Une conférence sur la migration légale est prévue à Tripoli les 27 et 28 novembre, sous la présidence du Gouvernement d’union nationale (GUN), avec la participation de l’Italie, l’Union européenne et des pays du Sahel et du Sahara. La conférence est intitulée «Méditerranée sûre et Sud stable», selon l’agence italienne Nova qui reprend une source gouvernementale libyenne.
La pression du gouvernement de l’Italienne Giorgia Meloni et de l’Union européenne a porté ses fruits. Le Gouvernement d’union nationale (GUN), présidée par Abdelhamid Dbeiba, a accepté d’inclure et d’intégrer les migrants dans l’économie libyenne. Le GUN coupe avec l’idée ayant toujours sévi depuis 2011 et la chute de Gueddafi, considérant la Libye comme un pays de transit, non une destination pour les migrants comme elle a été avant 2011.
La chute de Gueddafi s’est accompagnée du départ de 1,5 million de migrants de Libye. L’Italie et l’UE se débarrassent partiellement du tracas des migrants subsahariens, alors que le gouvernement Dbeiba peut démontrer que la stabilité est revenue en Libye. La reprise économique nécessitera donc un apport de main-d’œuvre étrangère, comme ce fut le cas sous Gueddafi.
Ce changement de paradigme a été lancé depuis le 25 octobre dernier quand le gouvernement libyen a signé un mémorandum avec le Bangladesh, visant, selon l’agence de presse libyenne LANA, à «faciliter les procédures de travail, (…) améliorer les possibilités de compréhension».
L’accord permet aux autorités libyennes d’organiser l’arrivée des travailleurs bangladais, de les enregistrer et d’assurer leur rapatriement vers leur pays d’origine, en cas de besoin. Selon le dernier rapport de l’Organisation internationale de la migration (OIM), mis à jour en juin 2023, le nombre de Bangladais en Libye s’élève à 23563, soit 3% de la population totale de migrants en Libye, chiffrée à 70 3369 à cette date. S’inspirant de ce mémorandum, aussi bien les Libyens que les Européens et les pays subsahariens veulent démarrer cette initiative visant à régulariser la situation des migrants et les soustraire des mains des groupes criminels et des réseaux de passeurs.
En cas de réussite, l’Europe et l’Italie réussiraient avec le GUN et Dbeiba ce qu’ils n’ont pas pu accomplir avec le président tunisien Kais Saïed, suite à l’accord du 16 juillet 2023, sur la même question migratoire. La Tunisie n’ayant aucun intérêt à maintenir les migrants subsahariens chez elle, alors que la Libye dispose des revenus pétroliers à fructifier, comme ce fut le cas sous Gueddafi.
Migrants, les milices et la réalité du terrain
En ce moment, les statistiques de l’OIM concernant la Libye indiquent que le gros des 703 369 migrants en Libye est originaire du Niger (175 132 ; 25%), d’Egypte (165 924 ; 24%), du Soudan (123 607 ; 18%) et du Tchad (80 000 ; 11%). Il y a, par ailleurs, d’autres contingents moins importants en provenance du Nigeria (30095), du Ghana (14783), du Mali (12 581), etc. Concernant la migration irrégulière, jusqu’au 17 novembre, les chiffres du ministère italien de l’Intérieur, consultés par l’agence Nova, indiquent que 47 328 migrants irréguliers sont arrivés des côtes libyennes, dont 30 000 de la Tripolitaine et le reste de la Cyrénaïque.
Par contre, 13 611 migrants, partants des ports libyens, ont été interceptés en mer et renvoyés en Libye ; 939 migrants sont décédés en mer et 1 248 sont toujours portés disparus. Cet accord, s’il se confirme, pourrait priver les milices libyennes de gros revenus qui sont déjà passées des querelles politiques à la lutte d’influence sur les ports de départs de la migration irrégulière.
Les récentes enquêtes indiquent que, depuis l’été 2021, la migration irrégulière est revenue en force en Libye avec les grosses embarcations de 300/400 personnes, après une chute entre 2017 et 2020, quand les passeurs ont plutôt utilisé de petits chalutiers de 30/40 personnes et le nombre de migrants irréguliers s’était abaissé à moins de 10 000. Le coût de la traversée a alors chuté jusqu’à 600 dollars. Les prix ont à nouveau grimpé à partir de 2022 pour atteindre les 2 000 dollars.
Ces bénéfices ont fait couler la salive des milices, puisqu’une traversée peut ramener jusqu’à 300 000 dollars, après avoir graissé tous les intervenants et les intermédiaires. L’enjeu de cette régularisation des migrants dépasse donc le cadre politique dans une atmosphère libyenne très divisée. Attendons pour voir !
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami