Sécurité, intégrité territoriale, relance de l’économie… : Syrie : Les défis du gouvernement de transition

12/12/2024 mis à jour: 11:36
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Photo : D. R.

On assiste depuis la chute de Bachar Al Assad à des scènes inquiétantes de violence vengeresse en Syrie : pendaisons sur la place publique, exécutions sommaires de membres de l’armée syrienne filmées et diffusées sur les réseaux sociaux ou encore l’incendie, mardi soir, du tombeau de Hafez Al Assad. Des scènes qui montrent que le rétablissement de la sécurité, la démilitarisation des milices et la mise en œuvre d’une justice transitionnelle sont l’un des grands défis qui attendent le premier gouvernement post-Al Assad.


Après 54 ans de règne de la famille Al Assad, dont 24 ans sous l’emprise du président en fuite, Bachar Al Assad, la Syrie se dirige vers un changement notable de son modèle de gouvernance. Le parti Baâth, qui était la matrice et la colonne vertébrale de la structure politico-bureaucratique du pays, cède la place à un modèle plus ouvert, et, selon toute vraisemblance, d’inspiration démocratique. 

Mais en attendant que les Syriens décident en toute souveraineté de la nature du régime politique qu’ils souhaitent adopter, un gouvernement de transition est chargé de préparer le terrain aux débats déterminants qui vont décider de la Syrie post-dictature. Même s’il ne s’agit que d’un gouvernement intérimaire d’un mandat d’à peine trois mois, la tâche qui attend le nouveau Premier ministre, Mohammad Al Bashir, est immense. A commencer par le rétablissement de la sécurité et de l’intégrité territoriale de la Syrie. Pour cela, la démilitarisation des différentes milices qui ont proliféré avec le morcellement du territoire constitue un enjeu majeur en vue de la restauration de l’Etat syrien. Le nouveau gouvernement aura fort à faire pour ramener la paix dans le pays et mettre un terme à l’anarchie et au chaos laissés par le départ précipité du dictateur alaouite.

Cet état d’anarchie ne se limite pas aux scènes de pillage et de vandalisme qu’on a pu voir ça et là, à l’instar de ce qui s’est passé à la Banque centrale. Le plus inquiétant, ce sont les comportements de groupes rebelles armés, tout à fait hors de contrôle, qui ont décidé de se faire justice eux-mêmes en procédant à l’exécution de membres des corps de sécurité ou de collaborateurs du régime déchu, qu’on appelle en Syrie «shabiha», sans jugement. Une vidéo qui circule sur le réseau X montre un milicien vider littéralement le chargeur de sa Kalachnikov sur un militaire syrien en uniforme. 

Il y a également toutes ces scènes de lynchage et de pendaison sur la place publique, et qui disent l’urgence de mettre en place une justice transitionnelle avec une commission «Justice et Vérité», comme en Afrique du Sud. Il faut citer aussi cet autre fait gravissime qu’Al Joulani devrait absolument condamner : l’incendie du tombeau de l’ancien président Hafez Al Assad à Qardaha, sa ville natale, près de Lattaquié, par des hommes armés. 

Le tombeau de Hafez al Assad incendié

Cette profanation a été copieusement filmée et documentée, et les images du bûcher ont vite enflammé les réseaux sociaux. L’AFP a confirmé l’info. «Le tombeau de l’ancien président syrien Hafez Al Assad situé dans son village natal de la côte a été incendié, selon des images de l’AFP mercredi. Situé dans un mausolée de la région alaouite de Lattaquié, le tombeau de Hafez Al Assad, qui a régné sans partage durant trois décennies sur la Syrie jusqu’à sa mort en 2000, a été incendié par des combattants rebelles, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH)», rapporte l’agence de presse.

L’OSDH a fait savoir en effet : «Dans la nuit de mardi à mercredi, des hommes armés ont mis le feu au mausolée de Hafez Al Assad, ancien président syrien et père du tyran Bachar Al Assad.»
Le nouveau Premier ministre a tenu à rassurer les Syriens, de même que l’opinion internationale, que le nouveau pouvoir «garantira les droits de toutes les confessions». C’est ce qu’il a affirmé dans une interview accordée au journal italien Corriere della Sera. Il a admis qu’il y a «un comportement erroné de certains groupes islamistes», estimant que «la signification de l’islam (...) a été déformée». «La signification de l’islam, qui est la ‘‘religion de la justice’’, a été déformée.

