Les étudiants, des universitaires, des représentants d’instances financières, d’entreprises publiques et privées ont pris part au séminaire organisé mercredi dernier à l’école supérieure d’économie d’Oran. Le programme comporte deux tables rondes.
La première a porté sur l’inclusion financière intitulée «Inclusion financière et Fintechs : synergies et impacts sur les banques algériennes».
La seconde sur la cyber-sécurité et les défis actuels. Pour la directrice de l’école, Khalissa Semaoun, la mise en place d’une cyber-sécurité solide est une nécessité incontournable à une époque où on assiste à un développement inéluctable, y compris en Algérie, de nouveaux produits et services financiers grâce à l’introduction de technologies de plus en plus avancées et innovantes. Le défi face à la complexité de ces produits concerne également les facilités d’accès afin de réduire les inégalités et de lutter contre la pauvreté.
Rendre la finance numérique accessible comporte des risques liés à la cybercriminalité considérée aujourd’hui comme la plus importante pour l’économie mondiale que tout autre risque. La protection des données et la sécurisation des transactions sont mis en avant de manière à établir la confiance des usagers et c’est à ce sujet que tout n’est pas gagné. «L’état de l’inclusion financière en Algérie» est l’un des thèmes abordés par cette journée scientifique à travers les résultats d’une enquête réalisée par des étudiants encadrés par Fawzi Tchiko et présentée par Selsabil Derki. L’enquête en elle-même a été réalisée en un temps record, entre le 15 septembre et le 15 octobre 2024 pour un échantillon de 60 sujets.
«C’est peu pour une véritable enquête mais le travail effectué par les étudiants mérite un encouragement», admet le Pr Tchico, mais ses conclusions sont pertinentes à plus d’un titre, car elle est basée sur plusieurs critères pouvant cerner efficacement la problématique. L’enquête confirme ce qu’on sait déjà de manière intuitive mais va plus dans le détail. Il a été dit, grosso-modo, qu’indépendamment des niveaux d’instruction ou du rang social, en Algérie, la majorité hésitent à franchir le pas pour faire confiance aux outils numériques pourtant en plein essor. Le manque de confiance va même plus loin pour concerner les institutions financières elles-mêmes.
Le travail de sensibilisation, déjà mené par les pouvoirs-publics, reste à poursuivre. Intervenant en conférence plénière, Yazid Benmouhoub, directeur général de la bourse d’Alger, estime même que c’est l’ensemble du modèle de financement de l’économie qui gagne à être refait. «Le système en Algérie est basé sur l’endettement et où les banques jouent un rôle primordiale, un système qui repose sur six banques publiques.» Pour lui, le système de financement est resté centralisé malgré l’ouverture économique opérée au début des années 1990. «Le modèle de financement qui se fait par le trésor public commence à s’essouffler avec un risque d’alourdir la dette interne et constituer un fardeau pour les générations futures», explique-t-il.
Dans son étude, il constate l’étroite dépendance des liquidités bancaires avec les recettes pétrolières. Il constate une baisse conséquente à partir de 2014 avec la chute des prix des hydrocarbures poussant les pouvoirs publics à trouver des solutions. Pour lui, ces dernières n’ont pas eu les résultats escomptés à l’instar de «la conformité» fiscale pour résorber une partie des 90 milliards de dollars qui se trouvent en dehors du de la sphère bancaire. Il parle d’aversion à la transparence et du fait que, dans l’informel, ce sont justement les liquidités qui constituent l’oxygène de ce secteur.
Il estime justement que la digitalisation est une opportunité pour «assécher ces liquidités» du marché parallèle contre lequel on n’a rien pu faire jusque-là. Même chose pour l’emprunt national, avec les bons du trésor défiscalisés qui ont eu pour effet d’accentuer la crise des liquidités avec le transfert des banques vers les bons du trésor. Concernant l’instance qu’il dirige, il estime que celle-ci a un rôle à jouer mais pointe du doigt les entreprises privées nombreuses à refuser de partager leur capital car étant souvent de type familial. Même constat pour les PME (700 000) dont la majorité rechigne à publier leurs comptes, un frein pour l’entrée en bourse. Il évoque également les intermédiaires des opérations de banque affirmant que des métiers comme celui des traders (assuré par les banques) manquent en Algérie. L’entrée en bourse du CPA a été saluée car représentant la première plus grande introduction pour toute la région MENA.
Aujourd’hui, sur six entreprises cotées, trois sont publiques et sont nettement plus consistantes. La bourse de Tunis en compte plus de 70 mais avec un capital seulement deux fois supérieur.
Consultant en stratégie et transformation numérique, Karim Kiared, ancien DG de l’ESSA (école supérieure des affaires) estime que la cyber-sécurité est une affaire de tous, pas uniquement les acteurs institutionnels, car il suffit qu’on détecte un maillon fable et c’est l’ensemble du système qui en subit les conséquences.