Afin de prévenir les risques chimiques dans le milieu du travail et préserver la santé des travailleurs et la sécurité publique, le législateur algérien a mis en place tout un arsenal de lois, dont l’arrêté interministériel du 25 novembre 2015 fixant la liste et la classification des matières et produits chimiques dangereux.
Certes, une certaine évolution a été observée, ces dernières années, dans les conditions de travail, mais elle demeure toujours insuffisante. «Parmi ces mesures, je note la Commission paritaire d’hygiène et de sécurité (CPHS) qui a été créée par le législateur bien avant 2007.
Mais il n’y avait aucune application dans les entreprises qu’après plusieurs actions de sensibilisation, des enquêtes sur les accidents de travail et les pauses prévention que nous avons organisées dans les sociétés pour l’installation de cette CPHS, qui aide à mener le travail dans un milieu hygiénique, bien organisé avec la mise à disposition des équipements de protection individuelle et collective pour minimiser les risques et non pas les faire disparaître», a déclaré à El Watan Moufida Birouk, responsable de la cellule de prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles à la CNAS de Constantine, en marge d’une rencontre organisée par cet organisme sur les dangers des substances chimiques dans le milieu de travail.
Moufida Birouk indiquera qu’une dizaine d’entreprises ont pris conscience du danger et ont commencé par procéder à l’installation de ladite commission.
Malheureusement, ce n’est pas le cas de nombreuses sociétés. Notre interlocutrice affirme que ces normes ne sont respectées que dans les sociétés multinationales ou les grandes entreprises de production pharmaceutique, sachant que la plupart des tâches sont mécanisées et le travailleur est moins exposé dans un milieu à risque chimique élevé.
«Les manquements sont signalés au niveau des unités industrielles, des briqueteries et des cimenteries. Elles font de leur mieux avec les filtres pour minimiser le risque sur l’environnement et l’individu, mais il se pose toujours.
En Algérie, on n’a pas su instaurer la culture de la prévention chez le travailleur et l’employeur», a-t-elle regretté, estimant que l’employeur a le devoir de sanctionner le travailleur qui ne porte pas les équipements de protection individuelle. Chose qui n’est jamais faite ou l’entreprise se contente de la verbalisation.
Photos à l’appui, Mme Birouk a montré dans son intervention comment certaines entreprises ne respectent pas les conditions de stockage des produits dangereux, avec non-identification des risques par les symboles normalisés alors que leurs travailleurs ne portent pas les équipements de protection.
Des dangers imminents
Pour sa part, le Dr Kamel Yakoubi, médecin commandant à la Protection civile de la wilaya de Constantine, a estimé qu’il faut toujours penser à ces risques qui menacent tous les intervenants, y compris les médecins et les pompiers lors des incidents.
Il a appelé à avoir une logistique lourde lors d’un accident collectif, une formation des intervenants et des plans d’urgence. Les dangers de ces produits chimiques sont imminents, selon les spécialistes. Sur le plan santé, ces substances peuvent provoquer des intoxications, des asphyxies, des brûlures, le cancer, la stérilité et les dermatites.
Pour ce qui est de la sécurité publique, des explosions et des incendies peuvent avoir lieu, comme c’était le cas de l’entrepôt de cosmétiques à Aïn Oulmène, dans la wilaya de Sétif, où une explosion est survenue le 2 février 2022 dans une zone habitée. Le bilan était lourd, avec une famille décimée, dont 6 enfants âgés entre 5 et 16 ans ainsi que 14 blessés, des maisons endommagées et d’énormes dégâts matériels.
L’explosion du port, de Beyrouth et ses énormes dégâts humains et matériels, a été également évoquée comme un exemple du danger de ces produits. En l’absence de normes de prévention dans plusieurs entreprises algériennes, s’ajoutent les sous-déclarations des maladies professionnelles par ignorance ou par les faux-fuyants.
En 2022, la CNAS de Constantine a enregistré seulement 4 cas atteints de maladies professionnelles et 4 autres à caractère professionnel. Pour l’année 2023, les mêmes services ont recensé 2 cas seulement, dont la tuberculose en milieu hospitalier et la surdité en milieu industriel, en plus de 16 autres cas de maladies à caractère professionnel. Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité.