Campagne lancée il y a plus de deux années, les entreprises algériennes spécialisées dans l’industrie des boissons œuvrent à réduire le taux de sucre dans leurs produits afin de préserver la santé publique et se conformer à la nouvelle réglementation qui sera bientôt en vigueur.
Par crainte de perdre des parts du marché et avoir sur le dos une réduction drastique des ventes, ils insistent sur l’impératif de sensibiliser les consommateurs et d’assurer un contrôle rigoureux du respect des nouvelles normes dans la production de ces boissons très prisées par les citoyens.
Une démarche anticipative de la mise en application des deux arrêtés ministériels fixant les spécifications des boissons et des jus de légumes et de fruits. Ces deux textes entreront en vigueur, respectivement, en juin et novembre prochains.
Pour mémoire, il s’agit de l’arrêté interministériel (industrie, agriculture, commerce et santé) portant adoption du règlement technique relatif aux jus et nectars de fruits, jus de légumes et boissons aux jus de fruits et/ou de légumes, du 21 mars 2022, et de l’arrêté interministériel (industrie, agriculture, commerce, santé et ressources en eau) du 29 août 2022 portant fiche technique fixant les spécifications de certaines boissons rafraîchissantes. La réglementation a accordé aux opérateurs concernés un délai d’une année, à compter de la date sa publication au Journal officiel, pour se conformer à ses dispositions, soit jusqu’au 15 juin prochain pour le premier arrêté et jusqu’au 13 novembre prochain pour le deuxième.
Que va-t-il réellement changer dans ce marché très lucratif ? L’arrêté portant la fiche technique des boissons rafraîchissantes stipule que : « le taux de sucre total ne doit pas dépasser 105 grammes/litre dans les boissons faisant l’objet du présent arrêté, à l’exception des boissons sucrées ». Les producteurs de boissons ont souligné leur disposition à appliquer la nouvelle réglementation, relevant que sa réussite demeure tributaire du lancement d’une campagne de sensibilisation de grande envergure à l’endroit du consommateur pour le «convaincre» de la dangerosité du sucre sur sa santé.
Une mission assez compliquée compte tenu que le consommateur algérien s’est habitué à des produits à forte teneur en sucre ajouté. Le changement de sa culture de consommation sera difficile. Toujours dans les conditions de réussite de cette campagne anti-sucre ajouté, les industriel insistent sur la veille de l’application de cette nouvelle réglementation par tous les opérateurs sans exception.
Cela éviterait la concurrence déloyale. D’autres préfèrent aller vers une réduction graduelle du taux de sucre sans brusquer le consommateur. Dans une déclaration à l’APS, Linda Lekbir, responsable qualité et développement du produit à la société «Ain Bouguellaz», spécialisée dans la production de l’eau minérale à la wilaya d’El Tarf, estime que «le citoyen algérien consomme des boissons contenant entre 12 et 13% de sucre. C’est un taux très élevé qui peut nuire à la santé publique, d’où l’impératif de le réduire de manière graduelle de façon à ce que la différence ne soit pas ressentie. Il est possible de réduire le taux à 11% en une année», souligne-t-elle avant d’appeler à la tenue d’un dialogue élargi regroupant tous les acteurs afin de trouver la plateforme idéale pour la concrétisation de cette idée sur le terrain.
Non à la concurrence déloyale
Pour sa part, le responsable de la production à la société «A Badr» des boissons gazeuses à Ain Oussara (Djelfa), Benali Samir, a exprimé sa conviction quant à l’importance d’appliquer cette décision pour préserver la santé publique. « Il est toutefois impératif de contrôler les opérateurs afin de les mettre sur le même pied d’égalité et éviter la présence de boissons sur le marché qui ne respectent pas les nouvelles normes.
Une situation qui installerait une concurrence déloyale entre les producteurs», estime-t-il. Pensant au bénéfice économique de cette décision, Alaeddine Harous, responsable commercial de l’établissement «Harous» spécialisé dans la transformation des fruits et légumes et la production de boissons et de conserves, défend cette décision. Pour lui, son application amènera les opérateurs activant dans cette industrie à introduire plus de fruits et de légumes pour préserver le goût habituel. De facto, cela permettra aux agriculteurs d’écouler leurs produits et d’éviter la stagnation de la production en cas d’excédent.
De son côté, Dalal Moulaï, gérante de la société Moulaï Boissons de la wilaya de Laghouat considère que la préservation de la santé publique est une priorité qui exige ce genre de procédures qui devraient être suivies d’opérations de contrôle. Même son de cloche dans la laiterie Soummam. Son directeur commercial, Layach Talbi, considère, pour sa part, que la préservation de la santé publique face à la propagation de nombreuses maladies, particulièrement l’obésité et le diabète exige de telles mesures.
Pour sa part, le directeur grands comptes et relations extérieures de la société Ngaous conserves, Smaïn Boukal a fait savoir que la société a déjà commercialisé des boissons naturelles sans sucre ajouté. «Commercialement parlant, celles-ci n’ont pas enregistré une forte demande. Le consommateur étant habitué à consommer des produits riches en sucre. La culture de la consommation doit changer en Algérie», a-t-il dit.
De son côté, le président de l’Association des producteurs algériens de boissons (APAB), Ali Hamani a appelé à la tenue d’une réunion technique entre le ministère de tutelle et les producteurs pour la mise en œuvre des deux décisions. L’Algérie compte près de 3 millions de diabétiques, un chiffre qui devrait atteindre 5 millions de malades dans quelques années, selon les données officielles.
Selon l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement (Apoce), la moyenne de consommation de sucre par habitant s’élève à 42 kg/an en Algérie, contre une moyenne mondiale de 23 kg/an. La norme mondiale est bien en dessous. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une consommation du sucre ne dépassant pas 10 kg/personne/an.