Dakar fait sa comedy», «Fest’rire», «Afrique du rire»... Les Sénégalais se sont pris au jeu du stand-up et les soirées dédiées au rire se multiplient, une nouveauté dans le pays. Sur Youtube ou sur les réseaux sociaux, comme Instagram ou TikTok, certains humoristes, très suivis, comptent des millions de vues.
D’autres jouent à guichets fermés. Leurs exemples sont les stars françaises Jamel Debbouze ou Gad Elmaleh. Eux se rêvent en nouvelles étoiles de la scène africaine. La scène est un espace de liberté où ils peuvent aborder par l’humour des thèmes de société dont raffolent les Sénégalais : questions de moeurs, mariage, traditions... Même si certains sujets demeurent tabous. «On ne peut pas rire de tout au Sénégal. Tu ne dois pas toucher à la religion. La politique est aussi un sujet sensible», explique Babacar Camara, dit Abba No Stress, une des grandes figures du stand-up au Sénégal. Il a lancé, en 2015, le «Abba Show», un spectacle en salle organisé tous les trois mois devenu un rendez-vous immanquable pour de nombreux Dakarois.
L’objectif est de révéler de jeunes talents, mais aussi de faire rayonner l’humour sénégalais partout dans le monde, dit-il. Pour y parvenir, Abba dit avoir conscience qu’ils doivent, outre le wolof, langue locale dans laquelle la majorité d’entre eux se produisent, apprendre à évoluer aussi en français pour s’ouvrir à l’international. En attendant, certains brillent sur la scène nationale. Moustapha Niang, alias Toch, une des révélations du «Abba Show», a changé de vie depuis qu’il s’est lancé dans le métier en 2020. Autrefois tapissier, il est désormais courtisé par les chaînes de télé et les séries sénégalaises.
Son nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux a explosé, atteignant près d’un million sur Instagram, et avec lui, sa notoriété. Idem pour Mame Balla Mbow, 33 ans, suivi par des centaines de milliers de personnes et révélé par de courtes vidéos diffusées sur Internet. Il confie à l’AFP que le chemin vers le succès n’a pas été facile. «Beaucoup me considéraient comme un clown, une personne sans ambition au départ. Même ma propre famille me critiquait», raconte cet ancien étudiant en droit qui voulait devenir responsable administratif. Aujourd’hui, il est l’un des humoristes les plus célèbres du pays. Dans la capitale, son visage trône sur des panneaux publicitaires. Sur internet, des vidéos sponsorisées par l’opérateur de téléphonie mobile Orange font le buzz. Les marques se l’arrachent.
C’est des revenus publicitaires qu’il tire l’essentiel de ses revenus. Et encore, souligne-t-il, même les artistes les plus célèbres peinent à joindre les deux bouts, déplore-t-il. Car derrière quelques belles histoires se cache une foule de désillusions. Le secteur n’est pas structuré, les écoles de formation sont quasi inexistantes, et la précarité est presque inévitable pour tous ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure. Un soir de novembre, à l’Institut français de Dakar, des artistes venus d’une grande partie de l’Afrique francophone se préparent à participer au show du Dycoco Comedy Club, «temple de l’humour» à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Dans les coulisses, certains font les cent pas, d’autres restent assis, le regard figé. La tension monte, le coeur s’emballe. Sous la lumière des projecteurs, Jordan s’élance enfin sous les applaudissements. Il multiplie les vannes sur ses conquêtes, perd le fil, se reprend. Puis c’est au tour de Pavelymafofolle de faire son entrée en scène sur des pas de danse classique. Puis elle tombe sur ses talons en tentant un grand écart. Le rire de l’enfant recommence. «Hey mon petit, laisse-moi, je fais mon show», lance-t-elle, plongeant la salle dans l’hilarité. «Ouf, c’est toujours stressant», sourit-elle après son sketch, respirant à grands coups, soulagée et heureuse d’avoir fait rire son public. «Il faut être vraiment fort mentalement pour se lancer dans ce métier», souffle-t-elle.