Le musicologue Salim Dada n’est plus à présenter tant sa réputation a dépassé les frontières. Il a toujours valsé avec enthousiasme et passion entre ses différentes gammes professionnelles. Dans cet entretien, l’artiste nous donne un aperçu sur sa dernière symphonie Sinfonietta per archi, sur l’enregistrement de la bande originale du film Hypnotisia, de Merouane Lakhdar Hamina, ainsi que sur récente nomination en tant que président de la commission des cérémonies d’ouverture et de clôture et des activités culturelles du Comité d’organisation des Jeux méditerranéens d’Oran 2022.
- Vous venez tout juste de finaliser la composition de la première symphonie algérienne pour cordes baptisée Sinfonietta per archi, qui va être jouée à Bruxelles dans un grand festival en juillet 2022 puis enregistrée l’hiver prochain à Anvers, en Belgique, par le Boho Strings. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce projet musical ?
C’est une réelle délivrance le fait de terminer une grande composition après plusieurs mois de travail, de recherche, d’écriture et d’orchestration. C’est une double fierté, d’abord pour l’œuvre elle-même, car c’est toujours un challenge de pouvoir mener à terme des idées musicales abstraites sur une partition, même si on a déjà pu signer plus de 140 œuvres. Mais c’est surtout une fierté de pouvoir apporter une pierre à l’édifice de l’art algérien en écrivant la première symphonie algérienne pour cordes. C’est un rêve de jeunesse qui se réalise et un vœu de mature qui se concrétise.
Ma Sinfonietta per archi est composée pour un orchestre de 25 musiciens, exclusivement des archets, elle comporte cinq mouvements et dure 21 minutes environ. Contrairement à mes précédentes compositions pour cordes, la Sinfonietta per archi ne sonne ni pittoresque ni galante, au contraire ; c’est une musique de rétrospection, un dialogue intérieur nourri de débats, de contradictions, de rêves et de désillusions, de périodes d’emphase et d’autres d’accalmie.
C’est le fameux monologue intérieur que mène chacun de nous autour du dilemme : ce que l’on aimerait faire, ce que l’on devrait faire et ce que l’on pourrait faire. C’est une partition pour laquelle j’ai mis en œuvre tout mon savoir-faire de compositeur et mon amour des instruments à cordes. Et je suis content que l’orchestre belge Boho Strings et son directeur David Ramael me l’aient commandé pour une création européenne le 17 juillet au Walden Festival, à Bruxelles et un enregistrement en novembre prochain à Anvers pour le compte d’une monographie discographique de mes œuvres pour orchestre d’archet Cordes d’amour ; un disque qui sera publié par le label belge Antarctica Records.
- Vous venez également de terminer le mixage d’un autre projet musical cinématographique, qui est la musique du film Hypnotisia, de Merouane Lakhdar Hamina. Ce travail sera à l’honneur lors d’un ciné-concert qui se déroulera en mai prochain au Théâtre national algérien. Quel est votre sentiment par rapport à cette consécration ?
Effectivement, j’ai enregistré cette bande originale en début janvier avec mon orchestre partenaire, le Bulgarian Symphony Orchestra – Sif 309, et là, on vient de terminer le mixage général de la bande son du film Hypnotisia chez Tayda Film. C’est un soulagement de regarder enfin le film terminé et dans la forme la plus aboutie. J’attends impatiemment le retour du public après l’avant-première qui sera donnée dans quelques semaines à Alger
Ma musique pour le film de Merouane Lakhdar Hamina, produit par Sunset Entertainment, est l’adaptation cinématographique de ma Sinfonietta per archi qui s’est nourrie entre autres des ambiances du film et de ses protagonistes. C’est dans les limbes de l’inconscient et dans le jeu et la duperie d’un mental dompté de désirs, de frustrations et de culpabilité que se tissent les notes de cette BO reflétant différentes facettes de la personnalité des protagonistes du film Hypnotisia.
