Reportage / Ferme de Djerba (Béjaïa) : Ecotourisme et équithérapie

22/03/2022 mis à jour: 01:43
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Les amoureux du cheval et de la nature trouveront leur bonheur

Adossée à un flanc de montagne boisé face à l’immensité de la mer, une jolie ferme avec des vaches, des poules, des canards et surtout des chevaux. Une dizaine de magnifiques chevaux et pouliches de toute beauté. L’une des juments d’ailleurs vient tout juste de mettre bas. 

Aydi, petite pouliche de quelques jours encore hésitante sur ces frêles membres se réfugie derrière sa maman en levant vers nous un regard effarouché. Côté mer, on se croirait aisément en Corse ou en Italie. Côté terre, on s’imaginerait volontiers dans une hacienda de l’Ouest américain mais cette ferme est à Béjaïa, à un jet de pierre de l’île de Djerba, dont elle porte d’ailleurs le nom. 

Ferme équestre Djerba. Nous sommes chez Brahim Afrite, avocat de métier et passionné de la nature. C’est lui qui s’attelle année après année, pierre après pierre, à donner vie à ce projet aujourd’hui devenu réalité de ferme pédagogique et éco-touristique. «C’est une ferme pédagogique, car elle est ouverte aux écoliers et aux étudiants qui viennent faire connaissance avec les animaux dans leur milieu naturel : toucher, sentir, voir les vaches, les poules et les chevaux», dit Brahim, qui affirme recevoir régulièrement des groupes d’écoliers pour leurs sorties pédagogiques. 

Le monde a tellement changé, et l’Algérie avec, qu’il faut bien faire comprendre aux enfants que les œufs que maman prépare viennent des poules et non de la supérette du coin et que le lait de leur petit-déjeuner, et cela pourrait être une grosse surprise pour eux, ce ne sont pas des usines qui le fabriquent, mais bel et bien des vaches qui mangent de l’herbe dans le pré et de l’aliment dans leurs écuries.

 Le week-end, vendredi et samedi, la petite ferme se transforme en école d’équitation recevant des élèves désireux d’apprendre à monter à cheval. Pour des citadins habitués à monter plutôt des voitures, monter à cheval peut-être une expérience unique et grisante ou alors traumatisante. Il n’y a pas de frein pour s’arrêter, pas levier pour changer de vitesse ni d’accélérateur pour gagner en régime. L’animal est vivant et il faut apprendre à communiquer avec lui pour l’amener à coopérer. 

Toute une science et un art que Tarek Trar, coach équestre, dispense patiemment à ses élèves chaque week-end. Le jeudi, par contre, c’est la journée réservée à titre gracieux aux enfants autistes accompagnés de leurs parents. «Nous recevons chaque jeudi les enfants autistes pour des séances d’équithérapie qui est un procédé reconnu par la médecine. Le contact avec les animaux les aide beaucoup et leur apporte d’innombrables bienfaits», dit Tarek. 

Là encore, c’est de la découverte, car, en vérité, peu de gens connaissent le pouvoir des chevaux sur les enfants autistes. Ces merveilleux animaux grands, forts et patients possèdent l’étrange faculté de nouer des relations avec les enfants fermés sur eux-mêmes et sur le monde. En compagnie du coach, les enfants sont initiés à dominer leur peur et leur appréhension pour s’approcher de ses formidables animaux, les toucher, les caresser, les sentir puis les monter et faire corps avec eux. 

L’équithérapie aide à améliorer les difficultés d’ordre psychique, comme l’angoisse, le retard intellectuel ou de langage, le manque de confiance en soi ou encore certains troubles du comportement. Elle améliore la qualité de vie des enfants autistes, car elle agit positivement sur leur développement cognitif, physique et social. «Les chevaux n’aident pas seulement les autistes.

 Ils sont d’un grand secours aussi pour les personnes déprimées, traumatisées ou qui ont des troubles psychologiques», dit encore Tarik qui a commencé l’équitation très tôt, à l’âge de 8 ans. Brahim et son coach équestre déplorent cependant le manque d’aide dans cette aventure et mission pédagogique qu’ils assument seuls. «L’orge coûte désormais 7500  DA, le quintal et un cheval en consomme 8 kg par jour. 

Si les prix continuent de grimper, nous serons obligés de fermer. Nous n’avons droit à aucune subvention de la part de la wilaya pour acheter du fourrage comme la paille et la vesce avoine. Nous ne recevons, non plus, aucune aide de l’Union des coopératives de céréales de l’Algérois (UCCA) ou l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) pour nous vendre leurs produits à des produits subventionnés», déplorent Tarik et Brahim. 

En plus de leur nourriture quotidienne, les chevaux reçoivent des soins quotidiens, sont vaccinés et vermifugés et reçoivent des traitements contre les coliques et sont régulièrement ferrés par un maréchal-ferrant qui prend 7500 DA par cheval, cet animal mange plus que la vache ou le mouton et demande plus de soins et d’attention que les autres bêtes. 

De plus, beaucoup de vétérinaires n’ont pas assez d’expérience ni de connaissances sur les chevaux. «Le cheval, qui n’est pas un ruminant, est un animal complexe et difficile à entretenir», dit encore Tarek.

Depuis des années, Brahim défriche, plante et met en valeur ces terres ancestrales et il a déjà mis en terre plus de 1200 oliviers, l’une des essences qui s’adaptent le mieux à ce climat. Cependant, depuis peu, Brahim propose des formules «week-end découvertes». «Les gens participent avec nous à la vie de la ferme et profitent des produits naturels comme les œufs et le lait. Ils peuvent découvrir les animaux, faire des marches, des randonnées et passer la nuit dans l’un des chalets construits à cet effet», dit-il. À partir des chalets, la vue panoramique sur la mer du Cap Carbon jusqu’au Tighremt est époustouflante.

Celui qui ramène son enfant autiste pour un week-end a la possibilité de passer la nuit sur place, mais les tarifs varient que l’on soit seul ou en groupe.

Brahim a commencé à recevoir des clients au moment du confinement et du couvre-feu imposés par la pandémie Covid-19. Les gens étaient à la recherche d’un peu d’évasion pour fuir les prisons que sont devenues les villes et les maisons. Ils cherchaient aussi à fuir l’angoisse d’une pandémie déprimante qui ne cessait de se renouveler par variants interposés. Avec sa mer, ses plages et ses montagnes, Béjaïa a toujours été une terre de découvertes et d’évasion.

En ce moment, Brahim a entrepris d’aménager la forêt mitoyenne des chalets. Il met en place des coins pour poser des tables et des chaises afin de prendre le déjeuner, le petit-déjeuner ou le dîner, des espaces appelés à recevoir des tentes de camping à l’ombre des pins d’Alep ou des pins parasol ainsi que des points d’eau et un coin toilettes. Les groupes d’écoliers, d’étudiants ou de touristes pourront se reposer dans ce petit coin boisé et ombragé. 

Brahim a encore beaucoup d’idées qui lui trottent dans la tête, mais il veut avancer d’un pas sûr. Comme lorsqu’on fait monter un enfant sur le dos d’un cheval. Depuis que le pays est fermé sur lui-même comme un enfant autiste, peut-être que le salut viendra des chevaux comme ceux de Brahim. 

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