C’est précisément parce que nous sommes musulmans que nous garantirons les droits de tous les citoyens et de toutes les confessions en Syrie», a-t-il expliqué. Mohammad Al Bashir a souligné, par ailleurs, que sa priorité, c’était de consolider l’Etat syrien et ses institutions. «La mission du gouvernement intérimaire consiste à préserver la stabilité des institutions et à éviter la désintégration de l’Etat», a-t-il dit. Il a lancé dans la foulée un appel à l’adresse des Syriens de l’étranger, estimés à environ 6 millions d’exilés depuis 2011, les incitant à rentrer au pays et aider à la reconstruction de la Syrie. «Leur capital humain et leur expérience permettront au pays de prospérer.

Je lance un appel à tous les Syriens de l’étranger : la Syrie est désormais un pays libre qui a gagné sa fierté et sa dignité. Revenez. Nous devons reconstruire, renaître et nous avons besoin de l’aide de tous», a-t-il déclaré. Un appel qui intervient à un moment où plusieurs capitales occidentales, dont Berlin, Londres et Paris ou encore Athènes, ont décidé de geler les procédures de demandes d’asile aux réfugiés syriens maintenant que la dictature est tombée. 
«Nous n’avons pas de devises étrangères»

Dans la même interview, Mohammad Al Bashir reconnaît que sa mission ne va pas être facile, mettant l’accent sur l’absence de liquidités pour affronter les vastes chantiers de la reconstruction. «Dans les coffres, il n’y a que des livres syriennes qui ne valent rien ou presque. Un dollar américain permet d’acheter 35 000 de nos pièces», a-t-il confié au journal italien. «Nous n’avons pas de devises étrangères et, en ce qui concerne les prêts et les obligations, nous sommes encore en train de collecter des données.

Alors, financièrement, nous sommes très mal en point», reconnaît le nouveau chef de l’Exécutif. Dans ce chantier colossal de rétablissement de l’autorité de l’Etat, la Syrie est dangereusement confrontée au morcellement de son territoire et aux ingérences étrangères. Depuis la chute d’Al Assad, Israël s’est déchaîné contre le pays, bombardant sans répit les bases militaires syriennes. «Israël est en train de détruire l’armée syrienne de demain», a dénoncé l’Observatoire syrien des droits de l’homme. A la guerre d’agression israélienne s’ajoutent les opérations turques traquant les milices kurdes en Syrie, en particulier le PKK, le Parti travailliste kurde.

Des groupes armés kurdes et proturcs se livrent une guerre sans merci dans le nord-est de la Syrie, en marge de la guerre contre le régime d’Al Assad. D’après l’OSDH, de récents combats entre forces prokurdes et proturques «ont fait 218 morts en trois jours». Toutefois, un cessez-le-feu sous médiation américaine a été conclu dans la ville de Manbij, dans le gouvernorat d’Alep, au Nord, théâtre de violents affrontements entre ces factions. «Nous sommes parvenus, via une médiation américaine, à un accord de cessez-le-feu à Manbij», a assuré Mazloum Abdi, commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par Washington, rapporte l’AFP. «Notre but est de parvenir au cessez-le-feu dans toute la Syrie pour commencer un processus politique en faveur de l’avenir du pays», a souligné Mazloum Abdi.

En outre, la coalition des forces rebelles dominées par Hayat Tahrir Al Sham a annoncé avoir conquis la ville de Deir Ezzor, située à l’est de la Syrie, qui était sous le contrôle des FDS. 
L’OSDH a rapporté mardi que 55 soldats syriens, qui avaient pris la fuite pendant l’offensive dirigée par Abou Mohammad Al Joulani, ont été exécutés par le groupe Etat islamique (Daech) dans le désert syrien, au centre du pays. 


 


 

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