Sara Nacer. réalisatrice : «Je considère Hasna El Bacharia comme une légende vivante»

28/09/2023 mis à jour: 04:56
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Sara Nacer a réalisé le documentaire La rockeuse du désert, consacré à la chanteuse et musicienne Hasna El Bacharia, la première femme à jouer du gumbri, l’instrument phare de la musique diwane, en Algérie.

Propos recueillis à Béjaïa par Fayçal Métaoui

  • Pourquoi vous êtes-vous êtes intéressé pour Hasna El Bacharia ?

Je considère Hasna El Bacharia comme une légende vivante. C’est une femme iconique de la musique en Algérie et de part le monde. C’est une pionnière de la musique gnawa. Il était important pour moi de la célébrer de son vivant. J’ai rencontré Hasna El Bacharia en 2011. A Montréal, des amis qui étaient dans l’événementiel m’avaient invité à organiser avec eux des spectacles durant le Ramadhan. Hasna était au programme. Il y a eu un coup de cœur pour cette dame. A l’époque, un ami cinéaste voulait faire un film sur elle. Il m’a demandé de produire le film, moi j’étais plus dans la musique que dans le cinéma. En 2012, je suis partie rencontrer Hasna El Bacharia à Béchar et je lui ai posé la question : «Que voulez-vous  faire maintenant après  avoir vécu en France et produit deux albums.» Sa réponse était : «Je veux jouer au Canada.» J’ai alors organisé une tournée pour elle au Canada.

  • C’était la première tournée pour elle en Amérique du Nord ?

Oui. En 2013, à la faveur de cette tournée, j’ai posé les caméras pour filmer Hasna. Le tournage a duré cinq ans. Les premières images ont été tournées au Festival Nuits d’Afrique à Montréal. Elle a eu un accueil incroyable de la part du public et de la presse. Ils l’ont baptisé la Césaria Evora algérienne parce qu’elle est arrivée pieds nus sur scène. Ils étaient étonnés de voir arriver une femme âgée sur scène, éblouis après l’avoir écouté jouer et chanter. La presse canadienne a qualifié Hasna de «fascinante chanteuse» et de «rebelle gnawie».

  • Et vous l’avez accompagnée au Cabaret sauvage à Paris, là où sa carrière artistique avait été lancée...

Absolument. J’ai fait des recherches sur l’arrivée de Hasna El Bacharia en 1999 au Cabaret sauvage pour participer au festival Femmes d’Algérie, le même festival qui a lancé la carrière de Souad Massi. J’ai filmé au Cabaret sauvage et interviewé Mohamed Ali Allalou (programmateur au Cabaret sauvage) et Méziane Azaïche (fondateur). Ils m’ont parlé de la célébration des vingt ans du Festival Femmes d’Algérie. Je me suis dit, c’est bon, j’ai mon film ! J’ai alors accompagné la chanteuse en janvier 2018.

  • Dans votre documentaire, on ne voit pas Hasna El Bacharia chanter sur scène en Algérie. Pourquoi ?

Aujourd’hui, honnêtement, Hasna El Bacharia est peu sollicitée pour des spectacles. Je n’ai pas eu l’occasion de la filmer sur scène en Algérie. Depuis la sortie du film en avril 2022, l’artiste reçoit plus de demandes pour animer des concerts en Algérie.

  • Quand vous filmez à Béchar, l’environnement saharien où elle a vécu n’apparaît pas beaucoup à l’écran. Pourquoi ?

Béchar est une ville, ce n’est pas comme Taghit, une oasis. Hasna El Bacharia vit en milieu urbain. D’où le tournage à Taghit pour la montrer dans les dunes et exposer la beauté légendaire du Sahara algérien. Un Sahara qui a inspiré sa musique. Ce n’est pas du tout exotique.

  • Des musiciennes et des chanteuses algériennes, comme Souad Asla, ont accompagné Hasna El Bacharia, mais ne prennent pas de parole dans votre film...

Les gens changent beaucoup dans son entourage. C’est une artiste, une femme qui a du caractère. Il était donc difficile de maintenir le contact avec son environnement, par contre, Hasna continue de former des musiciennes. Ces dernières semaines, nous étions en tournée avec elle en Belgique et en France, en présence de musiciennes de Béchar. Je gère sa carrière à l’international. Hasna veut remonter sur scène avec un nouvel album. Elle y tient.

  • Existe-t-il une différence entre Hasna la femme et Hasna l’artiste ?

C’est une artiste née, une vraie gnawia. Elle dit que les gnawas font ce qu’ils veulent. C’est une femme d’une grande générosité. La porte de sa maison est toujours ouverte, invite souvent les gens à sa table, partage ce qu’elle a. J’ai vu Hasna vider son compte CCP pour aider des personnes venues la solliciter. Elle ne garde pas l’argent pour elle. Elle montre ce qu’est la spiritualité, invoque Allah à chaque fois.
C’est une femme pieuse malgré son caractère rebelle. Hasna veut rendre hommage à son père. L’idée est d’organiser une Lila (une nuit). Ce projet n’a pas encore été concrétisé.

  • Ne vous a-t-elle pas expliqué pourquoi elle est passée au chant alors qu’elle était au départ musicienne ?

Elle voulait raconter des choses à travers le chant. Elle a créé un style propre à elle, un mélange de gnawi, rock, folk et chant saharien. Djazaïr Djawhara est une chanson qui a marqué les Algériens. Il y a de la naïveté et de la sincérité dans cette chanson évoquant la beauté de l’Algérie. C’est une lettre d’amour à l’Algérie (...) Le drapeau algérien accompagne Hasna partout. 

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