Samia Zenadi. Codirectrice des éditions APIC : «De plus en plus de librairies ferment...»

23/11/2023 mis à jour: 01:09
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Samia Zenadi, co-directrice des éditions APIC

Samia Zenadi est codirectrice des éditions APIC à Alger. Elle revient sur les difficultés de publier des livres en Algérie.

 

Propos recueillis par Fayçal Métaoui

 

-Est-il facile d’éditer des livres en Algérie en 2023 ?

C’est très difficile. Il y a la partie technique, c’est-à-dire, la disponibilité du papier, de l’encre, de la colle, de l’augmentation du prix du papier, et puis, il y a la partie relative au manque d’espaces pour la diffusion du livre. Le livre vit des rencontres et des débats. Le SILA n’est pas suffisant. Un auteur, qui met deux ans pour écrire un livre, fournit beaucoup d’efforts, attend à ce qu’il y ait un débat sur son œuvre, son écriture. Il attend à ce qu’il rencontre des gens pour lui dire qu’ils ont aimé ou pas son livre. De plus en plus de librairies ferment. A Oran, deuxième ville du pays, il n’existe qu’une seule librairie. A Alger, on est ravi de la reprise de la librairie El Ijtihad, mais ça reste insuffisant. Alger est une grande ville, un pôle universitaire, où il existe une tradition d’écriture et de lecture.
 

-Des associations tentent de faire bouger les choses dans d’autres wilayas...

Actuellement, il existe quelques associations,  comme à Médéa, à Blida et ailleurs, qui tentent d’encourager la lecture et qui proposent des rencontres littéraires. Il est toujours compliqué d’avoir des autorisations à cause de la bureaucratie. On se méfie toujours du livre. Je ne sais pas si le livre fait peur. Nous n’avons pas encore compris cette attitude...
 

-Qu’en est-il des nouvelles parutions chez APIC ?

Je commence par citer Misère de la littérature, de Jawad Rostom Touati, l’histoire d’un écrivain, un grand lecteur, mal à l’aise avec ce qu’il lit et qui va écrire un long poème où il s’adresse aux auteurs, détaille les textes qui l’ont dérangé. Il décrit l’atmosphère et le microcosme fermé qui a besoin d’être aéré avec des nouvelles plumes qui remettent en cause d’autres plumes. Les jeunes ont du mal à se retrouver dans un faux-semblant généralisé.  
Dans la collection Terres solidaires (lancée en 2007 pour favoriser la circulation de la littérature africaine dans l’espace francophone) avec l’Alliance des éditeurs indépendants, nous avons réédité le livre paru chez les éditions tunisiennes Elyzad, Bel abîme de Yamen Manai, un texte fort sur un adolescent révolté par le manque d’humanisme au sein de la société. Il remet en question beaucoup d’idées reçues sur une société qui paraît paisible et tranquille mais qui, au fond, est souvent injuste.
 

-Les jeunes auteurs sont bien présents dans votre catalogue cette année aussi...

C’est vrai. Nous avons publié le dernier roman de Mohamed Abdallah, Le Nil des vivants, une magnifique histoire de deux auteurs qui vont se rencontrer au Caire, et qui, comme par hasard, ont écrit la même histoire, mais d’une manière différente. Ils ne se connaissaient pas, vont découvrir qu’ils étaient cousins... Chacun a un bout de l’histoire. 

Ce livre évoque l’idée que les sociétés et les cultures ne sont pas figées, sont tout le temps en mouvement par les vivants, les gens qui se posent des questions.

Nous publions aussi pour la première fois un livre de Mehdi Messaoudi. En dépit du temps est un recueil de nouvelles où il donne la parole aux mémoires de Abdelhadi, un jeune homme natif d’Oran. Il va raconter ses grands-parents, ses amis, son quartier, son citronnier, son médecin...Nous redécouvrons l’ambiance d’Oran des années 1980. Nous avons aimé la sensibilité de l’auteur et du personnage.
 

-Et vous avez également publié de la poésie...

Oui, Dans mon cœur, il n’y a plus d’heure de Youcef Merahi, un auteur qui n’est plus à présenter. Le recueil de poèmes est illustré par Tighilt Kouceila. Le jeune Yassine Abdelmalek Foudala publie chez nous également son premier recueil Cœur en fragments, préfacé par Mohamed Bouhamidi. Le poète laisse parler son cœur. Il y a beaucoup de douceur, de tristesse et de promesses dans ce recueil. Depuis un certain temps, nous publions chaque année, même si tout va mal, des recueils de poésie. La poésie nous aide à trouver du sens à ce qu’on fait, à notre métier d’éditeur. S’il n’y a plus de poésie, on ferait un autre métier !
 

-Vous publiez aussi La pensée blanche de Lilian Thuram, un livre qui a eu un certain  succès au SILA 2023...

Ce livre fait partie du projet de collaboration avec l’Alliance des éditeurs indépendants. C’est une association qui regroupe un certain nombre d’éditeurs africains. On s’associe pour faire un livre et pour faire des tirages chacun avec ses propres moyens et selon la taille de son lectorat. Je tire donc selon la demande éventuelle. Dans La pensée blanche, Lilian Thuram critique la société française et évoque la montée du racisme. Je n’oublie pas aussi l’essai de  Mohamed Taleb, Israël, prélude à un déclin auto programmé.
 

-Un livre d’actualité...

En 2019, Mohamed Taleb a publié un livre Palestine, le plus grand hold-up du XXe siècle où il a évoqué la colonisation israélienne avec des faits puisqu’il est chercheur en histoire. Dans Israël, prélude à un déclin autoprogrammé, Mohamed Taleb analyse avec froideur, sans discours, Israël, un Etat construit sur l’apartheid qui ne peut pas résister à l’épreuve du temps. Nous avons aussi publié un livre de Badreddine El Mili, Poussières d’itinérance dans lequel il raconte ses voyages, alors qu’il était jeune journaliste, dans plusieurs pays. 
 

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