Sauver l’information…

10/02/2022 mis à jour: 16:01
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Le prochain Conseil des ministres aura, en principe, à examiner la loi sur l’information. On ne sait si c’est la mouture préparée par l’ancien ministre, ou une nouvelle, à l’initiative du titulaire actuel du poste, ou une sorte de synthèse des deux.

La grande masse des professionnels des médias ignore totalement son contenu, faute de large concertation dans le secteur, limitée à quelques responsables et éditeurs. Sur cela, le recul est évident par rapport aux années écoulées et même aux décennies antérieures, où existait malgré tout une certaine écoute des journalistes et des autres catégories de travailleurs.

Reste que, fondamentalement, c’est toujours l’Exécutif qui arrive à faire passer l’essentiel de son point de vue et tout indique que la prochaine loi sur l’information ne dérogera pas à la règle. Au demeurant, aucun pouvoir politique, depuis l’indépendance, n’a fait bouger les lignes, sauf, il faut rendre justice à l’histoire, celui qui s’était inscrit dans le paquet des réformes démocratiques de la fin des années 1980, sous l’égide de Mouloud Hamrouche.

A son initiative, deux originalités, la possibilité de création de journaux privés, concrète et pérenne, malgré un nombre d’aléas et la suppression du ministère de l’Information, jugé inutile, mesure qui, cependant, n’a duré qu’un temps. En près de soixante années, l’information en Algérie a été marquée par certaines tendances lourdes.

L’une est la prédominance du secteur public, tous médias confondus, journaux, télés et radios soutenus à bout de bras par l’argent public et soumis à un sévère contrôle administratif : véhiculer et promouvoir le discours politique des dirigeants a été – et est – leur mission principale, que quelques professionnels, selon les conjonctures, ont tenté de bousculer, vainement, en plaidant la primauté du service public.

L’autre tendance a été la tentation des pouvoirs politiques à vouloir élargir leur contrôle aux médias de statut privé, une tâche ardue eu égard aux résistances de leurs journalistes et singulièrement de leur lectorat, de la société civile et de l’opposition politique. Mais en trente années, la presse indépendante a fini par être, en large partie, dévitalisée. D’abord sous l’effet de l’abandon par l’Etat, qui n’a pas jugé utile de promouvoir une politique d’aide aux médias, ce qui s’est traduit par l’affaiblissement, si ce n’est la disparition de nombre de médias sans ressources.

Les annonces publicitaires du secteur privé ont pu soutenir quelques-uns avant que la crise économique ne stoppe net cet apport. La manne de la publicité institutionnelle, gérée par l’ANEP, aurait pu devenir un puissant levier d’aide à la presse, dans le sens de la promotion du droit à l’information des citoyens, mais on lui fit jouer d’autres rôles néfastes.

Le plus manifeste a été l’obligation, indirecte, de l’alignement éditorial à l’égard du discours officiel. Pour un grand nombre de médias, l’argent de l’ANEP a créé une dépendance financière de survie sur laquelle, ajoutons-le, s’est greffée une pratique quasi mafieuse d’individus, sans lien véritable avec la profession journalistique, et amenés à détourner, grâce à diverses complicités, une bonne part de la manne.

La nouvelle loi sur l’information ne pourrait servir de déclic pour le changement que si le pouvoir change ses pratiques sur le terrain : la pression éditoriale sur les médias est aussi forte que par le passé, pis encore, avec un lourd prolongement judiciaire et carcéral. L’instrumentalisation de l’argent de la publicité institutionnelle conduit à des disparitions en grand nombre de journaux et met les rares survivants en faillite programmée.

Les médias électroniques ne sont pas épargnés, alors même qu’ils bénéficient d’un nouveau lectorat, notamment celui qui s’est détourné de la presse écrite. Les médias en Algérie sont à l’agonie, c’est le moins qu’on puisse dire, et ce qui les sauvera , ce ne sera pas une loi de plus sur l’information, mais un sursaut des gouvernants, un sursaut démocratique.

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