Ils sont nombreux et bien visibles à Guelma. Eux, ce sont les aliénés mentaux appelés communément «fous». Souvent rieurs et tapageurs et quelques fois violents, ils sont assimilés aux sans domicile fixe.
Si l’aliénation mentale est l’une des plus grandes plaies que connaît l’humanité, qu’elle soit passagère ou chronique, elle demeure une vision bien dégradante de l’être humain et c’est le cas à Guelma, depuis de nombreuses années. «Ce que je peux vous dire à ce sujet, c’est qu’ils sont au moins trois ici dans ce quartier du centre-ville de Guelma. Ils sont connus. Trois hommes, la cinquantaine passée.
Et il n’est pas rare de voir l’un ou l’autre devenir violent en s’attaquant aux passants, notamment en période de chaleur», ont déclaré, hier à El Watan des riverains visiblement blasés par une situation vécue au quotidien.
Et de préciser : «Sont-ils sous traitement? Oui certainement puisqu’ils disparaissent pendant quelques jours. Des affirmations indiquent qu’ils ont été internés pour être stabilisés, mais ils reviennent toujours avec les mêmes symptômes et parfois dans un état plus dépressif ».
Mais qu’en est-il au juste? Pourquoi y a-t-il autant de personnes instables mentalement, déguenillées qui défilent dans les rues et surtout dans un état d’hygiène inexistant depuis des années. Des hommes, des femmes et des adolescents, ne semblent pas, de par leur nuisance et détresse, heurter les consciences. «Fatalisme oblige, nous nous en remettons à Dieu en oubliant qu’il y a des solutions ici bas». répliquent des observateurs du secteur. «La situation est en effet préoccupante.
Ce que je peux vous dire c’est que faute de textes d’application en rapport avec la loi 18-11 du mois de juillet 2018 relative à la santé, nos marges de manœuvre sont très réduites. Je m’explique, une commission composée d’un magistrat ayant le rang de président de chambre à la Cour, d’un représentant du wali, de deux médecins spécialistes en psychiatrie et enfin d’un représentant d’une association de malades a été installée l’année passée, un PV d’installation existe, mais cette commission n’est pas opérationnelle faute de textes d’application. Nous continuons à travailler avec les anciennes méthodes», a révélé à El Watan le docteur Fetni Walid, médecin-chef du service psychiatrie à l’EPH Ibn Zohr de Guelma. Et d’expliquer : «100 % des malades à Guelma sont placés d’office par le wali. Un certificat de dangerosité est délivré pour appuyer la décision».
Une prise en charge qui n’a pas évolué
En effet, la prise en charge en santé mentale à Guelma n’a visiblement pas évolué dans les deux cas de placements des malades, soit administratif ou judiciaire. Dans ce contexte bien précis, le docteur Fetni ajoute : «Pour les placements judiciaires, seul le magistrat est habilité à ordonner l’internement en cas de crime, entre autres». En clair, cette hospitalisation ordonnée oriente le malade vers trois centres en Algérie : Oued El Athmania pour la région est, Frantz fanon (Blida) au centre et enfin Sidi Chami à Oran pour l’Ouest. Quant aux placements administratifs, notre interlocuteur indique : «Pour le cas de la wilaya, nos malades sont orientés vers l’EHS d’El Harouche (wilaya de Skikda) ou celui de Er-Razi à Annaba, en fonction de l’état du malade et de sa chronicité».
Et de conclure : «Je dispose d’un fichier que j’ai personnellement alimenté de quelque 5 789 malades adultes. Nous avons identifié également 1500 enfants». Notons enfin que le service de psychiatrie de l’EPH Ibn Zohr de Guelma a été doté de 10 lits (5 femmes et 5 hommes), mais faute de paramédicaux «dont la dernière formation spécialisée remonte à 1995, il est difficile de faire fonctionner convenablement ce service» nous dit-on. Quoi qu’il en soit, le phénomène des aliénés mentaux errant dans les villes et villages de la wilaya de Guelma est omniprésent. Faut-il en arriver aux coups et blessures voir un homicide occasionné par un «fou» pour le déclarer dangereux et ordonner son internement ? À méditer !