Le terrible séisme qui vient de frapper la Turquie et la Syrie nous renvoie à notre propre fragilité, celle d’un pays exposé à tout instant à un séisme ravageur : les experts sont unanimes, dans les tréfonds du sol algérien existent de multiples failles sismiques pouvant à tout moment devenir actives, soit légèrement, ce qui est le cas la plupart du temps, soit de manière violente, ce qui arrive parfois, comme à El Asnam, Boumerdès...
Et puis d’autres calamités naturelles menacent à tout instant la population du pays, les inondations, les incendies, la sécheresse, les épidémies... Elles iront en s’aggravant sous l’effet du dérèglement climatique. Les séismes, c’est ce qu'il y a de plus terrifiant, des victimes par milliers, d’énormes destructions, de profondes séquelles psychologiques. Le problème n’est pas dans l’existence de failles sismiques, la nature est ainsi faite, ni dans leur activation, quasi difficilement identifiable. Il réside dans la prévention, c’est-à-dire la sensibilisation de la population pour l’acquisition de comportements de sauvegarde au moment de la catastrophe et dans la mise en place par les pouvoirs publics de normes techniques les plus sévères en matière de bâti. Et enfin, dans les moyens humains et matériels à déployer au niveau des secours lors des catastrophes. Des pays, tels que le Japon, ont pu combiner ces trois éléments et rendre ainsi l’exposition aux séismes la moins coûteuse en vies humaines et en dégâts matériels. En Algérie, on est loin du compte : si quelques leçons ont pu être tirées des séismes de ces dernières décennies, d’autres à venir – et ils interviendront à coup sûr – seront ravageurs lorsqu’ils dépasseront une certaine intensité. Au niveau des nouvelles constructions de cités d’habitations, les contrôles techniques préalables à la construction et après réception sont très aléatoires, voire inexistants. Idem au niveau des constructions individuelles généralement peu respectueuses des normes antisismiques. L’autre gros problème a trait au bâti existant depuis la période coloniale et les premiers années après l’indépendance, réalisé sans normes antisismiques, devenu d’une extrême fragilité avec le temps, y compris des édifices publics de toutes sortes. Généralement, la législation antisismique a été peu respectée par les maîtres d’œuvre et insuffisamment contrôlée par les services étatiques. Aujourd’hui, c’est pratiquement tout le bâti du pays qui est sous une menace permanente, comme l’est tout le territoire national, lorsque les éléments naturels se déchaînent sous l’effet du bouleversement climatique. Annuellement, le pays est frappé par de graves inondations, souvent catastrophiques, comme au début des années 2000 à Bab El Oued, puis à Ghardaïa, El Bayadh et dans de multiples autres lieux, surtout dans le milieu urbain. Les fragilités proviennent de la mauvaise configuration des villes et des défaillances des collectivités locales, qui n’arrivent même pas à entretenir les avaloirs des routes. Et puis sont apparus de terribles incendies de forêt, ceux de 2021 ravageurs surtout en Kabylie. On s’était aperçu qu’il n’y avait même pas de moyens d’intervention basiques, tels les Canadair. Aussi, il faut s’adapter à une amère réalité, les calamités naturelles sont appelées à se développer en nombre et en intensité à la faveur du réchauffement climatique mondial et l’Algérie est dans l’œil du cyclone. La hausse croissante des températures va s’installer dans la durée avec, comme conséquence, une sécheresse chronique intense.
L’Algérie est classée comme un pays pauvre en matière de ressources en eau, passant de 600 m3/ hab/an en 2006 à 500 m3/hab/an en 2020, le seuil de rareté fixé par la Banque mondiale étant de 1000 m3/hab/an. Si la sécheresse devient un phénomène tout à fait naturel, il faut apprendre à s’en accommoder et à en tenir compte. Les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif de stations de traitement de l’eau de mer, une bonne solution, mais qui appelle toutefois d’autres mesures, notamment le traitement des eaux usées et la lutte contre le gaspillage de cette ressource précieuse. Plus globalement, la lutte contre le réchauffement climatique devra être une priorité nationale, comme celle de la prévention des séismes et de la prise en charge de ses conséquences. Pour cela, l’Etat doit se structurer autour de ces questions. Nous avions évoqué il y a quelque temps la nécessité de doter le gouvernement d’un grand ministère de la Protection civile et de la Protection de la population. Il n’est plus possible qu’une simple direction générale de la Protection civile, rattachée au ministère de l’Intérieur, puisse continuer à avoir la lourde charge de protéger une population de plus de 45 millions d’habitants dans un pays continent. Ce serait un grand ministère de souveraineté avec les mêmes moyens que les ministères de la Santé, de l’Education nationale ou encore des Moudjahidine. Outre les séismes, les aléas climatiques, les accidents en tous genres, son champ d’intervention s’élargirait aux grands fléaux sanitaires, tel celui du Covid-19. On a vu comment l’Algérie a été prise au dépourvu lors de l’apparition de cette pandémie faute de politiques d’anticipation et des moyens les plus élémentaires. Le temps est compté.