L’hypnose étant un état mental de type transe dans lequel les gens se retrouvent dans un état d’attention focalisée, de suggestibilité accrue et de fantasmes vifs, ma Sinfonietta per archi est ainsi le porte-parole musical du ressenti et du non-dit d’un personnage hypnotisé. Je profite ici pour remercier grandement l’Institut français d’Alger (IFA) et l’Office national des droits d’auteur et droits voisins (ONDA) d’avoir cru en ce projet et d’avoir accordé un fond d’aide à l’écriture de cette partition diptyque Sinfonietta per archi/Hypnotisiaqui sera donnée à Alger début mai prochain en guise de création mondiale symphonique conjointement à un ciné-concert du film avec mon orchestre et moi-même à la baguette.
- En votre qualité de directeur artistique et musical de l’Orchestre des jeunes d’Algérie (OJA), quel bilan faites-vous de la troisième édition nationale qui s’est tenue entre le 17 et 25 décembre 2021 ?
Merci de l’avoir rappelé, car effectivement l’OJA a réussi à organiser, non sans difficultés, la 3e session nationale (stage musicale, activités culturelles et concerts), et ce, au Village des artistes à Zéralda avec trois concerts donnés au Théâtre de Médéa et à la Salle Atlas d’Alger. Dans cette session, plus de soixante jeunes talentueux musiciens ont bénéficié d’un encadrement spécifique et d’une immersion dans le monde de l’orchestre, en plus d’une trentaine de choristes (issus de la Chorale Icosium) ont fait leur première expérience avec un orchestre symphonique.
Cela a donné une scène composée d’une centaine d’artistes et un programme musical très éclectique avec des œuvres qui vont du baroque italien à la musique britannique du XXe siècle en passant par le romantisme français aux créations des œuvres de jeunes compositeurs algériens : Concerto d’Antonio Vivaldi, Palladio de Carl Jenkins, Le Cygne et la Danse macabre de Camille Saint-Saëns, Pavane de Gabriel Fauré, l’hymne des travailleurs africains Africanade de Salim Dada, Gaadet Lahbeb de Nabil Hamai et Prélude de Kamel Fadhloun.
Pour la réalisation de cette session, l’OJA a bénéficié d’un partenariat logistique et financier de l’ONCI et de l’ONDA. On travaille aujourd’hui sur les possibilités de diffuser ce spectacle afin de capitaliser cette session et ses efforts. Bilan annuel très positif pour l’OJA, que se soit sur le plan artistique ou sur le plan administratif. Il est à rappeler que l’association culturelle et artistique Orchestre des Jeunes d’Algérie a été créée avec un bureau exécutif élu lors de l’Assemblée générale qui a eu lieu au TNA à Alger en juillet 2021.
- Récemment, vous avez été nommé président de la commission des cérémonies d’ouverture et de clôture et des activités culturelles du Comité d’organisation des Jeux méditerranéens d’Oran 2022 qui aura lieu du 25 juin au 5 juillet prochains. Un plan de charge qui ne semble pas si simple à réaliser ?
En décembre 2021, le commissaire des Jeux méditerranéens, Aziz Derouaz, m’avait proposé la présidence de la Commission des cérémonies d’ouverture et de clôture et des activités culturelles des JMO22, demande que j’ai acceptée non sans appréhension, sachant la difficulté de la tâche et la limite des échéances. Six semaines plus tard, on m’installe officiellement président de ladite commission, et là, je me lance dans la quête des meilleurs idées et projets culturels afin d’ouvrir, d’accompagner et de clôturer les Jeux méditerranéens Oran 2022. La mission n’est pas de repos.
Il y a d’autres considérations géopolitiques, touristiques et sociologiques qu’il ne faut pas perdre de vue, même si l’événement demeure essentiellement sportif. Actuellement, je suis en étroites discussions et séances de travail avec des secteurs partenaires (Jeunesse et sports, Culture et art, Tourisme et artisanat, Moudjahidine, Affaires étrangères…) afin de coordonner et d’optimiser les différentes propositions sectorielles dans le but d’élaborer un agenda culturel qui soit varié et de qualité, et qui représentera dignement le patrimoine culturel national et le génie créatif algérien exprimés dans les différentes disciplines artistiques.
Très prochainement, on procédera aux annonces, concours et appels d’offres afin de compléter ce riche programme culturel par des propositions qui émaneront des artistes, des représentants de la société civile et des entreprises culturelles privés. On sèmera à tout vent rien que pour que l’image de l’Algérie et de sa culture soient à la hauteur des attentes de nos invités et des aspirations de nos concitoyens.
Propos recueillis par Nacima Chabani