Sécurité alimentaire dans le monde arabe : Des populations menacées par le spectre de la faim

29/05/2023 mis à jour: 19:08
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Dans le monde arabe, le Yémen est probablement le pays dont la population souffre le plus de la faim - Photo : D. R.

Dans de nombreux pays arabes, on n’arrive pas à subvenir aux besoins de la moitié de la population, et le recours à l’importation, très coûteux déjà, ne sera plus la solution.

Fragilisée par la crise sanitaire de la Covid 19 et ensuite par la guerre en Ukraine, la sécurité alimentaire dans le monde arabe a atteint un point très critique, selon les experts réunis, hier, à l’Ecole nationale supérieure de biotechnologie de l’université Salah Boubnider de Constantine pour une rencontre scientifique de premier ordre prévue sur deux jours. La tenue de ce regroupement, qui a vu la participation de 60 experts issus de 12 pays arabes, venus étudier le dossier de la sécurité alimentaire dans le monde arabe, a été l’une des recommandations du 31e sommet des pays arabes organisé à Alger les 1er et 2 novembre 2022.

Cette question a été présentée comme une priorité régionale à cause d’un déficit très inquiétant dans la production agricole, ce qui a nécessité le recours à un marché international marqué par l’instabilité des prix et qui dépend d’un ensemble de facteurs liés aux troubles géopolitiques et autres chocs économiques. Cela sans oublier l’impact le plus important des changements climatiques qui ont largement influé sur les ressources en eau, la qualité des terres et des ressources biologiques.

Tout un dossier qui a été au centre des intérêts des chefs des Etats arabes lors du sommet d’Alger. La rencontre scientifique de Constantine a aussi été saisie par les experts présents pour tirer la sonnette d’alarme, insistant sur la nécessité de mettre en place des projets à court terme avec la collaboration et la contribution de tous les États et les organisations arabes pour faire face à une situation qui ne prête à aucun attentisme, car il y va de l’avenir alimentaire des générations futures dans un monde où il n’y aura plus de place pour les faibles.

«Nous sommes devant des défis multiples, dont le principal est celui d’assurer l’alimentation pour nos populations et lutter contre le spectre de la famine qui les guette, surtout avec la rareté des ressources en eau. La crise de la Covid-19 et la guerre en Ukraine ont été des indices clairs montrant que la sécurité alimentaire dans le monde arabe est très fragile, en dépit de la disponibilité des ressources financières, car nous ne pourrons plus compter sur l’importation pour subvenir aux besoins des populations, mais il faut mettre en place des projets de développement applicables et durables dans nos pays», a déclaré Ibrahim Adam Eddoukhairi, directeur général de l’Organisation arabe pour le développement agricole.

Une production en deçà des besoins

Pour Nasreddine El Obeid, directeur général du Centre arabe des études sur les régions arides et les terres désertiques, l’avènement des changements climatiques, de la sécheresse et de la désertification qui touchent plusieurs régions dans le monde, ont rendu la situation encore plus difficile. «Nous produisons annuellement 60 millions de tonnes de céréales, ce qui couvre à peine 42 % des besoins de notre population, alors qu’en matière de blé, qui demeure l’aliment de base dans toute la région, on ne produit que 28 millions de tonnes, soit 43 % des besoins, le reste est importé, mais jusqu’à quand, surtout que le monde fait face à un réchauffement climatique qui s’accroît d’une manière inquiétante avec +2°C dans quelques années et qui risquera d’atteindre +4°C d’ici la fin du siècle», a-t-il alerté.

Si l’expérience algérienne a été rappelée à l’occasion de cette rencontre par le wali de Constantine, Abdelkhalek Sayouda, notamment en matière d’investissements assurés par l’Etat dans le domaine agricole, par la mécanisation, l’extension des terres agricoles et les subventions accordées aux agriculteurs s’agissant de la semence et des intrants, ainsi que les efforts déployés pour réaliser les forages et alimenter les exploitations en eau d’irrigation, il n’en demeure pas moins que notre pays n’est pas vraiment mieux classé en matière de production et de rendement en blé et autres produits de base.

L’exposé par les chiffres sur l’évolution de la production des produits alimentaires dans le monde arabe entre 1996 et 2018, présenté par Fattoum Lakhdari, chercheuse agro-écologiste et ancienne directrice du Centre de recherche sur les zones arides situé à Biskra, a montré  des vérités étonnantes, s’agissant du fossé qui se creuse avec les années entre la production alimentaire et les besoins de la population.

«La guerre en Ukraine a bien révélé la fragilité de la situation dans le monde arabe, car sachant que la Russie et l’Ukraine assurent ensemble 30 % de la production mondiale en blé, 50 % de cette production est destinée aux pays arabes, ce qui explique la vulnérabilité de nos pays en cas de conflits, de plus le rendement moyen de la production du blé est de 30 q à l’hectare ce qui est vraiment insuffisant», a-t-elle expliqué. Avec une moyenne de 19 q/ha, l’Algérie arrive loin derrière l’Egypte avec 65q/ha, et l’Arabie Saoudite avec 65 q/ha ou même le Qatar avec 25q/ha. Notre pays demeure aussi dépendant avec plus de 30% en matière d’importation de blé avec une facture de 10 milliards de dollars annuellement.

Ce qui l’expose aux fluctuations du marché, mais aussi à des risques majeurs en cas de conflits armés. Quoique on ne soit n’est pas encore arrivé à ce stade, les experts présents à la rencontre de Constantine plancheront, durant deux jours, dans quatre ateliers pour proposer aux décideurs dans les États arabes des projets concrets et réalisables pour les deux prochaines années, car il y a vraiment péril en la demeure.

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