Le phénomène revient chaque année. A oued Sebaou, le poisson meurt par milliers chaque été, suscitant la curiosité et l’inquiétude des écologistes et des habitants de la région. Avant-hier, des images postées sur les réseaux sociaux laissaient voir une véritable tuerie.
Des milliers de poissons carassin (commun et doré) ont échoué sur les rives de l’embouchure de l’oued à Sidi Daoud, à l’est de Boumerdès. Le spectacle est affligeant. Considéré comme un des plus grands fleuves du pays, le Sebaou subit de plein fouet les effets de la sécheresse et les méfaits de la pollution et de l’agriculture intensive.
«Ce problème est la conséquence de la baisse et de la salinisation des eaux de l’oued qui résulte de la multiplication des forages et la pression exercée sur les nappes phréatiques.
Car le poisson carassin vit dans les eaux douces et ne résiste pas trop au sel», estime Djamel, un pêcheur de la région. Mais cette thèse n’est pas la seule. Jeudi dernier, une commission composée de fonctionnaires des directions locales de la pêche, de l’environnement et du laboratoire national de contrôle et d’analyse des produits de pêche et aquatique et de salubrité des milieux (LNCAPPASM) s’est déplacée sur place pour constater l’ampleur des dégâts et déterminer l’origine du problème.
«Ce n’est pas la première fois qu’on voit des délégations officielles ici. Elles font leur rapport, mais celui-ci n’est jamais suivi par des mesures concrètes sur le terrain pour stopper ce désastre écologique», déplore encore Djamel. Contacté pour plus d’informations, Chérif Kadri, directeur de la pêche et des ressources halieutiques à l’échelle de la wilaya, évoque plusieurs hypothèses. «La commission a fait des prélèvements et des échantillons des poissons péris. Les résultats des analyses seront rendus publics d’ici mardi prochain», souligne-t-il. Lui aussi évoque l’éventualité de la salinisation des eaux de l’oued et la baisse de son niveau en raison de la sécheresse, mais aussi de la multiplication des forages d’irrigation de part et d’autre.
Selon lui, la pollution des eaux est une autre piste à étudier. «L’année passée, beaucoup de poissons se sont échoués au barrage d’eau de Naciria. Quand on a fait des analyses, on a découvert que c’était à cause des produits chimiques jetés par les agriculteurs dans le plan d’eau lors du nettoyage de leurs citernes ou le lavage de leurs véhicules. Ces comportements doivent cesser parce qu’ils nuisent énormément à l’environnement et aux espèces vivant dans ce barrage», explique M. Kadri. Pour les agriculteurs, la mort des poissons est le résultat du changement climatique dont l’impact est ressenti dans beaucoup de pays. «Même le niveau de la mer a baissé. Il y a quelques années, les gens pêchaient du poisson à Baghlia, à 5 km de l’embouchure du fleuve.
On y trouvait le bar et le loup de mer, des variétés qui évoluent dans la mer et les eaux douces. Maintenant, dès qu’il y a un problème, on accuse les fellahs», s’indigne un viticulteur. Durement touchés par le manque de pluviométrie, beaucoup d’agriculteurs irriguent leurs champs par citerne. «Les autorités ont promis la réalisation de deux digues dans l’oued pour stopper les eaux et nous permettre d’arroser nos cultures.
Cela ne s’est jamais fait. Aujourd’hui, même les barrages dont ceux d’Ouled Benchabane et de Hamrouna sont presque vides. On ne sait plus d’où ramener de l’eau pour sauver ce qui reste de nos récoltes», se plaint un paysan, désappointé.