fief. Il est à noter que cette offensive a été déclenchée le jour même de l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu conclu entre le Hezbollah et Israël. 
«L’opposition armée syrienne a poursuivi son avancée rapide après avoir occupé la ville d’Alep, son aéroport et l’ensemble de la province d’Idleb, tandis que le régime syrien a déclaré avoir repris des villages dans la région rurale de Hama, qui avaient été conquis par des factions de l’opposition samedi», rapporte Al Jazeera sur son site web. 

Les combats ont fait plus de 370 morts

Dans un autre article, Al Jazeera précise : «L’offensive a commencé mercredi, lorsque les forces de Hayat Tahrir Al Sham, une alliance dominée par l’ancienne branche syrienne d’Al Qaïda, et les rebelles soutenus par la Turquie ont balayé le territoire du régime dans la province d’Alep et la ville voisine d’Idleb, ne rencontrant que ‘‘peu ou pas de résistance’’, selon Rami Abdel Rahman, chef de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).» Et d’ajouter : «En seulement trois jours, ils ont conquis environ 70 localités, ainsi que la plupart des quartiers d’Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons, selon l’Observatoire.»

Les groupes rebelles se sont en outre emparés de «positions stratégiques dans les provinces d’Idleb et de Hama et la ville clé de Saraqeb». De plus, «ils ont coupé l’autoroute stratégique reliant Damas à Alep, ainsi qu’un carrefour routier permettant de rejoindre Lattaquié». 

Selon l’AFP qui relaie un chiffre de l’OSDH, cette opération spectaculaire aurait fait «plus de 370 morts». Jusqu’à samedi, les assaillants ont perdu 183 hommes tandis que l’armée syrienne aurait déploré une centaine de morts. En outre, 44 civils au moins ont été tués, selon un bilan arrêté au 30 novembre. 

En riposte à ces attaques, l’armée syrienne a tenté de repousser les factions dissidentes, aidée par l’aviation russe. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, des raids aériens russes ont été menés samedi avant l’aube sur Alep. Ce sont les premières opérations aériennes depuis 2016, année où Bachar Al Assad avait réussi à reprendre la ville historique grâce notamment au soutien de Vladimir Poutine. Dans l’après-midi de cette même journée du samedi 30 novembre, une frappe aérienne «probablement russe», selon l’OSDH, a ciblé des «véhicules civils» dans un secteur d’Alep occupé par les groupes armés, tuant 16 civils, toujours d’après des informations distillées par l’Observatoire syrien des droits de l’homme. «Avec l’appui militaire crucial de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah libanais, le régime de Bachar Al Assad a lancé en 2015 une contre-offensive qui lui avait permis de reprendre progressivement le contrôle d’une grande partie du pays, et en 2016 la totalité de la cité d’Alep», rappelle l’AFP. 

L’Iran, qui n’a pas tardé à exprimer son total soutien à son allié syrien, a affirmé que des «éléments terroristes» avaient attaqué son consulat à Alep. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, était annoncé hier à Damas. Par ailleurs, Téhéran a appelé à une «coordination» avec Moscou pour organiser une contre-offensive et repousser les assauts de Hayat Tahrir Al Sham et des autres phalanges. Baghdad a déclaré de son côté que «la sécurité et la stabilité de la Syrie étaient liées à celles de l’Irak». Mohammad Ben Zayed, le président émirati, a également volé au secours de Bachar. Les deux chefs d’Etat se sont entretenus par téléphone samedi. Un communiqué de la présidence syrienne a indiqué qu’au cours de leur échange, le fils de Hafez Al Assad a assuré à son homologue émirati que «la Syrie continue de défendre sa stabilité et son intégrité territoriale face à tous les terroristes et leurs soutiens», ajoutant qu’«elle est capable, avec l’aide de ses alliés et amis, de les vaincre et de les éliminer, quelle que soit l’intensité de leurs attaques». 

Hier, M. Al Assad a réitéré sa détermination à frapper d’une main de fer les mouvements terroristes, selon l’agence syrienne Sana. «Le terrorisme ne comprend que le langage de la force, et c’est avec ce langage que nous le briserons et l’éliminerons, quels que soient ses partisans et ses commanditaires», a-t-il martelé.  De son côté, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s’est entretenu samedi avec son homologue turc, Hakan Fidan, au sujet de ce regain de tension en Syrie. «Les deux parties ont exprimé leur vive inquiétude face à l’évolution dangereuse de la situation en Syrie, liée à l’escalade militaire dans les provinces d’Alep et d’Idleb», a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. Les deux parties se sont entendu sur «la nécessité de coordonner une action commune pour stabiliser la situation en Syrie». 

Activisme russe pour «stabiliser la situation en Syrie»

M. Lavrov s’est également concerté avec son homologue iranien, Abbas Araghchi, et les deux hommes ont exprimé là encore «leur extrême préoccupation» face à «l’offensive terroriste des groupes armés» au nord-ouest de la Syrie. «Les ministres sont convenus de la nécessité d’intensifier les efforts conjoints visant à stabiliser la situation en Syrie», a précisé Moscou dans son communiqué. 

La BBC a indiqué sur son site arabophone que l’armée syrienne a ciblé, avec le soutien de l’aviation russe, plusieurs positions de Hayat Tahrir Al Sham et les autres factions qui la soutiennent dans la campagne alépine et aux abords d’Idleb. «L’armée de l’air syrienne, soutenue par des avions de combat russes, a lancé hier matin (dimanche 1er décembre, ndlr) des frappes aériennes sur les positions de Hayat Tahrir Al Sham (HTS) et des factions alliées dans les zones rurales d’Alep et d’Idleb», peut-on lire dans cet article. BBC Arabic ajoute que «le gouvernement syrien a annoncé le déploiement de renforts militaires pour stopper l’avancée des factions de l’opposition et sauver la ville de Hama de la chute, après que l’opposition armée a annoncé le blocage complet de la route Alep-Hama». 

En outre, «l’armée syrienne a déclaré dimanche que ses forces repoussaient l’offensive des groupes armés dans plusieurs régions du nord-ouest du pays et qu’elle passerait ‘‘bientôt’’ à une contre-offensive pour reprendre toutes les régions et les libérer». Au cours de la journée d’hier, «des frappes aériennes russes ont visé l’un des camps de déplacés dans la ville d’Idleb, tuant huit civils, dont deux enfants et une femme, et blessant plus de 50 civils», a déclaré l’Observatoire syrien des droits de l’homme, cité par l’AFP. 

Dans la foulée des Printemps arabes, la Syrie a connu, on s’en souvient, de graves bouleversements sociopolitiques en 2011, qui ont failli conduire à la chute du régime de Bachar Al Assad, comme cela était arrivé à Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte. Si le régime d’Al Assad a tenu le choc, la crise a conduit néanmoins à l’émergence de nombreux groupes d’opposition armés, dont des mouvements extrémistes religieux qui contrôlent encore certains territoires. 

Le plus redoutable d’entre eux était Jabhat Al Nosra. Il était fortement lié à sa naissance à Daech, l’organisation de l’Etat islamique en Irak. Le groupe s’est ensuite rapproché d’Al Qaïda, dont il est devenu la branche syrienne. Et il se trouve que Hayat Tahrir Al Sham, qui est à la tête de l’offensive actuelle, est formé essentiellement d’anciens djihadistes du Front Al Nosra. L’ONU, la Turquie et les Etats-Unis considèrent toujours Hayat Tahrir Al Sham comme une organisation terroriste.

Ankara soutiendra les efforts pour «réduire la tension»  

Le chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan, s’est entretenu hier avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken de l’offensive lancée par des groupes rebelles en Syrie, lui affirmant qu’Ankara soutenait les efforts visant à «réduire la tension». Lors de cet échange téléphonique, M. Fidan a dit à son homologue américain que la Turquie était «contre tout développement qui accroîtrait l’instabilité dans la région et soutenait les efforts pour réduire la tension en Syrie», selon une source au sein du ministère turc des Affaires étrangères.  Le chef de la diplomatie turque a également mis en avant que «le processus  politique entre le régime et l’opposition devait être finalisé» afin d’assurer la paix et la sécurité en Syrie, tout en insistant sur le fait qu’Ankara ne «permettrait jamais des activités terroristes contre la Turquie, ni contre des civils syriens».

Copyright 2024 . All Rights Reserved.