Selon les derniers sondages de Baromètre Arabe : L’islam politique reprendrait du poil de la bête

10/05/2023 mis à jour: 07:50
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Dans six des neuf pays concernés par les enquêtes, une tendance se dessine chez les jeunes et moins jeunes pour l’option d’accorder à la religion un rôle plus important dans la politique.

En déclin global dans les sociétés des pays de la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient), les indicateurs sociologiques de la religiosité repartent à la hausse, pour la première fois depuis le début de la décennie dernière, selon un sondage du réseau d’études Baromètre Arabe, publié avant-hier sur son site(*). Non seulement la religiosité mais aussi l’idée que la religion doit avoir une participation plus active dans la sphère politique. Ce qui suggère un regain de l’islam politique dans la région, en tant que courant aspirant à exercer le pouvoir institutionnel.

Le sondage a concerné des pays comme la Jordanie, le Liban, la Palestine et l’Irak au Moyen-Orient. L’Egypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc ont également intéressé les enquêteurs pour le segment nord-africain. Le point de comparaison essentiel est donc cette année 2011, qui a vu s’enclencher le processus de profonde remise en question politique des ordres établis et appelé «Printemps arabe».

Le rapport publié avant-hier s’inscrit dans la suite de 6 autres sondages réalisés durant la période, et qui ont pris note d’une tendance au recul de la référence à la religion, en l’occurrence l’islam, avec quelques variations circonstancielles selon les tranches d’années étudiées. Lors de précédents sondages consacrés au degré de piété au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sans surprise, la majorité des citoyens interrogés avaient répondu être «pieux» ou «modérément pieux». Mais l’intérêt de l’étude s’est surtout porté aux taux des individus qui se sont déclarés «non pieux». Leur pourcentage par rapport aux échantillons étudiés a connu un pic sur la séquence 2018-2019.

30% des citoyens tunisiens interrogés et 25% de Libyens ont, par exemple, répondu ne pas être pieux. Les taux descendent ailleurs pour ne concerner que 15% en Algérie et 5 % au Yémen. Ces tendances se révèlent un peu plus nettes chez les sondés de la tranche d’âge 18-29 ans : 46% en Tunisie, 36% en Libye, 24% en Algérie, 22% au Maroc, 18% en Egypte... Les conditions socioculturelles propres à chaque pays sont bien entendu des paramètres relatifs qui ont leur influence sur les réponses données.

Bouleversements en sourdine

Globalement, et prenant en compte la jeunesse de la catégorie se déclarant franchement «non pieuse», les analyses des résultats ont suggéré que la religiosité, et par extension l’islam politique, allaient connaître un recul dans les années qui suivaient. Or cela ne s’est pas produit. Le plus récent sondage (2021-2022) indique un recul dans le pourcentage des personnes se déclarant non pieuses. 27% en Tunisie et 24% en Libye, pour ne citer que les taux les plus en vue et servant d’échantillon-pays de référence.

Dans la plupart des autres pays, 1 personne sur 10 s’est déclarée non pieuse, selon la synthèse du Baromètre Arabe, qui note un recul «important» sur ce point par rapport aux taux des précédentes sessions. En Tunisie toujours, décidément la plus touchée par des bouleversements en sourdine sur le sujet, il est noté un recul de 15% sur les taux de «non piété» précédents. Le contingent 18-29 ans est de même concerné par la tendance sur l’ensemble des pays sondés. Concomitamment, il est également relevé un regain d’intérêt aux textes sacrés et aux pratiques religieuses au quotidien.

La dernière note du réseau d’étude est allée plus loin et s’est consacrée à la question de la place de la religion en politique, toujours sur la séquence 2021-2022. Elle apprend en substance que dans six des neuf pays concernés par les enquêtes, les citoyens, jeunes et moins jeunes, expriment une nette préférence pour l’option d’accorder à la religion un rôle plus important dans la politique. Le taux des jeunes acquis à l’idée a connu la plus forte hausse en Libye (22 points), suivis par ceux du Maroc (20 points), de la Jordanie (19 points), du Soudan (10 points), de la Palestine (8 points) et de l’Egypte 
(6 points).

Ces tendances ne veulent pas dire forcément que la voie est ouverte à la réémergence de l’islam politique comme force politique majeure dans la région durant les prochaines années, à des seuils comparables à ceux d’avant le Printemps arabe. Tout dépendra des évolutions politiques et économiques.

Les désillusions, qui ont finalement suivi les «révolutions populaires» d’il y a une douzaine d’années dans le monde arabe, pourraient peut être expliquer, du moins en partie, cette tentation inquiétante de retour à la case départ.

Baromètre Arabe (Arab Barometer) est un réseau d’études et de recherche qui s’intéresse au vécu social, politique et économique des «citoyens ordinaires» dans le monde arabe. Il mène des sondages d’opinion réguliers au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis 2006.

(* )https://www.arabbarometer.org/

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